Procès des attentats du 13 novembre : « La France demande justice et réparation », affirme Philippe Bas
Le procès historique des attentats du 13 novembre s’est ouvert ce mercredi à Paris. Vingt accusés sont jugés devant la cour d'assises spécialement composée de magistrats professionnels, six ans après les attaques terroristes qui ont fait 130 morts et des centaines de blessés. Entretien avec Philippe Bas, questeur LR du Sénat et ancien président de la commission des lois.

Procès des attentats du 13 novembre : « La France demande justice et réparation », affirme Philippe Bas

Le procès historique des attentats du 13 novembre s’est ouvert ce mercredi à Paris. Vingt accusés sont jugés devant la cour d'assises spécialement composée de magistrats professionnels, six ans après les attaques terroristes qui ont fait 130 morts et des centaines de blessés. Entretien avec Philippe Bas, questeur LR du Sénat et ancien président de la commission des lois.
Public Sénat

Par Steve Jourdin

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Le procès des attentats de Paris a débuté. Comment qualifier ce procès, c’est un procès pour l’Histoire ?

Un procès n’est fait ni pour l’Histoire, ni pour le soulagement des victimes, il est fait pour sanctionner les coupables. Je souhaite qu’après avoir identifié tous les responsables de ces attentats, les sanctions soient sévères et exemplaires.

Si ce procès peut se tenir aujourd’hui, c’est le résultat de 35 ans d’efforts et de moyens supplémentaires accordés à la justice, au renseignement et à la police afin d’enquêter et de sanctionner. Il est le produit d’un travail très méticuleux engagé par des centaines de magistrats. Ce procès va permettre de remonter tous les chaînons de la préparation des attentats, et nous aidera ainsi à améliorer ensuite les moyens de prévention.

Il était nécessaire de théâtraliser ce procès ?

La théâtralisation que l’on constate n’est pas le fait de la justice elle-même. Elle est le fait de l’émotion toujours vivante provoquée par l’abomination des crimes qui ont été commis. Ce sont non seulement les victimes qui demandent réparation et justice, mais toute la société française.

Sur la forme, ce procès a une autre particularité. Ce n’est en effet pas une cour d’assises qui juge le crime, mais une cour criminelle. En pratique, cela signifie que ce n’est pas un jury populaire qui décide de l’issue du procès, mais des juges professionnels. C’est une possibilité qui a été introduite il y a seulement quelques années dans notre droit.

En l’espèce, je comprends les raisons qui ont conduit à préférer le mécanisme de la cour criminelle ; il n’est matériellement pas possible de mobiliser un jury populaire pendant 9 mois. Mais de façon générale, je souhaite que le recours à la cour criminelle soit le plus circonscrit possible, car je crois en la confiance du jury populaire pour s’exprimer sur la culpabilité et les sanctions pénales des accusés.

A l’inverse du procès qui s’ouvre ce mercredi, le procès des attentats du 11 septembre 2001 n’a pas lieu devant la justice ordinaire, mais devant les commissions militaires de Guantánamo à Cuba. Quel est le bon modèle selon vous ?

Chaque société produit ses propres formes de justice, et nous sommes très attachés à la nôtre. Nous revendiquons notre volonté d’exercer la justice dans le respect de nos règles fondamentales. Nous ne devons pas en avoir honte. C’est l’occasion de rappeler les grands principes de notre Etat de droit, et de réaffirmer les valeurs de notre République. Il n’est pas question de mettre en place une justice dérogatoire.

Un individu comme Salah Abdeslam doit être jugé comme n’importe quel justiciable. Cela ne réduit en rien l’horreur des crimes auxquels il a probablement participé. Mais il est important que l’horreur du crime de masse qui a été commis, n’empêche pas le bon déroulement de la justice.

Le procès des attentats de Paris est donc, selon vous, une manière de dire que face au terrorisme, la démocratie et la règle de droit doivent toujours prévaloir ?

Ces dernières années, les moyens de la prévention ont été considérablement renforcés. Plusieurs lois contre le terrorisme ont été votées, la dernière date de cet été (https://www.publicsenat.fr/article/politique/attentat-du-13-novembre-les-derniers-dispositifs-legislatifs-190282). La justice doit avoir un rôle de prévention, car les infractions terroristes sont les seules infractions qui permettent de donner lieu à un procès alors même que l’infraction n’est pas entièrement consommée. De simples préparatifs d’acte peuvent entraîner un procès. Le parquet antiterroriste joue donc un rôle central dans la prévention des attentats.

Certains responsables politiques d’extrême droite souhaitent consulter les Français sur un éventuel rétablissement de la peine de mort, qui pourrait s’appliquer en matière terroriste. Selon les sondages, 55 % des Français sont favorables au retour de la peine capitale. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

J’y suis tout à fait défavorable. Des criminels sanguinaires vont jusqu’à sacrifier leur vie au nom de ce qu’ils croient être la religion, ce n’est donc pas la menace de la peine de mort qui va les arrêter. Mais il ne faut pas non plus faire preuve d’angélisme, et nous avons fait adopter au Sénat des peines incompressibles afin que la sanction des actes terroristes soit exemplaire.

Partager cet article

Dans la même thématique

Procès des attentats du 13 novembre : « La France demande justice et réparation », affirme Philippe Bas
4min

Politique

Armement : Kaja Kallas appelle la France à « augmenter les cadences de production »

C’est la voix de la diplomatie européenne. Au moment où le cessez le feu connait des ratés à Gaza, et où la guerre s’enlise en Ukraine, quelle place pour les Européens ? Comment peser sur les grands conflits en cours ? Guerre en Ukraine, cessez-le-feu à Gaza, ou encore traité de libre-échange avec les pays du Mercosur, la Haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité Kaja Kallas défend son action et répond sans détour aux questions de Caroline de Camaret et d’Armen Georgian dans Ici l’Europe.

Le

Procès des attentats du 13 novembre : « La France demande justice et réparation », affirme Philippe Bas
5min

Politique

Sarkozy à la Santé : la visite de Darmanin « peut être interprétée comme une forme de pression » sur les magistrats, note François Molins

Un collectif d’avocats a déposé plainte contre Gérald Darmanin pour son soutien apporté à Nicolas Sarkozy incarcéré pour association de malfaiteurs dans l’affaire du financement libyen de sa campagne de 2007. Interrogé sur ce point l’ancien procureur général près la Cour de cassation, François Molins considère, lui aussi, que le déplacement du garde des Sceaux à la prison de la Santé pour y rencontrer l’ancien chef d’Etat « peut être interprété comme une forme de pression » sur les magistrats.

Le