Le rapport du sénateur LR Bruno Belin, en vue de l’examen de la mission sécurité du budget 2025, pointe l’impact financier des JO de Paris 2024 et de la crise en Nouvelle-Calédonie sur les finances de la gendarmerie et de la police. Conséquence : la police a renoncé à remplacer plus de 2.000 voitures et la gendarmerie n’a pas payé ses loyers à de nombreuses communes. Les budgets de la police et de la gendarmerie sont en revanche en hausse en 2025.
Présidentielle : Bertrand et Taubira, trouble-fêtes du duel Macron-Le Pen ?
Par Pierre Maurer
Publié le
Quatorze mois. C’est le délai qui sépare les Français de l’élection présidentielle de 2022, déjà bien présente dans la vie politique du pays. Au fil des mois, les appétits s’aiguisent et les candidatures potentielles se multiplient. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon se sont déjà déclarés, Emmanuel Macron tente d’imprimer un bilan malgré l’omniprésence de la crise sanitaire, la droite, la gauche et les écologistes se cherchent un candidat…
Pour l’heure, le chef de l’Etat peut se rassurer avec le dernier baromètre politique Odoxa Dentsu-consulting de février, pour France Inter et la Presse régionale. La popularité de l’exécutif y demeure stable en février : avec 41 % de jugements positifs pour le Président et 36 % pour le Premier ministre la popularité des têtes de l’exécutif progresse d’un point, malgré la gestion de la crise sanitaire fortement critiquée. Sans surprise, les deux hommes sont plus populaires chez les sympathisants de droite que ceux de gauche. Emmanuel Macron peut en tout cas se féliciter d’une popularité nettement supérieure à celle de son prédécesseur socialiste : à la même période de son mandat, le président de la République est presque deux fois plus populaire que François Hollande. Compagnon de route d’Emmanuel Macron et président du groupe RDPI (LREM) au Sénat, François Patriat s’en réjouit : « Le président a un socle entre 21 et 23 % solide. Emmanuel Macron je le vois au deuxième tour, si on gère le covid comme maintenant. Et puis on aura du vaccin contre le covid à gogo en avril », se rassure-t-il.
En face de lui, les opinions s’affinent et les outsiders se précisent. Si la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen (28 %), reste sa principale adversaire, à droite comme à gauche, deux candidats émergent : Xavier Bertrand et Christiane Taubira.
Florilège de candidats potentiels à droite : Bertrand en tête, Retailleau à la traîne
Pour le président des Hauts-de-France, rien de surprenant : sa candidature prend du poids depuis plusieurs semaines à droite. Mais pour la première fois, il arrive premier chez les sympathisants de la droite hors RN avec 64 % de cote d’adhésion. Depuis plusieurs mois, l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy s’affirme comme un opposant à la politique d’Emmanuel Macron et fait de sa réélection dans les Hauts-de-France le point de départ d’une candidature à la présidentielle. Tout comme la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, moins bien disposée dans les sondages, mais qui reste en embuscade. Xavier Bertrand creuse ainsi l’écart avec la chiraquienne : il la devance de 15 points chez les sympathisants de droite.
Tous deux ont pourtant quitté le parti Les Républicains (LR), qui misait tous ses espoirs sur François Baroin. Mais à l’automne 2020, l’ancien ministre de l’Economie et des Finances, a fait savoir par son entourage qu’il n’était pas candidat. Pour le moment, persistent à croire certains cadres LR. « Baroin n’a jamais dit clairement qu’il n’irait pas », souffle-t-on au siège du parti, rue de Vaugirard. Pour un membre du bureau politique, proche de François Baroin, tout cela n’est qu’une rumeur. « Il n’y va pas », tranche-t-il. Reste que la bataille s’est depuis lancée entre Xavier Bertrand et Bruno Retailleau, le patron des sénateurs LR. Très actif, le Vendéen a déjà dévoilé son application de campagne au titre sans appel « 2022 » et milite avec ferveur pour une primaire dans son camp. Face à l’émergence des candidatures, l’état-major a établi le cadre suivant : s’il n’y a pas de candidat qui s’impose « à tous » après les régionales, la famille politique optera pour un « système de départage », porté par le président du Sénat, Gérard Larcher. Une manière de ne pas « se taper sur la gueule », explique un poids lourd. Rendez-vous est donné à la « rentrée 2021 ». « On a voté un projet de revoyure en juin », rappelle le sénateur LR de Paris Pierre Charon, qui souligne que les primaires sont inscrites dans les statuts du parti. Autrement dit : il faudrait organiser un congrès pour faire sans.
Et pourquoi pas Sarkozy ?
Mais depuis plusieurs semaines, Bruno Retailleau marque le pas dans les sondages. D’après celui d’Odoxa, l’ancien filloniste est bon dernier du classement général avec 9 % d’adhésions favorables face aux 27 % de Xavier Bertrand. Chez les sympathisants de droite il n’est que quinzième à 25 %, soit 39 points derrière Bertrand… « C’est plus dur pour Retailleau, car son électorat est plus réduit, plus étriqué. Bertrand a su travailler un électorat de droite plus présent en France », observe le sénateur socialiste Rachid Temal pour qui ce duel représente « l’éternel baston entre les deux droites » : l’une plus conservatrice (ligne Retailleau), l’autre plus sociale (Bertrand).
Au parti, on note un changement de ton dans l’attitude du sénateur de la Vendée face aux mauvais sondages. « Il a progressé pépère… », se marrait récemment un cadre, considérant que Bruno Retailleau finirait par « dealer » avec le mieux placé à droite. Il y a quelques semaines, Xavier Bertrand et Bruno Retailleau ont d’ailleurs déjeuné ensemble. L’amorce d’une alliance ? Pas le moins du monde selon un membre du bureau politique. « Ce n’est pas vrai que Retailleau discute avec Bertrand. Et puis je ne vais pas commenter si Bertrand est un meilleur vendeur de polices d’assurance que Monsieur Retailleau. Même si très certainement », tacle-t-il. « Il ne se laissera pas abattre comme ça. Son positionnement n’est pas idéal, mais c’est sans doute le plus brillant et le plus redoutable », prévient - en soutien inattendu - François Patriat. « Retailleau y va. Il défend sa boutique. On est 150 sénateurs et il est considéré comme le meilleur président de groupe », défend Pierre Charon, sans être pro-Retailleau. « C’est un sondage un peu curieux… », ajoute-t-il. Pour lui, le seul candidat capable de s’installer, « c’est celui qui sera au second tour ». Et pour le moment, il n’y a « personne ».
D’autres tapent à la porte : le maire de Cannes David Lisnard, le négociateur du Brexit, Michel Barnier. Plus à droite encore, Eric Zemmour, testé dans ce sondage et récoltant 38 % des sympathisants de droite (soit 13 points de plus que Retailleau), laisse planer le doute. « On a tous les jours des candidats putatifs qui émergent. C’est révélateur de l’impatience collective », analyse-t-on rue de Vaugirard. « Dans les campagnes précédentes, on avait un ancien président, des anciens premiers ministres… ce n’était pas des porteurs d’eau. Là n’importe quel type se dit ‘j’y vais’ », cingle un parlementaire LR. « À droite, ils testent tout. Ni Pécresse, ni Bertrand peuvent aller second tour », flingue François Patriat. Il rapporte une anecdote issue d’une de ses dernières parties de chasse avec… François Baroin. « Quand je lui parle de Bertrand, Baroin me lance : ‘François, t’as fini de rigoler ?’ », s’esclaffe l’ancien socialiste. Pierre Charon et d’autres croient toujours dans l’éternel recours, comme le rapportait le Monde : Nicolas Sarkozy. « LR n’est pas incarné. Les sympathisants veulent Sarkozy ! », s’exclame le sénateur.
À gauche, la percée Taubira
Plus étonnant, à gauche, c’est Christiane Taubira (PRG) qui « explose ». En progression de 6 points, elle recueille désormais le soutien de 51 % des sympathisants de gauche. Elle dépasse ainsi Jean-Luc Mélenchon (LFI) et Anne Hidalgo (PS) à 20 % auprès de l’ensemble des Français et 40 % auprès des sympathisants de gauche. « Elle incarne beaucoup des valeurs de gauche, des grandes conquêtes, sous plusieurs quinquennats avec Jospin, Hollande. Cela veut dire qu’il y a une demande du peuple de gauche pour qu’il y ait une candidature. Et ça montre aussi que cette campagne présidentielle est plus ouverte que ce que l’on pense », traduit l’ancien premier secrétaire par intérim du PS, Rachid Temal, qui veut croire à une alternative au duel annoncé « Macron-Le Pen ». « Je le prends comme un appel du pied à un projet de gauche socialiste, écologiste, féministe et pas une addition d’étiquettes », renchérit-il.
« Elle reste un personnage symbolique, du mariage pour tous. Elle n’est pas entamée comme les autres politiciens. C’est un atout pour elle. Elle est aimée. Elle est très appréciée par les sympathisants de gauche, plus que Madame Hidalgo », observe la sénatrice écologiste Esther Benbassa. « Après est-ce qu’elle va se présenter ? On n’en est pas là », ajoute-t-elle. Sur France Inter, fin septembre, Christiane Taubira avait déclaré : « S’il se dégage que c’est à moi qu’il reviendra de tenir le gouvernail […] oui, je serai là. » Benoît Hamon, avait lui aussi poussé dans ce sens. « On a besoin d’elle. J’espère qu’elle dira oui. Elle a une autorité indéniable. Elle incarne la République et la solidité des principes républicains. Elle est l’une des seules à pouvoir réunir toutes les composantes de la gauche », a affirmé l’ancien candidat socialiste à la présidentielle à Ouest-France fin décembre. Un appel citoyen appelant à sa candidature a même été lancé. À ce jour, il recueille 26 800 signatures.
« C’est une des personnalités les plus populaires de la gauche. Que Taubira soit un symbole c’est bien, mais ce n’est pas nouveau », tempère le sénateur socialiste de Paris Rémi Féraud. « Si Hidalgo est candidate, elle le sera à la tête d’une équipe. Et il faudra qu’elle emmène avec elle une grande partie de la gauche », appuie ce fervent soutien de la maire de Paris. Dont Christiane Taubira ? Il confie : « Elles s’entendent très bien. Sa présence pourra être utile en 2022. »