Le nouveau ministre entend faire de l’école primaire, et à travers, elle l’acquisition des savoirs fondamentaux, « la grande priorité » du quinquennat. Un cap qu’approuve la sénatrice Françoise Cartron (PS). « Il a raison », réagit l’élue de la Gironde. « C’est une mesure de bon sens, il faut mettre le paquet sur le premier cycle », acquiesce également Jean-Claude Carle, sénateur (LR) de la Haute-Savoie, lui aussi membre de la commission culture et éducation.
Les classes de CP à 12 élèves dans les zones prioritaires
Cette année, l’accent est mis sur les établissements les plus en difficulté, avec le dédoublement des classes en CP dans les réseaux d’éducation prioritaires renforcés (REP+). Dans 85% des classes concernées, soit 2.500, le nombre d’élèves sera divisé par deux, et sera ramené à 12. Dans les cas restants, deux enseignants interviendront en petits groupes.
À droite comme à gauche, la mesure semble faire consensus, avec une petite réserve. « Moins il y a d’élèves, mieux le savoir est dispensé. Mais ce n’est pas suffisant, il faut avoir des pédagogies adaptées aux élèves qui décrochent, c’est un des points faibles de notre pays », note le sénateur Jean-Claude Carle (LR). « Comme toute mesure de moyens, ça ne suffira pas », concède Françoise Cartron (PS). « C’est l’occasion de travailler autrement à 12 qu’à 25. Si on ne change pas la pédagogie, les résultats ne seront pas à la hauteur ».
D’ici la rentrée 2019, le dispositif sera étendu aux classes de CP des réseaux d’éducation prioritaires (REP) et concernera également les CE1 des REP+ et REP.
Des évaluations à l'entrée du CP et de la 6e
Jean-Michel Blanquer annonce aussi que les élèves seront évalués à leur entrée en CP et en sixième. Ces tests nationaux auront lieu dès le mois de septembre pour le primaire, et en novembre pour le collège. La mesure, qui rappelle les anciens contrôles réalisés en CE1 et CM2 à l’échelle nationale de 2009 à 2013, rencontre l’opposition de certains syndicats.
Un retour partiel à la semaine de quatre jours
Depuis un décret ministériel publié le 28 juin, les communes ont désormais la possibilité de déroger à la semaine de quatre jours et demi, qui avait été mise en place dans les écoles primaires à partir de 2013 (réforme Peillon). Près d’un tiers des établissements ont choisi de revenir à l’ancienne formule de quatre jours de cours par semaine, selon les chiffres du ministère.
Pour les autres communes restées à une semaine de quatre jours et demi, et qui proposent toujours des activités périscolaires aux enfants, Jean-Michel Blanquer a précisé que le fonds d’aide était pérennisé pour l’année scolaire 2017-2018.
Au début de l’été, la mesure avait été accueillie froidement dans un rapport sénatorial, qui dénonçait une mesure prise dans la précipitation.
Une aide aux devoirs dans les collèges
Des nouveautés sont également à signaler dans l’enseignement secondaire. Dans un souci d’égalité sociale, le gouvernement instaure pour les collégiens qui le souhaitent des heures de soutien scolaire en fin de journée, au sein de l’établissement. Le dispositif, vu d’un bon œil par les deux sénateurs que nous avons interrogés, intitulé « devoirs faits », sera notamment concentré dans les réseaux prioritaires, et devra entrer en application dans deux mois, dès le retour des vacances de la Toussaint. Le ministre de l’Éducation veut mobiliser le corps enseignant, à travers des heures supplémentaires, des assistants d’éducation, les associations, mais également des services civiques.
Blanquer revient sur la dernière réforme du collège
Comme la loi Peillon organisant les rythmes scolaires, une autre réforme du quinquennat Hollande est vidée de sa substance : la réforme du collège, portée par Najat Vallaud-Belkacem en 2015. Conformément à un engagement de campagne d’Emmanuel Macron, la rentrée 2017 signe le rétablissement des classes bilangues dès la 6e mais aussi celui des options latin et grec.
Des retours salués par le sénateur Jean-Claude Carle. « Les mesures que s’apprête à prendre Jean-Michel Blanquer vont sûrement permettre de redresser la situation catastrophique laissée par Najat Vallaud-Belkacem, qui a confondu égalité et égalitarisme. »
La rue de Grenelle veut aussi offrir plus d’autonomie et de souplesse aux établissements, en rendant facultatifs les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI).
À l’époque, ces enseignements avaient été parfois mal accueillis sur le terrain, se souvient Françoise Cartron. « J’ai toujours été très étonnée par la levée de boucliers contre ces EPI. Il n’était pas question d’ôter des heures d’enseignement traditionnelles, mais de les faire autrement ». La sénatrice socialiste réclame d’avantage d’accompagnement des politiques sur le terrain. « Est-ce que l’on continue à imposer quelque chose d’en haut, ou est-ce que l’on s’appuie davantage sur le volontarisme et l’adhésion pour faire avancer les choses ? », demande-t-elle, en espérant que le gouvernement fasse confiance aux « équipées motivées sur le terrain ».
Concertations sur la réforme du baccalauréat
Jean-Michel Blanquer promet une certaine stabilité dans les programmes scolaires, pas de « zigzag » comme il l’a annoncé, mais il ne s’interdit pas certaines « améliorations en finesse », notamment au lycée. Une façon de préparer la réforme du bac de 2021, une institution qui perdurera mais qui sera amenée à évoluer. Une concertation, qui s’ouvrira au mois d’octobre, devrait livrer ses conclusions début 2018.
Autre point d’importance qui fera l’objet d’une future réforme : l’orientation au lycée. Après la polémique Admission Post-Bac et de ces milliers de bacheliers privés de place dans le supérieur, le ministre a critiqué la méthode du tirage au sort et a promis une « politique d'orientation profondément revisitée dès le début du lycée ».
Tensions sur les moyens pour la rentrée 2017
Malgré l’approbation que certaines nouveautés peuvent susciter, les réformes se mettent en place dans un contexte budgétaire difficile. Bercy avait annoncé en juillet une baisse de 75 millions d’euros sur le budget 2017 de l’Éducation nationale, en assurant qu’il n’y aurait pas de suppressions de postes pour la rentrée. Cette rentrée « sans couac », de l’avis de Françoise Cartron, serait surtout la « conséquence des créations de postes durant les cinq dernières années, qui finissent par se voir sur le terrain ».
S’agissant du dédoublement des classes en CP, le gouvernement a redéployé un tiers des enseignants du dispositif « plus de maîtres que de classes ».
L’Éducation nationale risque surtout d’être impactée par la disparition d’un grand nombre de contrats aidés. Une situation qui fait grincer des dents dans les collectivités et les établissements qui y ont recours. Le ministère évalue ces suppressions à 23.000, et assure avoir sanctuarisé les besoins en auxiliaires de vie scolaire pour les élèves en situation de handicap.
Dans un contexte de modération budgétaire, Jean-Claude Carle préconise d’aller plus loin sur le primaire. « À budget constant, il faut redéployer des crédits de l’enseignement sur le primaire, on a un primaire qui est sous-doté », considère le sénateur, qui pointe un « grand nombre de filières et d’options » dans le secondaire.
Pour 2018, en revanche, le ministre a promis une augmentation du budget de plus d’un milliard d’euros. Françoise Cartron reste prudente. « Il faut voir où sont fléchées ces hausses. Le budget va être l’épreuve de vérité : accompagne-t-il ces ambitions ? » Réponse à l’automne.