Fait assez rare pour être souligné, c’est la deuxième fois que la proposition de loi de programmation pluriannuelle de l’énergie est examinée par le Sénat, alors que la procédure accélérée est habituellement privilégiée par le gouvernement. Ce qui devient moins rare, en revanche, c’est que le socle commun – rongé sur ses deux flancs par la gauche et par le RN – rejette son propre texte à l’Assemblée nationale pour s’en remettre à la chambre haute. Dans le cas de la proposition de loi sur l’A69 ou bien la loi « Duplomb », c’est la composition de la commission mixte paritaire (7 députés et 7 sénateurs) qui a permis au socle commun de trouver une majorité grâce à l’apport de la majorité sénatoriale en esquivant des débats qui s’annonçaient difficiles à l’Assemblée nationale.
En l’occurrence, face à un texte profondément remanié par les députés RN et LR, qui ont notamment introduit un moratoire sur les énergies renouvelables, le socle commun a adopté une motion de rejet sur son propre texte pour que la copie revienne au Sénat en deuxième lecture (voir notre article). En séance, le souci des rapporteurs du Sénat – Alain Cadec (LR) et Patrick Chauvet (UC) – a été de maintenir la version du texte « telle que négociée avec l’Assemblée nationale », notamment sur la relance du nucléaire (article 3) et le renforcement des énergies renouvelables (article 5).
« L’enjeu aujourd’hui réside davantage dans notre capacité à obtenir la relance du nucléaire »
Malgré cela, des sénateurs de la majorité sénatoriale comme de la gauche, ont à plusieurs reprises tenté de réintroduire des amendements adoptés en première lecture, faisant du retraitement des déchets le « principal mode de gestion » des déchets nucléaires ou bien favorisant l’investissement public dans la recherche et le développement dans la filière nucléaire. Si sur le fond certaines mesures ne faisaient pas débat, la présidente de la commission des Affaires économiques, la sénatrice LR Dominique Estrosi Sassone, a été obligée de rappeler ses collègues à l’ordre : « Je ne conteste pas que les amendements ont un réel intérêt. Mais depuis le vote du Sénat en octobre dernier, il y a eu les débats à l’Assemblée nationale et nous avons décidé en commission de nous donner le maximum de chances d’aboutir à un vote conforme sur les deux articles majeurs du texte. »
Elle a été rejointe par l’auteur de la proposition de loi, le sénateur LR Daniel Gremillet, qui a tenté de montrer l’exemple : « L’enjeu aujourd’hui réside davantage dans notre capacité à obtenir la relance du nucléaire que sur tel ou tel amendement. […] Je me fais violence pour ne pas trop intervenir. » Après des débats relativement courts, le Sénat a effectivement voté l’article 3 du texte qui acte la relance du nucléaire dans la programmation énergétique de la France, en fixant un minimum de 27 GW de nouvelles capacités nucléaires installées d’ici 2050, soit les fameux six puis huit EPR2. Contre l’avis de la gauche – même pro nucléaire – la rédaction adoptée par la majorité sénatoriale fixe aussi un quota minimum de 60 % de nucléaire dans le mix électrique à horizon 2030 et un mix majoritairement nucléaire à horizon 2050.