C’est une recrudescence en trompe-l’œil, « on ne peut pas parler de regain puisque ces violences sont continues, elles s’inscrivent dans les tensions permanentes entre israéliens et palestiniens qui avaient d’ailleurs résulté en l’opération militaire « Guardians of the Walls » menée à Gaza en 2021. » souligne Amélie Férey, chercheuse à l’Ifri.
Un gouvernement israélien, soucieux de maintenir le statu quo
Côté israélien, l’absence de solution politique concrète sur le dossier palestinien n’encourage pas à la diminution des tensions, bien au contraire. Le départ de Benyamin Netanyahou après douze années passées à la tête du gouvernement n’a pas réellement conduit à un renouveau de la politique israélienne sur la question palestinienne. Son successeur, Naftali Bennett à la tête du parti nationaliste Yamina, s’inscrit dans une ligne encore plus à droite que son prédécesseur. « Il est le partisan d’un ‘Grand Israël’, c’est-à-dire d’une annexion de la Cisjordanie à l’Etat hébreu, un Israël du Jourdain à la Méditerranée », explique Amélie Férey. Son ascension est le fruit d’une alliance inattendue, « une coalition hétéroclite regroupant des centristes comme le ministre des affaires étrangères Yaïr Lapid, et le Ra’am une formation islamiste dirigée par Mansour Abbas défendant les Arabes israéliens, mais le curseur de cette coalition penche nettement à droite. » Il aura fallu quatre scrutins nationaux pour sortir Israël de « la paralysie institutionnelle » et désigner une nouvelle majorité à la Knesset, le parlement israélien. « Cette instabilité politique reflète avant tout l’incertitude de la société israélienne quant à son avenir vis-à-vis des Palestiniens », souligne la chercheuse.
« L’alternance politique ne signifie pas forcément un changement de ligne, le départ de Benyamin Netanyahou est davantage causé par les accusations de corruption ». De plus, le gouvernement Bennett demeure extrêmement fragile. Les affrontements sur l’esplanade des Mosquées à Jérusalem en avril 2022 entre la police israélienne et les Palestiniens ont menacé l’avenir même du gouvernement. Le leader du Ra’am, Mansour Abbas, avait menacé de quitter la coalition gouvernementale à la suite de l’invasion de la mosquée Al-Aqsa par les autorités israéliennes, « une provocation » et une « ligne rouge » à ne pas franchir selon les mots du dirigeant politique. Le gouvernement tente par tous les moyens de maintenir « le statu quo » sur la question palestinienne.
De l’autodétermination au conflit religieux
Si le conflit israélo-palestinien revêt plusieurs aspects politiques, sociaux et territoriaux. La dimension religieuse et communautaire est de plus en plus prégnante ces dernières années. Tout d’abord, la communauté ultraorthodoxe croît et menace de faire basculer la démographie de l’Etat hébreu. Politiquement, ces religieux font pencher le pays à droite. Dans un rapport publié en 2020 par l’Institut israélien de la démocratie (IDI), cette communauté connaît une croissance démographique beaucoup plus importante que les autres composantes sociétales. Ils représentaient en 2020, 12,6 % de la population, mais cette communauté devrait doubler d’ici 2030 selon l’IDI.
En 2021, en plein affrontement militaire entre Tel-Aviv et Gaza, la coexistence pacifique entre communautés arabe et juive en Israël s’est fissurée. De nombreuses villes mixtes se sont embrasées, c’est le cas de la ville de Lod, théâtre de violents conflits intercommunautaires. Des émeutes avaient éclaté pendant plusieurs soirs d’affilée. Plusieurs commerces et synagogues avaient été incendiés. A l’époque, Benyamin Netanyahou avait décrété l’état d’urgence dans la municipalité. Cette vague de violences s’était répandue dans de nombreuses villes ‘mixtes’, « d’un côté, plusieurs colons se sont dirigés en vers Jaffa, Dvora ou Haïfa pour ‘maintenir l’ordre’et de l’autre, les Arabes se sont rassemblés au sein de milices populaires afin de préserver et défendre leurs quartiers. »
La mort de Shireen Abu Akleh, une nouvelle affaire Mohammed Al Dura ?
La mort de la journaliste d’Al-Jazeera, Shireen Abu Akleh à Jénine lors d’une opération de l’armée israélienne en Cisjordanie ce mercredi 11 mai menace de fragiliser un peu plus le gouvernement israélien notamment dans les territoires occupés et à l’échelle internationale. Les circonstances de la mort de la journaliste américano-palestinienne, qui réalisait un reportage du raid militaire, demeurent encore floues et font l’objet d’intenses débats entre Israéliens et palestiniens. Tsahal dément toute responsabilité dans la mort de Shireen Abu Akleh. La chaîne qatarienne et les autorités palestiniennes réclament « une enquête internationale transparente ». La version israélienne ne convainc pas. Sur Twitter, le premier ministre Naftali Bennett pointe du doigt « des hommes armés palestiniens », responsables selon lui de la mort de la journaliste et dément « les allégations sans fondement » de l’autorité palestinienne. Les obsèques de la journaliste se tiennent ce jeudi à Jérusalem Est.
« Cet incident peut créer les conditions nécessaires au déclenchement d’émeutes, d’un embrasement en Cisjordanie. La mort de Shireen Abu Akleh est comparée sur les réseaux sociaux, via des montages photo, à l’affaire Mohammed Al Dura. » Le 30 septembre 2000, quelques jours après le déclenchement de la seconde intifada, un jeune enfant Palestinien de 12 ans est tué par balles lors d’une fusillade. Filmées par le journaliste de France 2, Charles Enderlin, les images des combats et du cadavre de Mohamed Al Dura font le tour du monde en quelques heures. Il devint l’icône et le visage d’un conflit qui dure depuis plus de 73 ans.