Centrale nucleaire du Bugey
Centrale nucleaire du Bugey - Departement de l Ain - France//07ALLILIMAGES_ALL_1657/Credit:MOURAD ALLILI/SIPA/2402201400

Programmation énergétique : en ne présentant pas de loi, « l’Etat se met dans l’illégalité », fustigent les écologistes

Le gouvernement a décidé de ne pas présenter de projet de loi sur la stratégie énergétique de la France et de passer par un décret. La loi Energie Climat de 2019 prévoyait pourtant que la programmation énergétique fasse l’objet d’un texte législatif.
Simon Barbarit

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Le gouvernement a décidé de se passer du Parlement pour tracer la feuille de route énergétique de la France. Le ministre délégué à l’Industrie et à l’Énergie, Roland Lescure l’a annoncé dans le Figaro, cette semaine. Les objectifs de production par filière d’énergie (nucléaire et renouvelable) seront finalement « adoptés par voie réglementaire », a confirmé le ministère à la presse, jeudi.

En janvier dernier, le projet de loi sur la souveraineté énergétique visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50 % d’ici 2030 et de diminuer la consommation d’énergies fossiles de 60 % d’ici 2035, avait déjà été sérieusement amputé par rapport à une précédente version. Les objectifs précis en matière de production d’électricité d’origine nucléaire (maintenir une puissance installée d’au moins 63 gigawatts) avaient été supprimés pour se limiter uniquement questions de régulation des prix et de protection des consommateurs.

« Grosse incertitude sur le sort réservé à un tel texte dans une Assemblée où la majorité est relative »

Roland Lescure avait déclaré à l’époque sur France 3 vouloir discuter avec les « différents groupes parlementaires, pour voir s’ils sont prêts à coopérer dans un cadre législatif constructif ». Dans les colonnes du Figaro, le ministre estime finalement qu’« une loi cathédrale » regroupant l’ensemble des sujets énergétiques est trop « difficile » et ne souhaite pas raviver une « guerre de religion qui oppose les pronucléaires aux prorenouvelables ».

« Ça ne m’étonne pas vraiment. Il y a beaucoup d’indécision sur la mise en œuvre de cette stratégie qui va nécessiter de gros investissements. Mais il y avait surtout une très grosse incertitude sur le sort réservé à un tel texte dans une Assemblée où la majorité est relative », commente Vincent Delahaye, rapporteur centriste d’une commission d’enquête portant sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050.

La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) fera finalement l’objet d’un décret publié « d’ici la fin de l’année », selon le ministère. Entre-temps, L’exécutif va saisir la Commission nationale du débat public (CNDP) une autorité indépendante chargée de garantir le droit de toute personne vivant en France à l’information et à la participation sur les projets ou les politiques qui ont un impact sur l’environnement. Il reviendra à la Commission nationale du débat public d’organiser une concertation pour des résultats attendus « à la fin de l’été ». Cette consultation n’abordera toutefois pas la stratégie nationale bas carbone (SNBC) sur l’horizon 2050 qui doit faire l’objet d’une autre consultation à une date encore non définie.

« C’est une faute historique »

Mais la loi Energie Climat de 2019 prévoyait pourtant qu’un texte législatif qui « détermine les objectifs et fixe les priorités d’action de la politique énergétique » soit voté avant le 1er juillet 2023. « L’Etat se met dans l’illégalité. C’est irresponsable. C’est à se demander si l’exécutif peut encore gouverner. En se passant d’un débat parlementaire, il prive les Français d’un débat éclairé sur un choix stratégique pour les prochaines années. C’est une faute historique même si au Sénat, le gouvernement peut compter sur la majorité de la droite et du centre pour poursuivre cette fuite en avant vers le nucléaire et voter une centaine de milliards pour construire des réacteurs qui seront en service au mieux ou au pire en 2040, sans s’interroger sur nos modes de consommation et la nécessité d’aller vers plus de sobriété », s’insurge le sénateur écologiste, Daniel Salmon.

« Sans loi sur l’énergie, le gouvernement se met hors la loi », a également réagi le Réseau Action climat tandis que Greenpeace déplorait du « temps perdu au détriment de la transition énergétique ainsi que le mépris total et inquiétant du pouvoir législatif, censé être souverain » sur les grandes orientations climatiques et énergétiques.

Vincent Delahaye rappelle de son côté que la programmation énergétique répond également « à des enjeux de souveraineté ». « Si on ne veut pas dépendre de pays comme la Chine et la Russie et à avoir une énergie de plus en plus décarbonée, on n’a pas d’autre choix que d’investir sur le nucléaire »

Emmanuel Macron a annoncé en début d’année la création de huit nouveaux réacteurs EPR2 en plus des six déjà prévus. Côté énergies renouvelables, le gouvernement veut » multiplier par 5 entre aujourd’hui et 2035 la production de gaz renouvelable », multiplier par 5 les capacités d’énergie solaire et « doubler la puissance des éoliennes terrestres » des installations qui divisent localement.

Reste que les parlementaires examineront bien un projet de loi, mais resserré sur la protection des consommateurs dans le domaine énergétique. « Je ne veux pas jeter l’opprobre sur toute une profession, mais il faut de la transparence sur les factures de gaz et d’électricité, sur les règes d’indexation et une bonne information sur les règles de résiliation des contrats », a indiqué Roland Lescure.

Vincent Delahaye assure que la commission d’enquête sur l’électricité du Sénat « va nourrir le débat » sur ce sujet en présentant ses conclusions début juillet.

 

Partager cet article

Dans la même thématique

Programmation énergétique : en ne présentant pas de loi, « l’Etat se met dans l’illégalité », fustigent les écologistes
9min

Politique

Budget : l’unité entre le PS et Les Ecologistes mise à mal par les discussions avec Sébastien Lecornu ?

Au moment où vont s’engager les discussions avec le premier ministre, Marine Tondelier, patronne des Ecologistes, marque sa différence avec le PS, se prononçant déjà pour le départ de Sébastien Lecornu. « On a notre stratégie et le PS a la sienne », assume le sénateur écolo Thomas Dossus. Elle veut « être au centre de la gauche », entre LFI et le PS, mais « il ne faut pas faire de grand écart qui fasse mal aux adducteurs », met-on en garde au PS…

Le

SIPA_01212671_000009
7min

Politique

Supprimer les avantages des anciens Premiers ministres : la mesure déjà adoptée au Sénat contre l’avis du gouvernement

Pour illustrer « la rupture » promise lors de son entrée en fonction, Sébastien Lecornu a indiqué vouloir supprimer les derniers avantages « à vie » qui sont encore accordés aux anciens membres du gouvernement. Un amendement en ce sens avait été adopté en janvier dernier lors de l’examen du budget 2025. Il allait plus loin et visait aussi les avantages des anciens présidents de la République. François Bayrou n’y était pas favorable et la mesure n’avait pas survécu à la navette parlementaire.

Le

Paris : Preparations for the handover ceremony of the new Prime minister
3min

Politique

Quels sont les avantages dont bénéficient les anciens Premiers ministres et ministres ?

Sébastien Lecornu a annoncé sa volonté de mettre un terme aux derniers privilèges accordés à vie aux anciens Premiers ministres, dans le cadre d’un effort global de réduction de la dépense publique. Une mesure qui concernerait actuellement 17 anciens locataires de Matignon, alors que ces avantages restent relativement limités.

Le