Il est le troisième homme de l’élection présidentielle. Avec 21,9 % des voix, le candidat de la France Insoumise était loin et en même temps si proche du second tour : moins de 400 000 voix, 200 000 de moins qu’en 2017. Dimanche soir, au QG de soirée électorale au Cirque d’Hiver à Paris, Jean-Luc Mélenchon visiblement très ému, a demandé à ses électeurs de ne pas « s’adonner à la colère » face aux résultats décevants du premier tour.
Il y a un an, celui qui aime se comparer à une « tortue sagace » n’était pas au mieux dans les enquêtes d’opinion et plafonnait autour de 10 %. « Les sondages, on les regarde, mais avec un œil très critique […] Les méthodologies varient d’un sondage à un autre. Et ils se sont plantés quand même souvent », balayait Sophia Chikirou en juillet dernier.
Interrogée par publicsenat.fr, la conseillère en communication de Jean-Luc Mélenchon mettait d’ailleurs la mauvaise passe de son candidat sur le compte de la « haine médiatique » à son égard. Nous ne sommes plus en 2017. Lorsque le candidat LFI avait apaisé sa relation avec les médias. On se souvient d’un Jean-Luc Mélenchon très à l’aise sur le canapé de Karine Lemarchand dans l’émission « Ambition intime » expliquant que ses fameuses colères étaient étudiées.
Les polémiques
Pour 2022, l’ancien sénateur est parti très tôt en campagne. Il déclare sa candidature en novembre 2020, tuant dans l’œuf l’hypothèse d’une candidature commune à gauche, bien peu envisageable à ce stade de toute façon. S’estimant lésé au sein des divers accords pour les régionales et départementales, voire carrément mis de côté par les écologistes, le député des Bouches-du-Rhône avait flingué « les écologistes qui ont un avenir aussi longtemps qu’on ne les voit pas à l’œuvre », dans une interview au Monde.
Les images de la fameuse perquisition au siège de son parti en 2018, lors de laquelle il avait lâché « la République, c’est moi ! » lui collent à la peau. Condamné à trois mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Bobigny pour rébellion, il crée une nouvelle polémique quelques mois plus tard sur France Inter par des sous-entendus complotistes. « Vous verrez que dans la dernière semaine de la campagne présidentielle, nous aurons un grave incident ou un meurtre. Ça a été Merah en 2012 (auteur jihadiste des tueries de Toulouse et de Montauban, notamment dans une école juive), ça a été l’attentat la dernière semaine sur les Champs Elysées (en 2017, un jihadiste assassine le policier Xavier Jugelé). Avant, on avait eu Papy Voise (Paul Voise, un retraité agressé chez lui à Orléans en avril 2002), dont plus personne n’a jamais entendu parler après. Tout ça, c’est écrit d’avance », déclare l’ancien socialiste, s’attirant l’indignation de l’ensemble de la classe politique.
Du côté des communistes, son ancien allié en 2017, la rupture avec est bel et bien consommée. Le Premier secrétaire du PCF, Fabien Roussel s’est déclaré officiellement candidat et se montre déterminé. « Quand on se présente à une élection, on y va pour gagner », lance le député du Nord aux journées parlementaires communistes. Il n’aura de cesse par la suite d’étriller son concurrent Insoumis à longueur d’interviews. Au lendemain de la défaite, le numéro deux de LFI Adrien Quatennens a reconnu qu’il avait manqué les voix du communiste Fabien Roussel pour passer au second tour.
L’union de la gauche, Jean-Luc Mélenchon fait mine d’en avoir cure. Il lui préfère « l’union populaire »
Dès l’été 2021, il dévoile les propositions de son programme « l’avenir en commun » : VIe République, planification écologique, souveraineté sanitaire et industrielle… Mais ses mesures sont éclipsées par la sortie du livre d’Éric Zemmour. Le polémiste se mue progressivement en candidat. Il ne trouve d’ailleurs face à lui que le chef des Insoumis pour croiser le fer lors des débats très suivis sur les chaînes du groupe Bolloré.
Jean-Luc Mélenchon revient au cœur du jeu à gauche à quatre mois du scrutin. Car s’il est toujours crédité de 10 % dans les sondages, c’est quand même le double de ces concurrents. Anne Hidalgo qui peine plus que tous à faire décoller sa campagne crée la surprise en proposant au 20H de TF1 d’organiser une primaire afin de désigner une candidature commune.
L’idée fait flop. Et Jean-Luc Mélenchon préfère finir « son plat de spaghettis » plutôt que de décrocher son téléphone. La victoire de Christiane Taubira à la primaire populaire ne l’ébranle pas non plus.
La fin des restrictions sanitaires coïncide avec les premiers meetings de campagne. Et en la matière le député sait y faire pour livrer aux médias une véritable démonstration de force. Après 2012 et 2017, il organise une troisième marche pour la VIe République. 100 000 personnes répondent présents, d’après la France Insoumise. On commence à y croire.
Vers un report des électeurs LFI sur Marine Le Pen ?
La perspective d’une inflation galopante, l’augmentation des prix de l’énergie placent le pouvoir d’achat parmi les préoccupations premières des Français. Il atteint la barre des 15 % d’intentions de vote mais reste à 5 points de Marine Le Pen dans un sondage OpinionWay-Kéa Partners pour « Les Echos », fin mars.
Comme la candidate RN, Jean-Luc Mélenchon est à peine pénalisé par le rappel de ses positions pro-russes lors de l’invasion de l’Ukraine. Mais Marine Le Pen profite de l’effondrement de son concurrent d’extrême droite, Éric Zemmour. D’autant qu’elle joue, en partie, sur les plats de bandes de Jean-Luc Mélenchon. 66 % des propositions économiques de Marine Le Pen ont une forte connotation sociale, relève une étude du Cevipof. Ce qui laisse envisager un report des voix des électeurs de Jean-Luc Mélenchon sur Marine Le Pen comme l’avait relevé une autre étude du centre de recherche de Sciences Po fin mars. Le candidat Insoumis avait fait savoir qu’il consulterait les 310.000 personnes qui l’ont soutenu en ligne avant de donner une consigne de vote.
Dimanche soir, le député de la France Insoumise a répété plusieurs fois à ses militants présents : « Il ne faut pas donner une seule voix à Madame Le Pen. »