Proche Orient : Les violences qui secouent Israël et la Palestine, « s’inscrivent dans la continuité des affrontements de 2021 »
 Israël semble être confronté depuis mi-mars à plusieurs attaques meurtrières sur son sol. La mort d’une journaliste d’Al Jazeera lors d’une opération de l’armée israélienne en Cisjordanie ce mercredi 11 mai marquerait-elle une nouvelle étape dans cette spirale ?

Proche Orient : Les violences qui secouent Israël et la Palestine, « s’inscrivent dans la continuité des affrontements de 2021 »

 Israël semble être confronté depuis mi-mars à plusieurs attaques meurtrières sur son sol. La mort d’une journaliste d’Al Jazeera lors d’une opération de l’armée israélienne en Cisjordanie ce mercredi 11 mai marquerait-elle une nouvelle étape dans cette spirale ?
Public Sénat

Par Louis Dubar

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

C’est une recrudescence en trompe-l’œil, « on ne peut pas parler de regain puisque ces violences sont continues, elles s’inscrivent dans les tensions permanentes entre israéliens et palestiniens qui avaient d’ailleurs résulté en l’opération militaire « Guardians of the Walls » menée à Gaza en 2021. » souligne Amélie Férey, chercheuse à l’Ifri.

Un gouvernement israélien, soucieux de maintenir le statu quo

Côté israélien, l’absence de solution politique concrète sur le dossier palestinien n’encourage pas à la diminution des tensions, bien au contraire. Le départ de Benyamin Netanyahou après douze années passées à la tête du gouvernement n’a pas réellement conduit à un renouveau de la politique israélienne sur la question palestinienne. Son successeur, Naftali Bennett à la tête du parti nationaliste Yamina, s’inscrit dans une ligne encore plus à droite que son prédécesseur. « Il est le partisan d’un ‘Grand Israël’, c’est-à-dire d’une annexion de la Cisjordanie à l’Etat hébreu, un Israël du Jourdain à la Méditerranée », explique Amélie Férey. Son ascension est le fruit d’une alliance inattendue, « une coalition hétéroclite regroupant des centristes comme le ministre des affaires étrangères Yaïr Lapid, et le Ra’am une formation islamiste dirigée par Mansour Abbas défendant les Arabes israéliens, mais le curseur de cette coalition penche nettement à droite. » Il aura fallu quatre scrutins nationaux pour sortir Israël de « la paralysie institutionnelle » et désigner une nouvelle majorité à la Knesset, le parlement israélien. « Cette instabilité politique reflète avant tout l’incertitude de la société israélienne quant à son avenir vis-à-vis des Palestiniens », souligne la chercheuse.

« L’alternance politique ne signifie pas forcément un changement de ligne, le départ de Benyamin Netanyahou est davantage causé par les accusations de corruption ». De plus, le gouvernement Bennett demeure extrêmement fragile. Les affrontements sur l’esplanade des Mosquées à Jérusalem en avril 2022 entre la police israélienne et les Palestiniens ont menacé l’avenir même du gouvernement. Le leader du Ra’am, Mansour Abbas, avait menacé de quitter la coalition gouvernementale à la suite de l’invasion de la mosquée Al-Aqsa par les autorités israéliennes, « une provocation » et une « ligne rouge » à ne pas franchir selon les mots du dirigeant politique. Le gouvernement tente par tous les moyens de maintenir « le statu quo » sur la question palestinienne.

De l’autodétermination au conflit religieux

Si le conflit israélo-palestinien revêt plusieurs aspects politiques, sociaux et territoriaux. La dimension religieuse et communautaire est de plus en plus prégnante ces dernières années. Tout d’abord, la communauté ultraorthodoxe croît et menace de faire basculer la démographie de l’Etat hébreu. Politiquement, ces religieux font pencher le pays à droite. Dans un rapport publié en 2020 par l’Institut israélien de la démocratie (IDI), cette communauté connaît une croissance démographique beaucoup plus importante que les autres composantes sociétales. Ils représentaient en 2020, 12,6 % de la population, mais cette communauté devrait doubler d’ici 2030 selon l’IDI.

En 2021, en plein affrontement militaire entre Tel-Aviv et Gaza, la coexistence pacifique entre communautés arabe et juive en Israël s’est fissurée. De nombreuses villes mixtes se sont embrasées, c’est le cas de la ville de Lod, théâtre de violents conflits intercommunautaires. Des émeutes avaient éclaté pendant plusieurs soirs d’affilée. Plusieurs commerces et synagogues avaient été incendiés. A l’époque, Benyamin Netanyahou avait décrété l’état d’urgence dans la municipalité. Cette vague de violences s’était répandue dans de nombreuses villes ‘mixtes’, « d’un côté, plusieurs colons se sont dirigés en vers Jaffa, Dvora ou Haïfa pour ‘maintenir l’ordre’et de l’autre, les Arabes se sont rassemblés au sein de milices populaires afin de préserver et défendre leurs quartiers. »

La mort de Shireen Abu Akleh, une nouvelle affaire Mohammed Al Dura ?

La mort de la journaliste d’Al-Jazeera, Shireen Abu Akleh à Jénine lors d’une opération de l’armée israélienne en Cisjordanie ce mercredi 11 mai menace de fragiliser un peu plus le gouvernement israélien notamment dans les territoires occupés et à l’échelle internationale. Les circonstances de la mort de la journaliste américano-palestinienne, qui réalisait un reportage du raid militaire, demeurent encore floues et font l’objet d’intenses débats entre Israéliens et palestiniens. Tsahal dément toute responsabilité dans la mort de Shireen Abu Akleh. La chaîne qatarienne et les autorités palestiniennes réclament « une enquête internationale transparente ». La version israélienne ne convainc pas. Sur Twitter, le premier ministre Naftali Bennett pointe du doigt « des hommes armés palestiniens », responsables selon lui de la mort de la journaliste et dément « les allégations sans fondement » de l’autorité palestinienne. Les obsèques de la journaliste se tiennent ce jeudi à Jérusalem Est.

« Cet incident peut créer les conditions nécessaires au déclenchement d’émeutes, d’un embrasement en Cisjordanie. La mort de Shireen Abu Akleh est comparée sur les réseaux sociaux, via des montages photo, à l’affaire Mohammed Al Dura. » Le 30 septembre 2000, quelques jours après le déclenchement de la seconde intifada, un jeune enfant Palestinien de 12 ans est tué par balles lors d’une fusillade. Filmées par le journaliste de France 2, Charles Enderlin, les images des combats et du cadavre de Mohamed Al Dura font le tour du monde en quelques heures. Il devint l’icône et le visage d’un conflit qui dure depuis plus de 73 ans.

 

 

 

 

Partager cet article

Dans la même thématique

General policy speech by Prime Minister at Senate
10min

Politique

Budget : comment le Sénat va réduire l’effort demandé aux collectivités de 4,6 à 2 milliards d’euros

La majorité sénatoriale veut revenir sur l’effort demandé par le gouvernement aux collectivités. Le premier ministre a déjà fait des gestes devant les régions et les départements. « Un premier pas », reconnaît le sénateur LR Stéphane Sautarel, mais insuffisant. Pour compenser l’allègement de l’effort sur les collectivités, la majorité sénatoriale entend renforcer les économies sur d’autres ministères, notamment sur la « jeunesse, la recherche ou la culture ».

Le

7min

Politique

Insécurité dans les territoires d’Outre-mer : « Nous, les maires, nous sommes en première ligne pour lutter, mais on n’a pas de moyens pour le faire »

A la veille de l’ouverture du 107e congrès des maires à Paris, des élus des Outre-mer se sont retrouvés à Issy-les-Moulineaux ce lundi 17 novembre. Alors qu’ils font face à une criminalité et une délinquance grandissantes, dans des territoires en proie au narcotrafic, les maires, aux côtés de la délégation sénatoriale aux Outre-mer, ont plaidé pour un « choc régalien ».

Le

Paris : session of questions to the government at the French National Assembly
6min

Politique

Budget 2026 : quels scénarios dans un calendrier de plus en plus contraint ?

Avec encore plus de 1 500 amendements restant à examiner en une semaine à l’Assemblée sur la partie recettes du projet de loi de finances, le calendrier budgétaire est de plus en plus contraint. Dans une assemblée divisée et avec le renoncement du gouvernement de recourir au 49.3, la possibilité d’une adoption des deux lois de finances avant le 31 décembre 2025 relève presque de la politique-fiction.

Le

Paris: Salon europeen de l Education
4min

Politique

Budget 2026 : Un rapport du Sénat dénonce « un coup dur porté à la jeunesse », avec une réduction de l’enveloppe dédiée au service civique

Comme en 2025, la mission sport, jeunesse et vie associative subie une sérieuse coupe dans le budget. Le service civique voit son enveloppe budgétaire réduite de 20 %, soit 114,4 millions d’euros par rapport à l’année dernière. « Se priver d’un dispositif qui fonctionne au moment où on a besoin de faire du lien social, c’est incompréhensible », regrette le rapporteur des crédits, Éric Jeansannetas (PS).

Le