Présidentielle : Anne Hidalgo, la campagne envers et contre tout

Présidentielle : Anne Hidalgo, la campagne envers et contre tout

En marge de la présentation jeudi de son programme électoral, Anne Hidalgo tente de relancer une campagne présidentielle à la peine et de faire oublier l’épisode avorté de la primaire à gauche.
Romain David

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Sortir de l’ornière. Anne Hidalgo, la candidate socialiste à la présidence de la République, présentait jeudi son programme électoral : 70 propositions, une quarantaine de pages. Un passage obligé pour les candidats à l’investiture suprême, mais aussi une nouvelle tentative pour la maire de Paris de relancer une campagne qui patine depuis son lancement. Triomphalement investie en octobre par le PS, au sein duquel elle est largement apparue comme candidate naturelle, Anne Hidalgo n’a jamais réussi à décoller dans les sondages, qui l’accréditent en ce début d’année de 2,5 à 4,5 % des intentions de vote. Moins donc que les 6,3 % de Benoît Hamon en 2017, qui ont scellé la décomposition du parti de François Mitterrand, après un quinquennat marqué par les divisions. Le 8 décembre, il y a pourtant eu cette annonce de dernière minute qui a pris au dépourvu de nombreux commentateurs. Après avoir refusé durant des semaines de se soumettre à une primaire, Anne Hidalgo change d’avis et lance depuis le plateau de TF1 un appel aux autres candidats de gauche. Fin de non-recevoir de ses principaux challengers, l’écologiste Yannick Jadot et l’insoumis Jean-Luc Mélenchon. Désormais, la candidate tente de tourner cette page.

Une boussole pour les électeurs de gauche

« L’union n’est pas un programme, c’est une tactique ! », a commenté mercredi, dans la matinale de Public Sénat, Stéphane Le Foll. Candidat malheureux à l’investiture du PS, l’ancien ministre de l’Agriculture de François Hollande a pris ses distances avec la maire de Paris, mais ne manque pas de critiquer une campagne qui, selon lui, manque de clarté. « Si j’ai un conseil à donner à Anne Hidalgo, c’est d’arrêter avec l’hypothèse du rassemblement pour la victoire et d’affirmer des positions, un projet, un programme ! ». Le projet dévoilé jeudi est-il susceptible d’insuffler un nouvel élan, de renverser la table ? « C’est un moment clef de la campagne, pour montrer que l’on a des propositions à porter, et une vraie crédibilité au milieu des autres candidatures de gauche », explique le sénateur Rémi Cardon, l’un des porte-parole d’Anne Hidalgo.

« À gauche, les électeurs ont de quoi s’y perdre. Nous voulons montrer que nous portons un projet sérieux, d’inspiration sociale, démocrate et écologique, capable de faire la différence », abonde son collègue Rémi Féraud, l’un des proches de la candidate. Un projet capable aussi de faire la synthèse, car entre la réduction des écarts de salaires dans la même entreprise, la planification écologique ou encore l’inscription de la protection de la biodiversité dans la Constitution, Anne Hidalgo lorgne aussi bien du côté de La France insoumise que des Verts. « Ce sont des propositions audacieuses, qui répondent à des aspirations des Français. Je pense au droit de mourir dans la dignité », plaide Patrick Kanner, le patron de la gauche sénatoriale. « Il y a de l’audace, mais une audace maîtrisée. Ce ne sont pas des choses jetées en l’air, et qui ne seraient pas applicables ».

 

 Du sang neuf

Et pour porter ces propositions, la candidate a fait entrer en début de semaine une série de nouvelles personnalités dans son comité de campagne : l’ex-journaliste et ancien directeur de Libération Laurent Joffrin, l’ancien ministre du Budget Christian Eckert, l’ancienne ministre du Logement Emmanuelle Cosse, Rachid Temal, l’un des poids lourds de la gauche sénatoriale, ou encore le climatologue Jean Jouzel. « On élargit le comité politique avec des visages importants. Il faut montrer qu’Anne Hidalgo est soutenue par des personnalités de poids », commente Rémi Féraud. « Son ‘équipe de France des maires' était une bonne idée pour bénéficier d’un ancrage politique important à l’échelon local, mais le résultat était plus limité en termes de visibilité médiatique. » Reste à savoir s’ils parviendront à rendre audibles les propositions de la candidate. Jeudi après-midi, quelques heures après la présentation de son programme, et malgré sa proposition de rehausser la rémunération des enseignants, l’édile a été vivement huée lorsqu’elle est apparue dans le cortège parisien de la manifestation des enseignants.

En essayant d’occuper le terrain des idées, c’est aussi l’impasse de la primaire que tente de dépasser Anne Hidalgo. « Elle n’enterre rien. Elle acte seulement le refus de Yannick Jadot. Mais s’il change d’avis, pourquoi pas ? », lâche Rémi Cardon. « Ça n’arrivera pas, et à partir du moment où il refuse d’y participer, nous n’avons plus le périmètre des candidatures qui sont susceptibles de gouverner ensemble. Dès lors, cette primaire n’a plus d’intérêt », explique Rémi Féraud.

La primaire populaire

Mais la situation est loin d’être aussi claire pour tout le monde, comme en témoigne l’imbroglio autour du Bureau national du PS qui s’est tenu mardi soir, par visioconférence. Olivier Faure, le premier secrétaire, approuve-t-il ou non une participation des militants à la primaire populaire prévue fin janvier, une initiative citoyenne qui invite ses participants à désigner un candidat de gauche via un système de vote préférentiel ? « Je n’ai pas entendu de voix officielle du premier secrétaire dire que nous devions participer à cette primaire parce qu’elle s’imposerait à nous », balaye Rachid Temal. Mais selon des propos rapportés par Le Figaro, plusieurs membres de la motion majoritaire au sein du PS n’étaient pas aussi catégoriques mardi soir. « Dans la mesure où nous ne participons pas à cette primaire, nous n’avons pas à y dépenser plus d’énergie que ça. Ce qui ne nous empêche pas de regarder l’initiative avec beaucoup de bienveillance », évacue Rémi Cardon.

Car qu’elle soit candidate ou non, Anne Hidalgo y sera tout de même testée par ses organisateurs face à d’autres personnalités de gauche. Le risque est donc de la voir arriver derrière certains candidats, comme Jean-Luc Mélenchon ou encore Christiane Taubira - qui pourrait confirmer samedi sa candidature à la présidentielle -, ce qui pourrait entamer encore un peu plus sa cote sondagière. « Les militants socialistes ont voté pour elle, elle a ses 500 signatures et le soutien d’un parti qui, quoi que l’on en dise, reste, en nombre d’élus et à l’échelle du territoire, le deuxième parti de France », oppose le sénateur Temal. Cette primaire populaire « sera une indication très intéressante sur ce que veulent les citoyens, mais moi ma campagne, ma candidature, mes propositions, sont là. Je les déroule et je vais essayer de rassembler aussi à partir de mes propositions », a déclaré la maire de Paris jeudi matin, au micro de France Inter. Et d’ajouter qu’« évidemment », elle ira jusqu’au bout.

Une candidate en plus, un candidat en moins ?

Le 17 décembre Christiane Taubira s’est dite prête à se lancer dans la course à l’Élysée, donnant rendez-vous aux électeurs mi-janvier. « Je ne serai pas une candidate de plus », a assuré l’ancienne garde des Sceaux de François Hollande, expliquant vouloir mettre « toutes [ses] forces dans les dernières chances de l’union. » Mais l’annonce ne semble pas avoir eu l’effet escompté en créant un mouvement d’adhésion. Un sondage Elabe publié le 12 janvier ne lui accorde que 4 % des intentions de vote. De quoi morceler encore un peu plus la gauche. « Si elle y va, c’est à n’y plus rien comprendre », s’agace Rémi Cardon. Christiane Taubira pourrait toutefois s’appuyer sur un éventuel renoncement d’Arnaud Montebourg.

Selon des déclarations de la sénatrice Laurence Rossignol auprès de « Chez Pol », la newsletter politique de Libération, l’ancien ministre du Redressement productif aurait confié à son équipe de campagne son intention de jeter l’éponge, désormais certain qu’il ne parviendra pas à glaner les 500 signatures. Interrogé par Public Sénat, le sénateur Mickaël Vallet, porte-parole d’Arnaud Montebourg, se refuse à commenter ces propos, mais tient à balayer les rumeurs relayées par plusieurs journaux sur un éventuel ralliement. « Il n’y a aucun accord entre Arnaud Montebourg et Christiane Taubira, ni même avec Fabien Roussel (le candidat communiste, ndlr), comme on peut le lire ici ou là. En revanche, ce qui est vrai, c’est que ça cause, ce ne sont pas des camps qui sont fondamentalement éloignés. » Rappelons qu’en 2010, Christiane Taubira avait apporté son soutien à Arnaud Montebourg pour la primaire socialiste. « Le ralliement, c’est une petite musique que fait monter le cercle autour de Christiane Taubira, simplement pour mettre la pression », glisse encore un proche du candidat.

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