On en sait désormais un peu plus sur les mesures « d’accompagnement » dont parlait l’exécutif ce week-end pour atténuer le renchérissement des prix des carburants. Même s’il « assume » cette hausse des taxes qui pèsent sur l’essence, et surtout le diesel, Emmanuel Macron assure avoir entendu la grogne qui progresse en France, et annonce un début de solutions pour différentes catégories de populations.
Une « amélioration du chèque énergie »
La hausse de la fiscalité sur les hydrocarbures (la TICPE) frappe également le fioul de chauffage. Au cours de son interview à Europe 1 ce mardi, le chef de l’État a affirmé qu’il allait étudier la situation des « gens très modestes » qui « ne peuvent pas changer de chaudière ». « Il faut qu’on regarde comment améliorer le chèque énergie », a-t-il annoncé, alors que la France a connu les premières gelées de l’automne.
Cette aide versée par l’État, et qui a pris le relais des tarifs sociaux de l’électricité, permet de payer les dépenses d’énergies pour les ménages les plus modestes : qu’il s’agisse des factures (électricité, gaz, fioul ou encore bois) ou des dépenses de rénovation énergétique. Actuellement, la valeur du chèque varie de 48 à 227 euros (selon les revenus et la taille du foyer) et s’adresse aux Français aux revenus les plus modestes. Ce matin, sur LCI, le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin a rappelé que la valeur moyenne versée par l’État (150 euros en moyenne en 2018) allait augmenter pour atteindre 200 euros en 2019.
Il a également ajouté – et c’est là une nouveauté – que ce chèque serait « peut-être » élargi à d’autres foyers, y compris des foyers qui payent l’impôt sur le revenu). Mais aussi que le chèque, dont l’envoi ne nécessite aucune démarche, serait simplifié car « 560.000 personnes ne l’encaissent pas », sur quatre millions de foyers bénéficiaires.
Généraliser l’aide des Hauts-de-France pour les salariés qui se déplacent en voiture
Depuis mars 2016, la région Hauts-de-France verse une aide d’un montant de 240 euros par an (en quatre fois) aux salariés (du privé ou fonctionnaires) qui n’ont pas d’autre solution que leur véhicule personnel pour se rendre sur leur lieu de travail, soit car ils se trouvent en dehors d’un réseau de transports en commun, soit qu’ils travaillent en horaires décalés. Seuls les salariés payés au maximum deux fois le Smic net peuvent y prétendre. Près de 15.000 aides ont été distribuées l’an dernier (la région compte 1,4 million de salariés). Cette année, le dispositif a été reconduit avec un budget de 3,4 millions d’euros.
Pour bénéficier de cette aide, il faut également que le domicile soit situé à au moins 30 kilomètres de son lieu de résidence (située dans la région). Dans la dernière enquête de l’Insee publiée en 2016, au niveau national, 19,8% des actifs répondent à ce critère au niveau national.
« C’est une bonne philosophie », a considéré ce matin Emmanuel Macron, qui a annoncé que l’aide serait défiscalisée. Jusqu’à présent, il est obligatoire de préciser cette aide sur sa déclaration de revenus. Une mesure qui ne produira sans doute pas le gain de pouvoir d’achat espéré car une partie importante des bénéficiaires sont déjà non imposables.
Le président de la République « souhaite » que cette expérience des Hauts-de-France soit « généralisée » au niveau national. Il a également indiqué qu’il fallait être « dans un mode d’indemnités kilométriques ».
Mais le versement d’indemnités kilométriques (basées sur le barème des « frais professionnels » de Bercy), tout comme le versement d’une prime transport (que le moteur soit thermique ou électrique, ou qu’il s’agisse d’un vélo), reste au bon vouloir de l’employeur.
« C’est à l’État de financer », répondent les Régions
« Il faut travailler avec les collectivités locales, les employeurs, intelligemment », a encouragé le président de la République. Le message a été mal reçu. Dans un communiqué cinglant, les Régions de France mettent les choses au clair : « Leur rôle n’est pas de compenser les mesures fiscales nationales ». « C’est à l’État de financer les mesures palliatives en termes de pouvoir d’achat », écrit l’organisation présidée par le centriste Hervé Morin, qui ajoute qu’une telle idée « contrevient » avec la logique de contenir les dépenses de fonctionnement dans les prochaines années.
« On ne va pas taper les entreprises, on ne va pas taper les régions, les collectivités. C’est à l’État d’être réaliste dans ses prescriptions fiscales », lance de son côté Dominique Bussereau, le président de l’Assemblée des départements de France, dont le congrès s’ouvre cette semaine.
Du côté des employeurs, c’est une autre logique que celle défendue par le président de la République qui est aussi réclamée. Le président de la CPME, François Asselin, pointe l’absurdité de la situation. « On remplace une taxe par une prime », déclare-t-il, s’inquiétant des effets négatifs pour les salariés et les artisans d’une « fiscalité punitive ». « Plafonnons cette fiscalité, faisons en sorte de ne pas remettre encore quelques centimes d’augmentation à partir du 1er janvier 2019 », a-t-il demandé, en ayant en tête la prochaine vague d’augmentation des taxes sur le carburant.
L’opposition, notamment à droite, a également tiré à boulets rouges sur les solutions mises sur la table par l’Élysée. Alors que deux de leurs collègues députés ont proposé ce week-end la création d’un chèque-carburant de 100 euros par mois (voir notre article), les Républicains du Sénat ne sont pas privés de critiquer les idées d’Emmanuel Macron ce matin. « Emmanuel Macron envisage d’aider les Français à supporter la hausse des taxes sur les carburants en finançant des aides ? On nage en pleine absurdité », considère leur patron Bruno Retailleau, qui parle, comme Roger Karoutchi d’une « usine à gaz ». « La meilleure façon de réduire l’impact d’une taxe ou d’un impôt c’est de ne pas l’augmenter », explique encore Pascal Allizard, sénateur LR du Calvados.
À gauche également, les remarques sont identiques. L’ancienne socialiste Marie-Noëlle Lienemann fustige un « bidouillage » et des « bricolages administratifs ». « Et il parlait de simplification administrative! Immédiate remise à plat ! » a réclamé l’ancienne vice-présidente du Sénat.