Just me, myself and I. Xavier Bertrand n’a pas l’âme de se confronter aux autres candidats de droite. S’il participe au congrès d’investiture des LR, le 4 décembre, ce sera lui et lui seul. Le président des Hauts-de-France a confirmé hier, au Figaro, la petite musique que laissaient entendre ses soutiens depuis quelques jours. Il participera au congrès LR de désignation du candidat à condition que les autres candidats – Valérie Pécresse, Michel Barnier, Eric Ciotti et Philippe Juvin – se rangent derrière lui. Il ne resterait plus aux militants que le choix de l’adouber. Et le tour est joué.
« Un congrès d’affrontement nous replongerait dans les divisions de la primaire », selon Xavier Bertrand
« Si un congrès de rassemblement a du sens, un congrès d’affrontement nous replongerait dans les divisions de la primaire de 2016. Plutôt que de s’opposer les uns aux autres, je propose aux autres candidats que l’on se rencontre très rapidement », explique Xavier Bertrand. Il en profite pour dévoiler une de ses propositions : une « prime au travail », qui permettra qu’« aucun salarié à temps plein ne gagne, en France, moins de 1500 euros net par mois », pour un coût de « 5 milliards d’euros par an ». C’est ce que Xavier Bertrand appelle « une vision de justice sociale de droite ».
La semaine dernière, en bureau politique, l’une de ses porte-parole, la sénatrice Dominique Estrosi Sassone, avait pourtant annoncé qu’il serait prêt à participer, si l’option congrès était retenue par les adhérents, et non la primaire. Chose faite samedi dernier, lors d’un congrès statutaire. Du côté des LR, certains expliquent avoir été « très agréablement surpris » d’entendre ça, lors du bureau. Après ce premier « étonnement », c’est maintenant « l’étonnement d’un retour en arrière » qui prend le dessus.
« Il ne faut pas avoir peur de la sélection », affirme Valérie Pécresse
Dans les autres camps, la sortie de Xavier Bertrand n’est pas des mieux accueillie. En déplacement en Normandie, Valérie Pécresse a réagi. Elle ne semble pas prête à s’effacer d’un claquement de doigts, au contraire. « Il n’y a pas de candidat naturel. A partir de ce moment-là, il faut jouer collectif », affirme la candidate, qui ajoute : « Ma porte est toujours ouverte. […] Mais il faut un processus de sélection. Il ne faut pas avoir peur de la sélection, qui est la condition de l’unité. J’ai beaucoup de respect pour les militants, qui ont fait leur choix. Et moi, je m’y soumettrai ».
« Xavier Bertrand cherche à se placer en candidat naturel, au-dessus de la mêlée. Or il n’y a clairement pas de candidat naturel. Dans le dernier sondage des Echos, il n’y a qu’un point d’écart entre lui et Valérie Pécresse. Il y a donc une forme de dérobade démocratique de Xavier Bertrand », ajoute le député LR Philippe Gosselin, l’un des porte-parole de Valérie Pécresse. Pour lui, « le congrès démocratique LR, c’est la seule garantie de rassemblement ».
« Faut pas exagérer »
Même tonalité du côté de l’ancien négociateur du Brexit. « C’est un petit peu une curieuse façon de rassembler, en posant ses propres règles du jeu », s’étonne le sénateur LR Stéphane Piednoir, soutien de Michel Barnier. « Xavier Bertrand fait semblant de ne pas comprendre et de ne pas respecter le vote des adhérents LR », ajoute le sénateur du Maine-et-Loire. Il pointe « une entourloupe ». Et d’ajouter : « Si on est dans un rayon alimentaire et qu’on a le choix entre un seul produit, ce n’est plus du tout un choix ».
« Dire qu’on va procéder à un congrès d’adoubement sur un candidat autoproclamé, qui fait référence à des sondages, qui s’étiolent de semaines en semaines… Faut pas exagérer », lâche Stéphane Piednoir… Bref, voir les autres candidats se rallier au panache blanc de Xavier Bertrand, ce n’est pas gagné.
« Tout le processus est fait pour qu’il y ait plusieurs candidats »
Du côté du parti, on tient ce vendredi à mettre les choses au clair, si jamais il y avait un doute. « 58 % des militants ont choisi de réécrire le fameux article 37 de nos statuts, qui dit très clairement qu’il y aura sur deux tours, donc forcément avec plusieurs candidats, la désignation de celui ou celle qui aura le soutien de notre famille politique, lors d’un congrès. C’est très clair, on ne va pas revenir là-dessus », soutient le porte-parole de LR, Gilles Platret, interrogé par publicsenat.fr. Le maire de Chalon-sur-Saône ajoute :
Les discussions qui ont eu lieu au conseil stratégique, puis au bureau ont été très claires. Il y aura plusieurs candidats prévus lors du congrès du 4 décembre. Il n’y a jamais eu d’ambiguïté.
« Tout le processus est fait pour qu’il y ait plusieurs candidats », insiste le porte-parole du parti. Mais si les candidats arrivaient à s’entendre ? « Si jamais il y avait un accord général avant cette date du 4 décembre, à ce moment-là, il n’y a qu’un seul candidat qui déposera sa candidature. Cette hypothèse est possible, mais je la trouve peu probable », estime Gilles Platret, qui reconnaît cependant qu’« en politique, ce qui est impossible la veille peut changer le surlendemain. C’est très volatil ».
« Xavier Bertrand ouvre la porte et tend la main. Il va tenter de mettre tout le monde autour de la table »
Olivier Paccaud, l’un des porte-parole de Xavier Bertrand, veut y croire. « Xavier Bertrand ouvre la porte et tend la main. Il va tenter de mettre tout le monde autour de la table, pour qu’on trouve une solution », explique le sénateur LR de l’Oise. « Les militants LR n’ont pas rejeté une primaire ouverte pour une primaire fermée qui présenterait les mêmes risques de division et d’affrontement », ajoute le Picard, qui « appelle ça la mitraillette à venin, l’alambic à rancœur »…
Pour Olivier Paccaud, les études d’opinion sont claires. « Il est systématiquement devant dans les sondages. Il n’a peut-être pas plié le match, mais il a plié tous les matchs de championnat depuis le début… » lance le porte-parole de Xavier Bertrand, « et hormis les sondages, je ne vois pas quel est le moyen de dire qu’elle est le meilleur candidat ». La primaire peut-être. Mais on l’a compris, c’est niet pour Xavier Bertrand.
Xavier Bertrand doit dire d’ici le 13 octobre s’il sollicite le soutien des LR en congrès
Les LR vont se retrouver mercredi en bureau politique, notamment pour déterminer le comité d’organisation du congrès du 4 décembre. L’étape importante sera surtout celle des déclarations officielles de candidature, avec une date limite fixée le 13 octobre. Une réunion du bureau devra les valider. On saura à ce moment-là si Xavier Bertrand participe au congrès ou s’il ferme définitivement la porte. Il lui reste donc en réalité moins de deux semaines pour se décider. Il pourra cependant envoyer un courrier de candidature, pour ne rien exclure, et se raviser, faute d’avoir su rassembler.
Etape suivante : les 250 signatures d’élus nécessaires devront ensuite être envoyées un mois avant le premier tour du congrès. Il devrait être à une date rapprochée du second, peut-être 48 heures avant, soit le 2 décembre, pour éviter les tensions inutiles. D’ici là, une « campagne d’adhésion », comme nous disait le soutien d’un candidat, va continuer auprès des militants. Depuis le congrès de samedi dernier, 1.600 nouvelles personnes ont ainsi déjà (re) pris leur carte d’adhérents LR. Il est possible d’adhérer jusqu’à 15 jours avant le congrès. Ensuite, chaque candidat sera auditionné le 20 novembre par le conseil national de LR.
« C’est super fragile. Et il le sait. Je pense qu’il joue son va-tout »
Pour l’heure, l’empressement de Xavier Bertrand à forcer le destin ressemble de plus en plus comme un passage en force, plutôt qu’un candidat qui s’impose naturellement. Une attitude qui peut être aussi le signe d’une certaine fébrilité. Il essaierait de plier le match avant qu’il ne lui échappe…
« C’est super fragile. Et il le sait. Je pense qu’il joue son va-tout. Est-il prêt à une stratégie jusqu’au-boutiste ? » s’interroge un élu LR, qui n’est pas sûr que « jouer cavalier seul le serve dans les sondages ». Chez LR, certains rappellent l’autre enjeu de ces bisbilles de précampagne : l’argent. Le procès Bygmalion, avec la condamnation de Nicolas Sarkozy, est venu rappeler combien la question était importante pour une campagne présidentielle… Or le candidat qui gagnera le congrès aura une légitimée, certes limitée au vote des adhérents, et le financement du parti. C’est la question à 10 millions que pose un membre du parti : « Qui peut se passer des 10 millions d’euros des LR ? Je ne suis pas sûr que Xavier Bertrand ait dans ses escarcelles des millions, après ses premières levées de fonds… » Rester en dehors du parti semble, dès lors, difficilement tenable pour Xavier Bertrand.