La Constitution prévoit-elle une présidentielle anticipée ?
Oui, c’est l’article 7 de la Constitution qui fixe le cadre d’une telle hypothèse. Le dispositif a déjà été expérimenté en 1969 après la démission du général de Gaulle. Dans ce cas, un nouveau scrutin doit être organisé dans un délai de 35 jours maximum. Les règles sont les mêmes qu’en temps normal : même financement, même règles de parrainage, même répartition du temps de parole. Simplement, tout est condensé, c’est une campagne express.
Et en cas de démission d’Emmanuel Macron, comment cela se passe-t-il ?
La Constitution ne prévoit pas les motifs d’une démission, c’est un acte personnel et moral. On ne peut pas codifier juridiquement une décision de ce type. Ce qui est intéressant dans le débat actuel, notamment autour de l’idée d’une démission anticipée évoquée par Édouard Philippe, c’est qu’on imagine un président annonçant son départ à l’avance. Mais ça, juridiquement, c’est impossible ! Le président de la République ne décide pas lui-même des règles de droit. Soit il démissionne, et la procédure se déclenche immédiatement ; soit il reste, et il n’y a pas de campagne. Mais on ne peut pas être dans une sorte de fausse pré-campagne. Parce qu’alors comment financer les meetings ? Comment organiser le temps de parole ? Comment gérer l’égalité entre les candidats ? Ce serait totalement ingérable et contraire à l’esprit de la Constitution. Donc, si le président démissionne, on constate la vacance du pouvoir, le délai de 35 jours démarre, et c’est parti.
Une telle hypothèse évoquée par Edouard Philippe est-elle une manière de pousser Emmanuel Macron à la démission ?
Oui, c’est une stratégie politique : forcer la main au président pour provoquer une présidentielle anticipée. Mais si Emmanuel Macron disait : « Je pars dans six mois », ce serait ingérable… et illégal ! Les médias, les partis, les candidats potentiels s’organiseraient, mais tout cela se ferait hors du cadre constitutionnel. Les candidats ne seraient plus traités à égalité, le financement des campagnes deviendrait bancal. On ne peut pas considérer qu’il y a campagne tant que la vacance n’est pas officiellement constatée par le Conseil constitutionnel.
Qui assure l’intérim lorsque la vacance est constatée ?
Tout repose sur l’article 7 de la Constitution. Dès que la vacance est constatée, par exemple après une démission ou un décès, le Conseil constitutionnel en est informé, et c’est lui qui fixe la date de l’élection. Le président du Sénat assure l’intérim, avec des pouvoirs limités : il ne peut ni dissoudre l’Assemblée, ni convoquer de référendum. Et dans les 35 jours au plus tard, il faut organiser la campagne, recueillir les parrainages, répartir les temps de parole… c’est extrêmement serré.
Est-ce qu’une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale pourrait accompagner cette élection anticipée ?
La Constitution est formelle sur ce point : l’article 12 interdit toute nouvelle dissolution dans l’année qui suit la précédente. Donc si le président dissout prochainement l’Assemblée et qu’une présidentielle anticipée survient en 2026, la nouvelle majorité ne pourrait pas redissoudre avant un an, même avec un nouveau président. Les délais sont ce qu’ils sont : le compteur ne repart pas à zéro avec l’arrivée d’un nouveau chef de l’État.
En cas de nouvelle élection, le mandat du nouveau président serait-il complet ?
Oui. Une élection anticipée ouvre un nouveau quinquennat complet. C’est une nouvelle légitimité démocratique.
Un président qui aurait déjà effectué deux mandats, comme Emmanuel Macron, pourrait-il se représenter ?
Non. L’article 6 est très clair : un président ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. Même en cas d’élection anticipée, cela ne crée pas un « rab » de mandat. Il y a eu un débat sur un cas en Polynésie française, où un président avait pu terminer un mandat interrompu, mais c’était une situation très différente, locale, prévue par une loi organique, et cela ne s’applique pas au président de la République française.
Une telle présidentielle anticipée serait-elle conforme à l’esprit de la Ve République ?
Absolument pas. La présidentielle anticipée est censée débloquer une situation, comme ce fut le cas en 1969 : de Gaulle part, il reste trois ans de mandat, et on repart sur un cycle politique complet. Mais aujourd’hui, avec seulement quelques mois à tenir avant la campagne de 2027, une élection anticipée ne résoudrait rien. Elle n’apporterait ni apaisement, ni perspective. Au contraire, elle risquerait d’ajouter de la confusion.
Une dissolution pourrait, elle, redonner un peu d’air politique. On a épuisé toutes les hypothèses au Parlement : la gauche ne tiendrait pas 48 heures à Matignon, le RN n’en veut pas, et le bloc central est dévitalisé. Aujourd’hui, on ne peut plus rien tenter de « neuf » sans rompre le cadre institutionnel.