Invité de la matinale de Public Sénat, Mathieu Darnaud, président du groupe Les Républicains au Sénat, a répété ce jeudi que son parti ne participerait pas à « un gouvernement dont le Premier ministre serait de gauche et porterait le programme du Nouveau Front populaire ». Le responsable pointe « l’irresponsabilité » des forces politiques qui ont voté la censure.
Présidentielle : Macron candidat sous le signe du travail, de l’écologie et d’une pincée de social
Par Public Sénat
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Fin d’un faux suspens. Emmanuel Macron est officiellement candidat à l’élection présidentielle. Dans une lettre aux Français publiée dans la presse régionale demain, et déjà en ligne ce soir sur le site du Parisien, le chef de l’Etat « sollicite » la « confiance » des Français « pour un nouveau mandat de Président de la République ».
Les voix de gauche indispensables en cas de second tour
Une candidature placée sous le signe de l’économie, tournée vers l’avenir via « l’innovation », et où le social et l’écologie – deux points sur lesquels le chef de l’Etat a souvent été critiqué – sont mis en avant. A la différence des sujets régaliens, peu évoqués. C’est l’autre point marquant de cette lettre aux Français. Emmanuel Macron entend simplement poursuivre « l’investissement dans nos forces de sécurité et notre justice ». Mais il n’évoque pas l’immigration, sujet largement occupé par Eric Zemmour et Marine Le Pen. Un choix qui peut surprendre, mais qui permet au Président sortant de parler à sa gauche, alors qu’une bonne partie du centre droit lui est acquise. Certains électeurs socio-démocrates qui ont voté pour lui en 2017 ont pu être déçus durant ces cinq années.
Il convient de faire oublier le « Président des riches », qui a supprimé l’ISF. La faiblesse des candidats de gauche et écologistes lui facilite aujourd’hui la tâche. Il y a des voix à prendre de ce côté du spectre politique. Elles lui seront nécessaires, et même indispensables, s’il est au second tour face à la droite ou l’extrême droite.
« Ne nous trompons pas : nous ne répondrons pas à ces défis en choisissant le repli ou en cultivant la nostalgie »
« Nous n’avons pas tout réussi. Il est des choix qu’avec l’expérience acquise auprès de vous je ferais sans doute différemment. Mais les transformations engagées durant ce mandat ont permis à nombre de nos compatriotes de vivre mieux, à la France de gagner en indépendance », écrit Emmanuel Macron dans sa lettre.
Il rappelle les crises multiples : « Nous connaissons des bouleversements d’une rapidité inouïe : menace sur nos démocraties, montée des inégalités, changement climatique, transition démographique, transformations technologiques. Ne nous trompons pas : nous ne répondrons pas à ces défis en choisissant le repli ou en cultivant la nostalgie », dit-il en allusion aux candidats d’extrême droite. Il ajoute :
L’enjeu est de bâtir la France de nos enfants, pas de ressasser la France de notre enfance.
« Inventer avec vous, face aux défis du siècle, une réponse française et européenne singulière »
« Je suis candidat pour inventer avec vous, face aux défis du siècle, une réponse française et européenne singulière. Je suis candidat pour défendre nos valeurs que les dérèglements du monde menacent. Je suis candidat pour continuer de préparer l’avenir de nos enfants et de nos petits-enfants », lance le chef de l’Etat.
« Il n’y a pas d’indépendance sans force économique. Il nous faudra donc travailler plus et poursuivre la baisse des impôts pesant sur le travail et la production », prévient Emmanuel Macron, sans pour autant parler de la réforme des retraites. L’investissement dans la recherche devra lui se faire « dans les secteurs qui, comme les énergies renouvelables, le nucléaire, les batteries, l’agriculture, le numérique, ou le spatial feront le futur et nous permettront de devenir une grande Nation écologique, celle qui la première sera sortie de la dépendance au gaz, au pétrole et au charbon ».
« Nous lutterons contre les inégalités, non pas tant en cherchant à les corriger toujours trop tard qu’en nous y attaquant à la racine »
Pour le candidat, « c’est à la condition de cette reconquête productive par le travail que nous pourrons préserver et même améliorer ce modèle social auquel nous tenons tant et qui a fait ses preuves ». « Nous lutterons contre les inégalités, non pas tant en cherchant à les corriger toujours trop tard qu’en nous y attaquant à la racine. Nous ferons en sorte que tous les enfants de France aient les mêmes chances, que la méritocratie républicaine redevienne une promesse pour chacun. Pour cela, la priorité sera donnée à l’école et à nos enseignants, qui seront plus libres, plus respectés et mieux rémunérés », ajoute encore le candidat, qui évoque aussi la volonté de permettre à chacun de « vivre le grand âge à domicile tant qu’il le peut », sans oublier la volonté de « rendre les maisons de retraite plus humaines » ou celle de faire « reculer les déserts médicaux ». Une coloration sociale qui s’affirme encore quand Emmanuel Macron dit :
La force de notre modèle social est là : dans cet investissement dans l’humain tout au long de la vie, qui donne confiance aux familles et a fait de la France l’un des pays d’Europe à la plus forte natalité.
« Bien sûr, je ne pourrai pas mener campagne comme je l’aurais souhaité en raison du contexte »
Emmanuel Macron entend aussi défendre notre « art de vivre millénaire. […] Une histoire, une langue, une culture que lorsque l’on est Français, on se doit de connaître, d’aimer, de partager. Une citoyenneté, qui ne repose pas seulement sur des droits, mais sur des devoirs ». Son ambition : « Former non pas seulement des individus et des consommateurs, mais des citoyens. Faire des républicains ».
« C’est pourquoi le moment électoral qui s’ouvre est si important », termine un Emmanuel Macron candidat, mais encore Président. « Bien sûr, je ne pourrai pas mener campagne comme je l’aurais souhaité en raison du contexte », dit-il, « mais avec clarté et engagement, j’expliquerai notre projet ». Et de conclure : « Ensemble, nous pouvons faire de ces temps de crises le point de départ d’une nouvelle époque française et européenne. Avec vous. Pour vous. Pour nous tous ».
Date, forme, fond… La candidature d’Emmanuel Macron bousculée par les crises
Le « contexte » a en effet tout changé pour cette déclaration. La date d’abord. Elle a été repoussée. « Le Président avait la volonté d’être candidat plus tôt. Certains plaidaient pour fin décembre/début janvier. Lui-même avait intériorisé la fin janvier. Puis c’était finalement calé la semaine dernière », raconte un témoin qui a suivi les discussions de l’intérieur. Le premier meeting, prévu à Marseille samedi, a finalement été annulé – « ça va nous coûter un bras », confie un responsable macroniste. La campagne sera courte. Il ne reste que 38 jours avant le premier tour, le 10 avril. Cela aurait pu être « un Tour de France ». « Ce sera plus un grand prix de Formule 1 », lâche un fidèle de la première heure.
La forme ensuite. On évoquait une déclaration simple. Une ministre imaginait en janvier « le Président répondre à quelqu’un dans la foule », lors d’un déplacement, car « les gens s’identifient ». Puis l’idée de la solennité est venue, face à la gravité de la situation, avant qu’« une grande sobriété » ne prenne le dessus finalement. C’est la lettre aux Français.
Le fond enfin. Cette déclaration en pleine guerre en Ukraine change la campagne. A l’origine, le chef de l’Etat devait mettre sur la table « pendant la campagne des sujets qui devaient bousculer, plus provocateurs. Peut-être qu’il y en aura moins », confie un proche d’Emmanuel Macron. Le contexte « complique l’exercice ».
La réforme du collège dans les cartons
En cas de victoire, le Président n’entend pas arrêter pour autant les réformes. « Emmanuel Macron a passé la consigne très tôt. "Si je suis élu, ce n’est pas pour faire cinq ans de plus, mais pour faire ce qu’on n’a pas été capable de faire" », confie un poids lourd de la majorité. Il faudra attendre encore un peu pour connaître le projet en détail, mais des éléments filtrent. Comme la lettre le montre, « l’axe de la société du travail restera un axe majeur de la campagne ».
Après la loi sur l’école et la réforme du lycée, il faut s’attendre aussi à une réforme du collège. « Le en même temps s’applique pour l’éducation. Pour le collège, il y a un dépassement de clivage. Ce n’est pas le collège unique vs le collège qui ne le serait pas », confie un ministre, qui évoque l’idée de « personnaliser le parcours, dès le collège ».
L’enseignement professionnel est aussi évoqué. Mais pas seulement. Le supérieur est aussi dans le viseur. « Laisse-t-on ouvert des formations en sociologie du Yoga ? », raille un parlementaire LREM. Les professeurs de sociologie apprécieront… Pour ce responsable, « il faut évaluer les formations » selon leurs débouchés professionnels, « et dans ce cas, assumer d’en fermer certaines et d’en ouvrir ». Des sujets sensibles. Sur l’université, en janvier dernier, Emmanuel Macron avait fait polémique en déclarant qu’« on ne pourra pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants », laissant entendre qu’il était pour la fin de la gratuité.
« Dans le projet, il y aura quand même des choses un peu disruptives »
Sans surprise, la réforme des retraites, stoppée pour cause d’épidémie de covid-19, fera son retour. En cas d’élection, elle pourrait arriver « assez vite en discussion » voire « très vite ». C’est du moins ce qui était prévu « en temps normal », avant la guerre. Reste que le sujet paraît moins clivant, pense un pilier de la majorité : « La question des retraites n’est plus un axe de réforme forte. Le débat sera sur 64 ou 65 ans… »
Or s’il entend protéger les Français, il convient pour Emmanuel Macron de ne pas perdre l’ADN d’En marche. Que les macronistes se rassurent, « dans le document du projet, il y aura quand même des choses un peu disruptives », lâche-t-on. Le mot, qui avait marqué la campagne 2017 avant de disparaître du vocabulaire de la majorité, est lâché, et fait son retour. Ou comment se réinventer, dans la continuité. Une ministre met cependant en garde et rappelle Sun Tzu et « L’art de la guerre : on ne gagne pas deux fois avec la même stratégie ».
« Il peut gagner. Mais dans de très mauvaises conditions pour la suite… »
Pour certains soutiens, la gravité des événements sert le désormais candidat. « Emmanuel Macron est tellement aidé par la situation internationale et sanitaire. Il y a une conjonction des planètes », lâchait un parlementaire pro Macron, une semaine avant l’invasion russe. « Sur le terrain, certains disent que c’est plié. Emmanuel Macron va bénéficier de la crise actuelle », remarquait le même. Les sondages semblent lui donner raison.
Sentiment aujourd’hui partagé par d’autres. « Il y a 15 jours, je disais que l’élection n’est jamais jouée, que le phénomène Le Pen m’impressionnait. Mais aujourd’hui, c’est différent. On est passé de "de tout façon, il n’y a personne d’autre", à "heureusement qu’il est là" », pense un pilier de la majorité, qui alerte cependant : « Il peut gagner. Mais dans de très mauvaises conditions pour la suite… » Autrement dit, c’est la capacité à réformer d’Emmanuel Macron qui se joue dans les conditions de son éventuelle réélection.