Présidentielle dans le rétro : février 2017, que se passait-il à cet instant précis de la campagne ?
On rembobine la présidentielle. Quatrième épisode de notre feuilleton hebdomadaire consacré à la semaine de campagne… d’il y a cinq ans. Dans la semaine du 6 au 12 février, le camp Emmanuel Macron souhaite tordre le cou à l’idée d’un programme flou et le camp Fillon veut repartir de l’avant, après deux semaines difficiles.

Présidentielle dans le rétro : février 2017, que se passait-il à cet instant précis de la campagne ?

On rembobine la présidentielle. Quatrième épisode de notre feuilleton hebdomadaire consacré à la semaine de campagne… d’il y a cinq ans. Dans la semaine du 6 au 12 février, le camp Emmanuel Macron souhaite tordre le cou à l’idée d’un programme flou et le camp Fillon veut repartir de l’avant, après deux semaines difficiles.
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Que reste-t-il de la présidentielle de 2017 ? Chaque vendredi, Public Sénat vous fait replonger cinq années en arrière, dans la campagne de 2017. Cette semaine, cap sur la semaine du 6 au 12 février, marquée par des interrogations de plus en plus pressantes sur la présentation du programme d’Emmanuel Macron, la tentative de nouveau départ de François Fillon et des violences dans les banlieues, dont l’étincelle a été un viol lors d’une interpellation par un policier.

Pour Emmanuel Macron, l’enjeu est de répondre à la musique reprise en chœur par la droite et la gauche : où est son programme ? Le 7 février, le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis se demande : « Pourquoi il ne veut pas dévoiler son programme ? Est-ce qu’il y a quelque chose qui n’est pas avouable ? » A droite, François Fillon met en garde contre « l’aventure d’une politique sans programme depuis des mois ». Emmanuel Macron juge la critique infondée et assure, depuis la Touraine, qu’il « égrène le projet sur le travail, sur l’éducation, sur l’agriculture, sur l’Europe, sur la sécurité, sur l’écologie ». Dans un entretien au JDD, l’ancien ministre relativise toutefois le rôle d’un programme dans une victoire à la présidentielle. « C’est une erreur de penser que le programme est le cœur d’une campagne. »

Il n’empêche, son équipe doit déminer le terrain, labouré par les concurrents qui dénoncent le « flou » du programme. Une douzaine de membres du groupe d’experts présidé par l’économiste Jean Pisani-Ferry se réunit le 10 février au QG. Porté par de bons sondages, le camp Macron n’entend pas changer son calendrier. Le chiffrage du projet sera dévoilé le 22 février. Quant à la présentation de l’ensemble des propositions, il faudra attendre le 2 mars pour découvrir le « plan de transformation », rebaptisé « contrat avec la Nation ».

Nucléaire, Notre-Dame-des-Landes, diesel : Emmanuel Macron contraint de développer son programme

Durant cette deuxième semaine de février, le fondateur d’En Marche fait notamment parler de lui avec la première esquisse de son projet environnemental, lors d’un entretien au WWF, face à Pascal Canfin et un panda en peluche. L’ancien ministre de l’Economie tâche de ménager la chèvre et le chou. S’il s’oppose de façon nette à l’exploitation du gaz de schiste, Emmanuel Macron ne tranche pas sur l’épineux dossier du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, et promet de nommer un médiateur indépendant au début du quinquennat. Sur la loi de transition énergétique qui fixe à 50 % la part du nucléaire dans la production électrique française à l’horizon 2025, il considère qu’il faut garder « le cap » de cet objectif. Il y a toutefois un « mais ». « Je ne sais pas si l’objectif de 50 % est atteignable », reconnaît-il. C’est également le moment où il s’engage sur la poursuite de la convergence de la fiscalité entre le sans-plomb et le diesel.

Pour sa deuxième semaine de campagne, Benoît Hamon choisit, lui, un déplacement un peu particulier : il se rend sur un chantier nocturne du métro parisien, le premier rendez-vous d’une série de rencontres à des horaires décalées. Il saisit l’occasion pour « vanter la qualité du service public » en France et mettre en lumière les conditions de travail difficiles. « Il y a des métiers qui abîment les organismes, et le compte pénibilité, mis en œuvre sous le précédent quinquennat mais qui doit se déployer maintenant, doit à mes yeux être renforcé afin que ceux qui ont eu un métier pénible puissent partir plus tôt à la retraite », déclare-t-il, casque de chantier sur le crâne.

La séquence, centrée sur la thématique du travail, ressemble à une contre-offensive à ses détracteurs qui le prennent en défaut sur son revenu universel. Le lendemain, il se rend dans la Creuse, au chevet du « pays réel qui rame, qui souffre » et notamment des salariés du sous-traitant automobile GM & S. Benoît Hamon se fait interpeller « virilement » par certains, comme il relate lui-même. Il se garde de leur promettre l’impossible, lui qui avait été accusé d’être un marchand de rêves pendant la primaire. « Je ne suis pas venu avec de la poudre de perlimpinpin », déclare-t-il auprès des journalistes. Le débat d’entre-deux-tours entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen fera passer cette expression désuète dans la postérité.

Déjà dans la tourmente en raison des soupçons d’emplois fictifs visant son épouse, François Fillon doit faire face à une nouvelle polémique. Sa société de conseil, 2F Conseil, qu’il a fondée après son départ de Matignon et juste avant le début de son mandat de député en 2012, est sous le feu des critiques. Lors d’une conférence de presse le 6 février, François Fillon donne des détails. L’assureur Axa, la société Fimalac et la banque Oddo, dirigés par des proches du candidat, font partie des clients.

Ses adversaires crient au « conflit d’intérêts ». Le président du MoDem François Bayrou est l’un des plus virulents. « Jamais dans l’histoire de la République, un candidat aux plus hautes fonctions, à la présidence de la République, n’a été ainsi sous l’influence des puissances d’argent », déclare-t-il sur France 2. Le maire de Pau, qui entretient toujours le flou sur ses intentions présidentielles, ajoute même : « Je vois venir des choses qui sont tellement lourdes que je prendrai mes responsabilités ».

« C’est une nouvelle campagne qui commence », promet François Fillon

C’est la semaine où François Fillon tente de reprendre la main. Devant plus de 200 journalistes réunis à son siège de campagne, il défend la « légalité » des pratiques qui lui sont reprochées, l’emploi de son épouse comme de deux de ses enfants comme assistants parlementaires. L’ancien Premier ministre passe par une palette d’émotions assez variée. Insistant sur des « faits légaux », il accuse les médias d’en avoir « trop fait » pour le « lyncher » et « l’assassiner politiquement ». Avant de faire acte de contrition. « En travaillant avec ma femme et mes enfants, j’ai privilégié cette collaboration de confiance qui aujourd’hui suscite la défiance. C’était une erreur, je le regrette profondément, et je présente mes excuses aux Français. » Deux jours après, il remettra le couvert dans une lettre aux Français.

L’heure est aussi à la remobilisation des troupes, parfois déboussolées en coulisses. « C’est une nouvelle campagne qui commence », promet François Fillon, qui s’affiche avec les parlementaires le lendemain. Mais aussi à Troyes, avec le sénateur-maire François Baroin, cité comme l’un des potentiels « plan B ». Le député sarkozyste Georges Fenech, qui avait envisagé de lancer un appel de parlementaires à un « sursaut », espère désormais ne pas avoir « la gueule de bois » au soir du premier tour.

En fin de semaine, en déplacement à La Réunion, le candidat partage une fois de plus sa détermination à se « battre jusqu’au bout ». Dans une région où plus de 40 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, le gaulliste apôtre d’un programme de rigueur s’engage sur des mesures de soutien : retour de l’État dans le financement de la continuité territoriale ou encore « deux milliards d’euros par an en faveur de l’emploi outre-mer ».

L’affaire Théo fait ressurgir le spectre de la crise des banlieues de 2005

La semaine de campagne est également marquée par des tensions dans plusieurs villes de banlieue parisienne, moins de douze ans après les émeutes urbaines de 2005. À l’origine des manifestations et des incidents : Théo, qui dit avoir été violé par un policier avec une matraque télescopique lors de son interpellation le 2 février. L’affaire suscite une vague d’indignation. François Hollande en personne se rend au chevet du jeune homme, qui gardera des séquelles irréversibles. L’écologiste Yannick Jadot alerte sur le « risque d’embrasement parce que ça fait des années et des années qu’on ne traite pas la question des quartiers populaires ». Jean-Luc Mélenchon appelle à « purger dès maintenant les éléments malsains » de la police, en se disant « persuadé que la masse des policiers républicains est révulsée par ce type de pratique ». Cinq ans après, la cour d’appel de Paris a annoncé en novembre 2021 le renvoi des policiers aux assises.

De nouvelles violences surviennent lors d’une manifestation le 11 février 2017 devant le tribunal de Bobigny. François Fillon estime qu’elle n’aurait pas dû être autorisée et met en cause « la responsabilité du gouvernement ». Dans son premier grand oral télévisé sur France 2, Marine Le Pen se montre très sévère sur les violences des derniers jours, en accusant les différentes majorités : « Tout cela est la conséquence du laxisme qui diffuse dans la société française, qui est la responsabilité des politiques qui nous ont gouvernés pendant des années. » A ce stade de la campagne, la présidente du Front national continue de faire la course en tête dans les sondages.

 

1er épisode : Un duel au PS, l’ambition d’En Marche et le sparadrap de François Fillon

2e épisode : L’affaire Fillon éclate, Hamon remporte la primaire et la bonne étoile de Macron

3e épisode : Embouteillage à Lyon, doutes dans le camp Fillon et les bons sondages de Benoît Hamon

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