Le contraste avec la primaire de la droite est frappant. Quand en novembre dernier on pouvait observer de grandes files d’attentes jusque dans la rue, la primaire de la Belle alliance populaire n’attire pas autant pour son premier tour. Dans le XIe arrondissement de Paris, clairement ancré à gauche, on ne se bouscule pas au bureau de vote de la rue Saint-Maur. « C’est par vague. Mais il n’y a quand même pas foule » reconnaît Sophie, la présidente du bureau situé dans une école primaire. « C’est surtout des sympathisants socialistes » pense un autre.
« Valls et compagnie m’énervent profondément »
Valentine, 30 ans (photo ci-dessous), a fait le déplacement avec son enfant. En novembre, elle a voté à la primaire de droite. « C’était pour voter contre Sarkozy, puis contre Fillon. Il me fait particulièrement peur » lâche cette architecte. A la présidentielle, elle serait « plus à voter Mélenchon ». « Mais il faut être lucide, jamais il ne sera au deuxième tour, donc il faut voter à la primaire » dit-elle. Pour elle, c’est Benoît Hamon. « Le seul qui apporte des idées un peu nouvelles. Valls et compagnie m’énervent profondément ». L’ancien ministre de l’Education ne pourrait-il pas affaiblir Jean-Luc Mélenchon, s’il l’emportait ? « C’est un peu la crainte. Mais il fallait unifier la gauche ».
Perla et Louis, couple de retraités, viennent de faire leur devoir de citoyen. Elle, 68 ans, ancienne libraire. Lui, 73 ans, ex-chef d’entreprise. Ils ont aussi voté à la primaire de droite, avant de se rendre aux urnes ce dimanche. Mais pas pour faire barrage à un candidat. « On a tous les deux voté Fillon » explique Perla dans un sourire. Les deux ont glissé un bulletin Valls aujourd’hui. « On a besoin de quelqu’un de fort, qui fait ce qu’il dit. Que ce soit Valls ou Fillon, ça ne me dérangerait pas » assure Louis. « Nos enfants disent qu’on est de droite », sourit-il, « mais je ne pense pas. Il y a des bonnes choses partout ». Louis apprécie chez Valls « son absence d’utopie, son réalisme ». Perla n’apprécie pas vraiment Hamon : « C’est une catastrophe ». Louis reconnaît un faible pour Montebourg : « Dans un monde merveilleux, j’aurais voté pour lui. Il a de bonnes idées ».
« Le moins pire »
Michèle, enseignante-chercheur de 67 ans, n’imaginait pas ne pas voter. « C’est une occasion pour les citoyens, il faut la saisir » dit-elle. Elle « était » de gauche et se dit aujourd’hui « déçue ». « Ça fait longtemps ». Aujourd’hui, elle a choisi « le moins pire ». « C’est Valls pour moi. J’apprécie son absence de dérive populiste ». Le revenu universel, défendu par Benoît Hamon ? « C’est la désolation. C’est une question de dignité humaine. Sans travail, on n’est plus rien ». Et Montebourg ? « Un avocat bien gentil… C’est un beau parleur » tranche Michèle.
Nicolas, 45 ans, « électeur de gauche depuis toujours », a hésité « jusque ce matin ». Il a finalement choisi « Arnaud Montebourg, car (il est) déçu de Manuel Valls. Et Montebourg me plaît sur l’Europe » explique cet employé de banque. Il ajoute : « Montebourg peut bien défendre les valeurs de gauche, tout en restant les pieds sur terre ». Pour la présidentielle, il n’est « pas très optimiste ». « Au fond de moi, je pense que le candidat PS ne sera pas au second tour, même si j’ai envie d’y croire » dit-il.
« J’étais plus pour Peillon. Mais j’ai fait un vote utile : Valls »
Alexis, photographe et designer graphique de 28 ans, a voté Hamon. Le candidat semble populaire chez les jeunes. « Il a de vraies valeur de gauche. Et je veux faire barrage à Valls » dit-il. « Par rapport à l’ego de Mélenchon, qui me gêne, Hamon est très humble. Et Montebourg est faux. Ils jouent tous un rôle » tranche-t-il. Quant à François Hollande, il ne lui manque « pas du tout. J’avais beaucoup d’espoir… »
Luc a hésité avant de voter. « J’étais plus pour Peillon. Mais j’ai fait un vote utile : Valls ». Cet ingénieur de 49 ans explique les raisons de sa présence : « Il y a des gens qui sont à gauche, qui ne sont pas Mélenchon, qui ne sont pas Macron. C’est l’idée de montrer que cette gauche de gouvernement, cette gauche normale existe ». Denis, 61 ans, s’est lui décidé « lors du dernier débat ». « J’ai voté de Rugy » annonce ce retraité de la fonction publique hospitalière, « il est en ascension, il est bien posé, sincère et clair. Et du style « même pas peur » ». Il est le seul à regretter l’absence de François Hollande à la présidentielle mais « pas forcément à la primaire ». Le Président est resté loin du premier tour : il est au Chili.