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Présidentielle 2027 : la marche est-elle trop haute pour un candidat du bloc central ?

Ce week-end à Arras, Gabriel Attal a posé les jalons d’une candidature à la présidentielle de 2027. Comme d’autres candidats potentiels au centre, le secrétaire général de Renaissance a pris ses distances avec le bilan du Président de la République. Pas de quoi le démarquer de ses concurrents, car l’espace politique du bloc central s’est restreint en 10 ans.
Simon Barbarit

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En politique, tuer la figure du père pour lui succéder n’a rien d’extraordinaire. Gabriel Attal qui ne cache plus du tout ses ambitions pour 2027, n’a pas transgressé la règle. Ce week-end, en clôture du congrès de Renaissance à Arras, le secrétaire général du parti a indiqué ressentir l’impatience des Français à « tourner une page, celle du chaos, celle des vieilles recettes du passé, des vieux schémas, des vieux réflexes », a-t-il brocardé au son des « Attal président » entonné par les jeunes en marche.

« Un acte fondateur » ?

« Emmanuel Macron avait déclaré lui-même en 2017 sa candidature en rupture avec François Hollande. C’est un grand classique de la Ve République. Dès 1969, Georges Pompidou avait déclaré sa candidature lors d’un déplacement à Rome ce qui avait fort déplu au général de Gaulle. Jacques Chirac avait claqué avec fracas la porte de Matignon avant de se retrouver face à Giscard lors de la présidentielle. Lionel Jospin avait proclamé le droit d’inventaire des années Mitterrand… Gabriel Attal a d’autant plus intérêt à le faire au moment où Emmanuel Macron bat des records d’impopularité. Si vous voulez avoir des chances de lui succéder, vous devez prendre vos distances », souligne Jean Garrigues historien, président du comité d’histoire parlementaire.

« Le mot de rupture est peut-être un peu exagéré. Gabriel Attal a quand même rappelé quelques points positifs comme la réduction du chômage. Mais, on était loin d’un vibrant hommage à Emmanuel Macron. Il a compris qu’il ne pouvait pas se placer sérieusement sur la ligne de départ en 2027 sans un acte fondateur. Il doit montrer qu’il existe en dépit d’Emmanuel Macron », rapporte Bruno Cautrès, politologue et chercheur au Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences Po), invité en tant qu’expert au congrès de Renaissance, ce week-end.

Un certain nombre de macronistes de premier rang comme Benjamin Haddad, Aurore Bergé, ou la présidente du conseil national du parti, Élisabeth Borne ont préféré ne pas être présents pour assister à ce nouveau pas de Gabriel Attal vers une candidature. La consigne avait été donnée par Emmanuel Macron cet été : « Si dans les deux ans qui viennent, on passe notre temps à parler de 2027, à ne rien faire, à être dans les calculs et les divisions, ce ne sera aucun d’entre nous. Alors, agissons. Restons unis. Soyons responsables et œuvrons pour le pays », avait il enjoint devant les jeunes avec Macron.

« L’enjeu n’est pas d’obtenir le soutien d’Emmanuel Macron mais de se démarquer de lui »

Hasard du calendrier, un autre ex-Premier ministre d’Emmanuel Macron, candidat déclaré à la présidentielle, Edouard Philippe, a lui aussi fait entendre ses critiques envers celui qu’il compte succéder. Sur la chaîne Youtube the Legend, le maire du Havre a lui aussi dénoncé le choix de la dissolution. « Je lui en veux beaucoup d’avoir pris cette décision que je trouve funeste et absurde […] Il a rendu un très mauvais service au pays », a-t-il confessé ce week-end.

« Pour les candidats du bloc central, l’enjeu pour 2027 n’est pas d’obtenir le soutien d’Emmanuel Macron mais de se démarquer de lui. C’est plus un problème pour Gabriel Attal que pour Edouard Philippe qui est sorti de la macronie au printemps 2020. Il est moins associé à l’héritage d’Emmanuel Macron. Et c’est pour ça que Gabriel Attal essaye, en rappelant qu’il était opposé à la dissolution dont il a fait les frais d’ailleurs, qu’il n’est plus en odeur de sainteté dans la macronie. Mais ces deux anciens Premiers ministres vont devoir expliquer comment, que ce soit d’un point de vue économique ou d’un point de vue de l’exercice du pouvoir, ils se démarquent d’Emmanuel Macron », appuie Bruno Cautrès.

Toutefois, prendre ses distances avec un Président sortant de son propre camp, comme Nicolas Sarkozy ou Emmanuel Macron en leur temps, est loin d’être un gage de réussite. « L’espace politique que va laisser Emmanuel Macron est saturé de candidatures. Au centre ou au centre droit, vous avez 3 ou 4 candidats potentiels qui commencent à exister dans l’opinion, Gabriel Attal, Edouard Philippe, Bruno Retailleau éventuellement Gérald Darmanin ou même François Bayrou », liste Bruno Cautrès.

Comment renouer avec l’énergie de Macron 2017 ?

Une pléthore de prétendants pour un espace politique qui s’est considérablement restreint depuis 2017 comme le relève le constitutionnaliste et politologue, Benjamin Morel. « Ces candidats font face à une forme de contradiction stratégique. Ils se mettent en rupture avec le Président car, en politique, on n’est pas élu sur un héritage. Mais de l’autre côté, ils convoitent le même électorat qu’Emmanuel Macron. Or, cet électorat, qui pour schématiser est composé de CSP + et de retraités, a moins de réserves de voix que les deux autres blocs. A l’extrême gauche ou à l’extrême droite on va chercher à mobiliser les abstentionnistes. L’électorat d’Emmanuel Macron est lui par essence déjà très mobilisé. Il faut aussi souligner que les trois blocs étant plutôt étanches, un candidat « interbloc », comme Bruno Retailleau à droite ou Raphaël Glucksmann à gauche pourrait tirer son épingle du jeu. Gabriel Attal veut lui aussi envoyer des signifiants pour rassembler le centre droit et le centre gauche ». L’ancien Premier ministre prône à la fois, un système de retraites par points avec une dose de capitalisation et la « GPA éthique ». Ce week-end, Gabriel Attal a aussi proposé d’insérer dans la Constitution un principe assez flou « de non-régression sociétale », calqué sur celui de non-régression environnementale. « Il veut renouer avec l’énergie d’Emmanuel Macron 2016 et 2017 en redéfinissant le paradigme : libéral sur les questions économiques et libéral sur les questions sociétales.

« Il sera quand même plus difficile pour Gabriel Attal de parler à la gauche comme le faisait Emmanuel Macron en 2017. Si on met de côté le Front Républicain des législatives de 2024, Gabriel Attal a été un adversaire de la gauche dans toutes les élections. Et difficile aussi pour lui d’aller plus à droite avec ses positions sur la GPA », tempère Jean Garrigues.

C’est le danger qui menace les champions du bloc central, celui de voir « le macronisme s’achever avec Emmanuel Macron », comme l’ont professé cette année, le patron de LR, Bruno Retailleau ou la porte-parole du gouvernement sortant, Sophie Primas. EN mai dernier, une étude Odoxa-Backbone Consulting pour Le Figaro, 82 % des Français pensaient que le macronisme ne survivrait pas au chef de l’Etat.

Une primaire improbable

Face à l’affluence des candidatures, la ministre sortante chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé avait esquissé l’idée, cet été, d’une primaire pour une candidature unique » du bloc central.

« Renaissance, Horizons, LR voire le Modem peuvent porter une candidature. Le problème, c’est qu’une primaire ne marche que lorsqu’une structure forte, en l’occurrence un parti, peut imposer son déroulement et aussi ses résultats. C’est le parti qui servait de filtre aux candidatures. Et encore, on a vu avec la candidature de Benoît Hamon en 2017, qu’un parti ne parvenait pas toujours à imposer le résultat d’une primaire auprès des adversaires battus », observe Benjamin Morel.

Si les partis ont perdu de leur influence dans la vie partisane ces dernières années et si l’élection présidentielle est perçue traditionnellement comme la rencontre d’un homme, d’une femme, avec le peuple français, être à la tête d’une formation politique reste indéniablement toujours un avantage. « Oui, car au moment des campagnes électorales, il faut des moyens. Et j’ai pu m’apercevoir hier à Arras qu’il y avait des militants, et la logistique d’un parti politique professionnel », explique Bruno Cautrès.

Benjamin Morel abonde. « C’est pour cette raison qu’une candidature unique au centre qui se déciderait en novembre 2027 serait trop tardive. En octobre, c’est à ce moment que les partis vont emprunter auprès des banques pour leur campagne. Et le premier objectif est de faire au moins 5 % au premier tour pour être remboursé ». Mais pas loin d’être assez pour accéder au second tour.

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