Présidentielle : Macron préfère débattre avec les Français plutôt qu’avec les autres candidats
Pour sa « campagne courte et intense », le chef de l’Etat mise sur des échanges avec des Français, comme ce lundi à Poissy, plutôt que des débats télé. « Il n’y aura pas un débat avec les 12 candidats, ça n’aurait pas de sens », soutient le sénateur LREM François Patriat. Emmanuel Macron pourrait cependant participer à une émission de LCI ce soir, mais pour un échange direct avec des lectrices du magazine Elle.
Hier Président, aujourd’hui candidat. De chef de guerre à chef d’équipe. Emmanuel Macron jongle entre les casquettes. Après s’être officiellement déclaré candidat à sa propre succession la semaine dernière, le chef de l’Etat commence sa campagne, forcément un peu particulière, en raison de la guerre en Ukraine. « Il faut que le candidat puisse présenter son projet au pays, mais il faut aussi que le Président puisse continuer à faire son travail », expliquait-il vendredi soir, dans une vidéo dont la scénographie fait plus penser à une série télé qu’à un clip de campagne.
Entre deux appels à Vladimir Poutine – eux aussi largement mis en scène en photos sur les réseaux sociaux – direction ce lundi matin le QG de campagne, rue du Rocher, dans le 8e arrondissement de Paris, non loin de la gare Saint-Lazare. Le désormais candidat est venu parler aux « ambassadeurs de la campagne », à savoir les membres de la société civile, élus, responsables de comités de soutien. En fin de journée, il ira à la rencontre de Français, à Poissy, dans les Yvelines, pour un échange au format qui rappelle le grand débat. Ce moment post-gilets jaunes avait permis au chef de l’Etat de se sortir de l’ornière.
« Trois grands chantiers : l’un pour l’école, l’un pour la santé, l’un pour nos institutions »
« La campagne je ne veux pas l’éluder », a-t-il assuré ce matin devant ses troupes, rapporte l’AFP, alors que ses opposants lui reprochent de fuir le débat. « Il nous faut savoir conjuguer ce retour du tragique, avec l’esprit de conquête, et le goût de l’avenir. […] Quand la peur s’empare des sociétés, […] le grand risque, c’est celui du rétrécissement, celui de l’enfermement », a-t-il lancé, dans une allusion à l’extrême droite. Autour de lui notamment, Edouard Philippe, ou les ralliés plus récents issus de la droite : Christian Estrosi, Renaud Muselier, Hubert Falco, Caroline Cayeux, Natacha Bouchart ou Catherine Vautrin.
Après une lettre aux Français assez générale, qui évoquait cependant les thèmes du travail, de l’écologie et de la protection de notre modèle social, Emmanuel Macron en a dit un peu plus, ce matin, au QG. Il entend « lancer trois grands chantiers : l’un pour l’école, l’un pour la santé, l’un pour nos institutions » et « quatre pactes : européen, productif, générationnel et républicain ». Il a évoqué la « reprise de la réforme des retraites » ou le « parachèvement de l’autonomie des universités ». Après la loi sur l’école et la réforme du lycée, il faut s’attendre aussi à une réforme du collège. « Le en même temps s’applique pour l’éducation. Pour le collège, il y a un dépassement de clivages. Ce n’est pas le collège unique vs le collège qui ne le serait pas », nous confiait un ministre, qui évoque l’idée de « personnaliser le parcours, dès le collège ».
A la sortie, la députée européenne Agir, Fabienne Keller, fait le service après-vente. « Il souhaite associer les Français à la construction de son projet pour les 5 ans à venir », soutient l’élue de la majorité, qui ajoute que « le Président a présenté ses priorités et les quatre axes principaux de sa campagne. Il a surtout défini l’esprit. Il sait être à l’écoute des Français, construire avec les Français un plan pour l’éducation, un plan pour l’intergénérationnel, il a parlé de la petite enfance, des jeunes, des retraités et du grand âge, […] il a parlé aussi de la souveraineté, de la priorité à donner à la question de la productivité ». Regardez :
« Il fera campagne autant que possible. Il va alterner entre les deux agendas »
Pour en savoir plus, il faudra encore attendre, bien que le programme soit prêt. Dans cette courte campagne – il reste 34 jours avant le premier tour – il faut faire durer le plaisir pour mieux occuper l’espace médiatique. Et s’il n’est pas sur le terrain en tant que candidat, ce sera en tant que Président, comme en fin de semaine avec un sommet européen à Versailles. Macron partout.
Roland Lescure, porte-parole de LREM, promet une « campagne courte et intense ». « Emmanuel Macron profitera de tous les interstices que l’agenda international et son agenda de président de la République lui offrent pour aller à la rencontre des Français », a expliqué ce matin sur la matinale de Public Sénat Stanislas Guerini, numéro 1 de LREM. « Il lui faudra beaucoup d’agilité pour pouvoir profiter des moments qui lui seront offerts », ajoute le délégué général. « Une campagne présidentielle, alors que la guerre frappe aux portes de l’Europe, ce n’est pas une campagne comme les autres », confirme Roland Lescure, « il fera campagne autant que possible. Il va alterner entre les deux agendas ». « Ça ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de débat », assure le député LREM.
« C’est une campagne différente »
Reste que sa campagne s’en trouve bousculée. Le premier meeting, prévu initialement à Marseille le week-end dernier, a été annulé – « ça va nous coûter un bras », confie un responsable macroniste. Il pourrait être finalement organisé samedi prochain, toujours dans la cité phocéenne. Mais rien n’est encore certain. « Nous ne l’avons pas confirmé », indique ce matin Stanislas Guerini, qui laisse même entendre qu’il pourrait ne pas y avoir de meeting au sens habituel : « Je ne dis pas qu’il n’y aura pas de rassemblements dans cette campagne, mais chacun peut comprendre qu’un format de meeting 100 % classique, avec que des partisans, est une forme qui ne correspond pas exactement à ce que nous sommes en train de vivre ». Il est vrai que des militants déchaînés qui crient « Macron Président » et agitent les drapeaux, avec un candidat qui s’égosille, pourrait paraître décalé, si Kiev tombe sous les bombes.
« La campagne a changé de nature. Les Français ont bien compris que l’enjeu n’était plus le même », explique François Patriat, à la tête des sénateurs macronistes. « C’est une campagne différente. J’ai le sentiment que le Président ne va pas éluder le débat. Il est prêt à toutes les confrontations. Il va faire des propositions et c’est autour de ses propositions que le débat s’animera », imagine le sénateur LREM.
« Avoir 12 candidats qui débattent sur un plateau, avec 11 contre 1, je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure manière d’avoir du temps utile »
Confrontations, mais avec des Français, comme à Poissy, plutôt que des candidats. Les échanges style grand débat, « il fait ça bien. Je pense que les gens apprécient ces échanges directs. Une élection, c’est la rencontre d’un homme ou d’une femme avec un peuple. Le faire sans filtre aussi directement que possible, ça fait partie des choses dans lesquelles il excelle », soutient Roland Lescure. Si le Président s’est dit prêt à « être contesté » et à « répondre à la controverse », on comprend qu’il n’entend pas croiser le fer avec les autres candidats, mais se limiter à ces échanges avec les Français.
« Avoir 12 candidats qui débattent sur un plateau, avec 11 contre 1, je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure manière d’avoir du temps utile », soutient le porte-parole d’En Marche. « Il n’y aura pas un débat avec les 12 candidats, non. Ça n’aurait pas de sens », confirme François Patriat. « Les propositions de l’opposition, on les connaît. Ça fait deux mois qu’ils les étalent dans les médias », souligne le sénateur de la Côte-d’Or, qui ajoute :
Le débat ne se fait pas entre Pécresse et Macron mais entre Macron et les Français.
« La sécurité des femmes dans les transports sera un sujet très fort » (une ministre)
Illustration dès ce lundi soir, avec une émission sur LCI consacrée aux droits des femmes. La majorité des candidats y est invitée. Selon Ozap et Libération, Emmanuel Macron sera bien de la partie. Le format de l’émission convient au Président : chaque candidat fera face à un panel de six lectrices du magazine « Elle ». C’est justement un thème que compte couvrir le candidat. « La question de l’égalité salariale peut être un gros sujet de campagne », confiait mi-février une ministre, qui évoquait aussi le sujet du « harcèlement de rue », sur lequel le gouvernement a déjà légiféré, ou « la sécurité des femmes dans les transports, qui sera un sujet très fort ».
Reste que cette posture très gaullienne et propre à la Ve République, de la rencontre entre un homme et son peuple, permet à Emmanuel Macron d’esquiver la confrontation avec ses adversaires. Chaque candidat dans son couloir, en silo, sans confrontation d’idées ni débat. Ce qui a l’avantage de ne pas obliger le sortant à se justifier sur son bilan, ni d’être mis en difficulté. Pour un réel débat, il faudra attendre l’éventuel second tour. Là, promis, Emmanuel Macron sera prêt au face-à-face.
La passation de pouvoir à Matignon entre l'ancien Premier ministre Michel Barnier et son successeur, toujours pas connu, est attendue en fin de matinée vendredi, a appris l'AFP et d’autres médias de sources ministérielles.
Le vote de la motion de censure n’a pas seulement fait tomber le gouvernement Barnier. Il empêche l’adoption de nombreux dispositifs, notamment toutes les mesures d’aides. Les agriculteurs et la Nouvelle Calédonie en font les frais, comme l’indexation de l’impôt sur le revenu. Il faudra attendre un nouveau budget, en début d’année, pour y remédier.
Dans le contexte du procès des assistants parlementaires du FN, Jordan Bardella se voit refuser la reconduction de François Paradol, son directeur de cabinet, comme assistant parlementaire local. « Le Parlement européen est devenu plus regardant sur les activités du RN », indique Olivier Costa, spécialiste de l’Union européenne.
Invité de la matinale de Public Sénat, Mathieu Darnaud, président du groupe Les Républicains au Sénat, a répété ce jeudi que son parti ne participerait pas à « un gouvernement dont le Premier ministre serait de gauche et porterait le programme du Nouveau Front populaire ». Le responsable pointe « l’irresponsabilité » des forces politiques qui ont voté la censure.