Le leader de la France Insoumise est inquiet. Il dit avoir déjà obtenu près de 400 parrainages, mais craint de ne pas réussir à en obtenir 100 de plus. Condition indispensable pour se présenter à l’élection présidentielle. Ce « filtre est devenu un couperet », dénonce le candidat insoumis. Il souhaite alors le modifier. « Rétablissons l’anonymat des parrainages que Hollande et Valls avaient supprimé dans le but d’exercer des pressions », continue-t-il. Selon lui, une nouvelle loi organique est possible « avant le 27 janvier ». Jean-Luc Mélenchon demande également un rendez-vous avec Gérard Larcher, « représentant des collectivités locales, pour qu’il fasse un appel, redise la règle que le parrainage ne signifie pas soutien. »
« On ne change pas les règles du jeu à quelques jours du match »
Invité ce matin sur France Inter, le président du Sénat est justement questionné sur ce thème par un auditeur. Il affirme que ce débat aurait dû avoir lieu, mais plus tôt. La procédure législative, pour ce genre de réformes, ne permet pas de modifier la loi si rapidement. En tout cas pas avant le premier tour de l’élection présidentielle. « Je souhaite que les élus utilisent pleinement leur droit de parrainage, qu’ils le fassent sans crainte, parrainer n’est pas soutenir ».
Même son de cloche du côté du ministre de l’intérieur, qui était lui invité sur RTL. Il déclare qu’une réforme n’est pas à l’ordre du jour. « Les règles peuvent toujours changer puisque la Constitution puis la loi le prévoient, affirme Gérald Darmanin. Mais on ne change pas les règles du jeu à quelques jours du match. »
Le candidat d’extrême droite Eric Zemmour plaide aussi pour l’anonymat des parrainages. Volonté qu’il a réaffirmée hier après-midi lors de ses vœux à la presse. Pour ce faire, il demande l’aide de l’Association des maires de France. Zemmour souhaite créer un « pool de signatures », une sorte de réservoir qui permettrait à l’association d’élus d’enregistrer des promesses de parrainages, qui seraient ensuite distribuées à des candidats en ayant besoin. Interviewé dans les colonnes du Figaro, le président de l’Association des maires de France réfute tout de suite l’idée. « L’AMF ne peut absolument pas intervenir : ce n’est pas son rôle de bloquer ou de cautionner un prétendant », insiste David Lisnard. Et sur la question de l’anonymat des parrainages, le maire de Cannes n’est pas fermé. « C’est une des options qui sont sans le débat. Mais encore faudrait-il que le Conseil constitutionnel valide cette mesure si elle était votée. »
Le Sénat s’est penché sur la question des parrainages
Le Parlement s’est également mobilisé sur ce sujet. Au Palais du Luxembourg en février 2021, le groupe socialiste, par la voix du sénateur Éric Kerrouche, a défendu un amendement pour réformer le système des parrainages. Et ce à l’occasion de l’examen d’un projet de loi organique sur l’élection présidentielle. La proposition ? Réduire les parrainages d’élus à 250, et introduire des signatures de citoyens, 150 000. Un chiffre ni négligeable, ni limitatif, selon les rédacteurs de l’amendement. « Aujourd’hui, il y a une inéquation entre le mode de parrainage actuel et le régime dans lequel on se trouve, explique le sénateur des Landes. Il y avait aussi la volonté de dire que les citoyens sont éloignés de ce choix, alors que ça les concerne ».
Autre point important de cette proposition : le souhait de relâcher la pression sur les élus. « Actuellement, le poids sur leurs épaules est trop important », continue Éric Kerrouche. « Ils sont vus comme des arbitres de dernier recours ». Et c’est ce que le groupe socialiste du Sénat souhaitait arrêter, en mêlant signatures d’élus et de citoyens. Mais à l’issue des discussions en séance, ni la majorité sénatoriale, ni le gouvernement, n’a pris en compte cette idée.
Deux rapports qui n’ont pas abouti à une modification de la loi
Cet amendement rappelle les propositions de la commission Jospin, demandée par François Hollande en 2012. Il souhaitait que l’ancien Premier ministre lui rende un rapport sur les outils à mettre en place pour améliorer la vie politique en France. Une des mesures phare : la suppression totale parrainages d’élus, remplacés par 150 000 signatures de citoyens vérifiées par les préfets. Le tout pour faire émerger des « candidats du peuple ».
Cinq ans plus tôt, c’était Nicolas Sarkozy qui faisait une demande similaire à Édouard Balladur, pour plancher sur la réforme des institutions. Le rapport avait également débouché sur la fin des 500 parrainages, remplacés cette fois par un collège de 100 000 élus, avec à l’intérieur des délégués de conseils municipaux « sélectionnés à proportion de la population qu’ils représentent. » Aucune des réformes proposées par ces deux rapports, Balladur puis Jospin, n’entreront finalement dans la loi.