Présidentielle : les sénateurs écologistes appellent à un bilan critique et à préparer les alliances
Déçus par le score de Yannick Jadot, aminci par le vote utile, les parlementaires écologistes estiment qu’il faudra faire le bilan de ces derniers mois de campagne. Quant aux accords pour les élections législatives, ils estiment que la balle est dans le camp de la France insoumise.

Présidentielle : les sénateurs écologistes appellent à un bilan critique et à préparer les alliances

Déçus par le score de Yannick Jadot, aminci par le vote utile, les parlementaires écologistes estiment qu’il faudra faire le bilan de ces derniers mois de campagne. Quant aux accords pour les élections législatives, ils estiment que la balle est dans le camp de la France insoumise.
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Ils ne sont pas les seuls, mais le premier tour de l’élection présidentielle marque une sévère désillusion pour les écologistes. Deux ans après la vague verte dans les grandes agglomérations, et la prise de plusieurs hôtels de ville, le reflux est spectaculaire. Certes, il s’agit de scrutins différents, et les 4,63 % atteints par Yannick Jadot signent malgré tout le deuxième meilleur score d’un candidat écologiste à une élection présidentielle (relire notre article). Un maigre lot de consolation puisqu’au niveau national, l’écologiste reste loin des 21,95 % de Jean-Luc Mélenchon.

Les écarts sont même spectaculaires dans les bastions écologistes. À Grenoble, première municipalité d’importance gagnée par les Verts en 2014, Yannick Jadot a obtenu 8,95 % des voix, bien loin de Jean-Luc Mélenchon qui a réuni 38,94 % des voix. Le différentiel est aussi large à Bordeaux et à Lyon, Jean-Luc Mélenchon où le candidat de la France insoumise a réalisé respectivement 29,06 % 31,06 %, contre 8,17 % et 7,67 % pour Yannick Jadot.

Comme d’autres partis de gauche, les écologistes ont souffert du vote utile. « On le voyait sur le terrain. Le vote utile aspirait, il n’y avait que ça qui existait », témoigne le sénateur EELV du Rhône Thomas Dossus. Une enquête OpinionWay révèle que la moitié des électeurs de Jean-Luc Mélenchon a fait son choix par stratégie, dans une logique de vote utile.

« Il faut faire le lien entre fin du monde et fin du mois »

Au-delà de ce constat sur le vote utile, les écologistes veulent faire le bilan de la campagne écoulée. « Il faut s’interroger, en toute humilité, sur le lien entre la transition écologique et la transition solidaire et sociale qu’on voulait incarner. On n’a pas réussi, sinon le vote utile aurait été chez nous. Lutter contre le coût de la vie, qui est apparu comme un sujet de campagne, on n’a pas réussi à dire que c’était un synonyme des enjeux environnementaux. Ça interpelle », admet le sénateur des Bouches-du-Rhône Guy Benarroche. « Je n’élude pas que nous avons évidemment une part de responsabilité. Un point que partage Guillaume Gontard, le patron du groupe écologiste au Sénat. « Il faut faire le lien entre fin du monde et fin du mois. Peut-être effectivement qu’on n’a pas suffisamment mis l’accent là-dessus, sur comment les écologistes peuvent répondre aux enjeux sociaux. »

« Il faut aussi qu’on se remette en question sur notre propre campagne, sur ce qu’on aurait pu faire différemment », ajoute Mélanie Vogel, sénatrice des Français de l’étranger. Le contexte international, la campagne écrasée par la guerre en Ukraine, cela n’a pas aidé non plus les Verts. « Il n’y a que 3 % du temps dans le débat public qui a porté sur le climat », s’exclame la sénatrice.

La question des législatives va très vite se poser pour Europe Écologie-Les Verts. « On a souffert de ne pas avoir eu de groupe à l’Assemblée nationale pendant cinq ans », relate Mélanie Vogel. L’absence de groupe parlementaire rend le parti moins exposé médiatiquement, « c’est un cercle vicieux », selon elle.

Et comme au Parti socialiste, les écologistes voient dans l’unité la seule planche de salut, pour éviter l’élimination de tous les candidats de gauche au premier tour. « Si on reste chacun dans notre couloir – d’élection en élection on change un peu de force motrice – mais on n’arrivera pas. Il faut qu’on arrive à se parler et arrêter de s’invectiver », appelle le sénateur Thomas Dossus. Des contacts sont noués cette semaine entre EELV et le PS, sur la préparation d’une stratégie pour les législatives.

Guillaume Gontard, le président du groupe écologiste du Sénat reformé en 2020, se permet un conseil « essentiel » pour ces élections : « Remettre la main sur le local ». « Il faut que les organisations politiques laissent plus de place au local pour trouver un périmètre d’entente. Les parachutages à l’ancienne, ce n’est plus ce qu’attendent les électeurs ». En 2017, le sénateur – non encarté à EELV – avait mené une liste d’union regroupant des communistes, des membres de Génération. s, le mouvement de Benoît Hamon, mais aussi Europe Ecologie-Les Verts.

« Il faut préparer le troisième tour. Il faut le dire clairement »

Dans cette phase de reconstruction, le rôle du mouvement de Jean-Luc Mélenchon sera central. « C’est lui qui a cette responsabilité. Personne d’autre n’a la légitimité. On serait malvenus, nous écologistes, de la prendre, on ne peut pas le faire vu les résultats », reconnaît Guy Benarroche. Elu sénateur en 2020, sur une liste de gauche, en troisième position derrière une socialiste et un communiste, le parlementaire sait personnellement ce que permet l’union des différentes forces.

Pour Guy Benarroche, il y a urgence à commencer les discussions au plus vite sur les législatives de juin. « Il faut préparer le troisième tour. Il faut le dire clairement. Ce n’est pas de la basse politique que de le dire, si on veut éviter de se retrouver dans la situation qu’on a vécue ces cinq dernières années. »

Guillaume Gontard fait de la conclusion de 2022 l’une des répliques de 2017. « Je pense que Jean-Luc Mélenchon a perdu 2022 en 2017. C’est la même situation : on chute juste avant la dernière marche. Il y avait là une responsabilité de la première force de gauche de reconstruire un socle qui puisse rassembler les écologistes et toutes ces formes progressistes qu’il y a nécessité de fédérer. » Côté programme, le sénateur de l’Isère ne juge pas les différences de programme insurmontables. « Sur 90 % des choses on est quasiment sur des similitudes. » Sauf sur l’Europe et l’international. « Il y a de vraies difficultés, ce n’est pas rien. » Néanmoins, le président de groupe appelle à poser ces questions sur la table et juge que les rapprochements sont « plutôt possibles ».

Si leur préparation doit commencer dès à présent, tout le monde n’a pas encore la tête aux législatives. « On a l’extrême droite aux portes du pouvoir, on ne va pas commencer à refaire des discussions de boutique. Les électeurs de gauche se questionnent sur l’opportunité d’aller voter ! » rappelle Thomas Dossus. Le sénateur lyonnais s’inquiète notamment de la stratégie d’Emmanuel Macron pour faire naître un sursaut. « Le président-candidat n’a pas bien compris ce qu’il s’est passé. S’il veut que les électeurs de gauche se déplacent, il va falloir les convaincre, qu’il comprenne qu’un certain nombre de ses déclarations et attitudes ont heurté une partie des Français. »

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