Promis, « les stratégies, les tactiques, les coups à 1000 bandes, les positionnements » pour plaire à un électorat, ce n’est pas pour lui. Du moins, ce n’était pas l’objet du jour. Raphaël Glucksmann, co-président de Place Publique, a présenté ce lundi matin à la presse, au milieu des plantes tropicales du Comptoir général, lieu bien connu des nuits parisiennes, sa « vision pour le pays ». Un vocabulaire de candidat à la présidentielle, mais pour l’eurodéputé, qui avait mené la liste PS aux européennes jusqu’au score de 13,8 %, en juin 2024, ce n’est pas non plus la question du moment.
L’heure est au « travail, le travail, le travail », répète la figure du mouvement. Celui de fond, qui doit permettre à Place Publique, petite formation qui ne compte que cinq parlementaires (trois eurodéputés, un député avec l’ex-ministre de la Santé du gouvernement Borne, Aurélien Rousseau, et depuis 2024 le sénateur de Paris, Bernard Jomier), pour tout de même 11.000 adhérents revendiquer, d’aboutir à un projet désirable digne de ce nom.
« Le cœur de la politique, c’est de dire qui vous êtes, ce que vous voulez »
« On a pris 9 mois de réflexion », pour cet acte 1, explique Raphaël Gluckmann. Soit « 300 réunions de comités et 150 auditions de spécialistes », énumère Sarag Pigeaud, responsable du projet. Le co-président de Place Publique annonce maintenant un acte 2, avec « un an de réflexion avec la société civile », associations, entreprises, syndicats, agriculteurs, etc, « pour transformer une vision en programme ». Car « le cœur de la politique, c’est de dire qui vous êtes, ce que vous voulez et ensuite, le discuter avec les Françaises et les Français » lance-t-il (voir la vidéo, images de Jonathan Dupriez et de Flavie Veillas). Back to basics en somme. Raphaël Glucksmann imagine cela en mode « grand débat » et « pas de verticalité », à l’image des « cafés de la place », des espaces de discussions « programmatiques » déjà lancés par le mouvement dans les territoires, raconte la conseillère régionale de Nouvelle-Aquitaine Sandrine Hernandez.
On connaît les grandes lignes de la vision qu’entend porter le tenant de cette « gauche sociale-démocrate » revendiquée, « écologique et fondamentalement pro européenne », avec un « fédéralisme » assumé.
« On ne peut pas faire la synthèse molle entre des visions antithétiques »
« Nous disons qu’on a besoin d’une République, d’une société, qui prend soin des Français, qui les protège. C’est l’un des axes forts de la vision qu’on propose. Les autres axes, c’est cette puissance écologique, qui permet à la France de redevenir une grande puissance capable d’agir sur le monde », explique le numéro 1 de Place Publique. C’est aussi « le lien entre la démocratie et le travail. Le fait que le travail doivent payer à nouveau, que les classes moyennes doivent pouvoir améliorer leurs conditions de vie par le travail. C’est cela qui permettra de sauver la démocratie contre la vague populiste, pas simplement des « no pasarán », répétés ad nauseam », lance Raphaël Glucksmann. Pour le leader de Place Publique, « si on aspire à prendre les rênes du pays, c’est fondamental d’avoir une offre politique à gauche, prête à gouverner et qui n’est pas dans le concours Lépine du plus à gauche que moi tu meurs ». Coucou LFI.
Mais pour l’eurodéputé, l’enjeu n’est pas de se positionner par rapport à La France Insoumise – soi tout le contraire que l’image qu’ont donné les socialistes lors de leur congrès à Nancy, il y a une semaine – mais bien d’affirmer une ligne « claire », qui créera la « dynamique ». « Nous, on trace notre chemin », prévient Raphaël Glucksmann, qui sera prêt à discuter ensuite avec les alliés de gauche, Parti socialiste en tête, mais pas à n’importe quel prix. « On ne peut pas faire la synthèse molle entre des visions antithétiques », croit l’eurodéputé. Il ajoute :
La fiscalité sur l’héritage mise « sur la table »
Autrement dit, « on sera obsédé par personne d’autre, que ce qu’on veut proposer », assure-t-il. S’il faudra attendre pour un projet détaillé et chiffré, l’eurodéputé et ses amis donnent déjà plusieurs pistes et affirment quelques principes. Côté énergie, il faut « développer les renouvelables », mais « faire de la sortie du nucléaire un objectif est totalement irréaliste et suicidaire ». Sur les retraites, s’il faut « abroger » la réforme Borne, Aurélien Rousseau explique qu’il faut reprendre « les acquis tangibles » qui auraient pu sortir du conclave. « Il y a des gens qui doivent pouvoir partir à 60 ans, car ils sont cassés, avec une espérance de vie réduite à la retraite », ajoute Raphaël Glucksmann, « et d’autres, des cadres, qui pourraient partir plus tard, qui ont une espérance de vie plus longue ».
Le parti propose aussi le passage du Smic à 1600 euros net en deux ans, l’organisation d’une conférence salariale dans tout le pays. Et alors que seulement « 6 % de la fiscalité » pèse « sur l’héritage », Raphaël Glucksmann entend « mettre sur la table la question ». « On devient une société d’héritier plutôt que de travailleurs », pointe-t-il.
« Si Raphaël Glucksmann disait aujourd’hui « je suis candidat pour être Président », ça n’aurait pas de sens »
Si le mouvement engage maintenant ses échanges avec la société civile, son responsable n’évoque pas spontanément les discussions avec le reste de la gauche. « On va discuter ensuite, même en même temps, avec les autres formations politiques qui sont prêtes à travailler avec nous, dans le même sens », assure le sénateur Bernard Jomier, « on se tournera beaucoup plus largement (qu’aux européennes avec le seul PS, ndlr), les écologistes bien sûr, et ce qu’on appelle le centre gauche ». Mais il faut déjà « attendre un petit peu pour voir si les Français adhérent », souligne le sénateur qui siège au groupe PS.
Reste un non-dit de la conférence de presse de Place Publique : si le mouvement bâtit un programme, il faudra quelqu’un pour le présenter à la présidentielle de 2027. Et bien sûr, Raphaël Glucksmann pourrait être cette incarnation. « Si Raphaël Glucksmann disait aujourd’hui « je suis candidat pour être président de la République », ça n’aurait pas de sens, parce que ça ne répondrait à rien de concret pour les Français », balaie le sénateur de Paris (voir vidéo ci-dessus).
Sa compagne Léa Salamé au 20 heures : « Elle, c’est elle, et moi, c’est moi »
Raphaël Glucksmann a en réalité lui-même en partie évoqué le sujet, indirectement, répondant à une question sur sa compagne, la journaliste Léa Salamé, qui va présenter à la rentrée le 20 heures de France 2, et la difficulté qui pourrait en découler. « Elle, c’est elle, et moi, c’est moi », lance son compagnon, assurant que « là, je ne suis pas candidat devant vous ». Mais « en cas de candidature à une élection nationale, le sujet se posera », reconnaît-il. « Au moment où ce sera tranché, il n’y aura pas de conflit d’intérêts », assure encore Raphaël Glucksmann, qui n’écarte donc pas la possibilité d’une candidature. Et s’il le faut, Léa Salamé a déjà annoncé qu’elle serait prête à se mettre « en retrait » du 20 heures, le temps de la campagne. « On l’a déjà fait dans le passé, on le reproduira » si nécessaire, soutient le non-candidat. Mais avant d’éventuellement se lancer dans la bataille de 2027, il faudra créer la « dynamique ». La dictature de l’audience touche tout le monde.