Projet d’Emmanuel Macron : le changement dans la continuité

Projet d’Emmanuel Macron : le changement dans la continuité

En présentant son projet, Emmanuel Macron assure vouloir changer de méthode de gouvernance, en consultant davantage. Mais l’ADN macroniste est toujours là, avec des mesures disruptives comme sur l’école. Sur le plan économique, la politique est la même. Le candidat veut aller plus loin dans la réforme du marché du travail et celle de l’assurance chômage. Au fond, Emmanuel Macron change l’emballage, mais pas le produit.
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Le changement, c’est maintenant ? Pas vraiment. En présentant son projet pendant quatre longues heures, le candidat Emmanuel Macron a abordé tous les terrains, quitte parfois à noyer le sens qu’il cherchait à donner. « C’est un débat présidentiel. Il faut qu’il y ait de la matière. Et que je m’y engage pour que ce mandat soit clair », s’est-il presque justifié. Le Président sortant imagine, pour les cinq prochaines années, « faire de la France une nation plus indépendante », porter la valeur « travail », « prévenir les inégalités à la racine » en réformant l’école et la santé et défendre « un pacte républicain ».

Slogan Bisounours

Pour porter ce nouveau mandat, Emmanuel Macron jure qu’il laissera la présidence jupitérienne au placard. Il a appris de ses « erreurs », de ses « maladresses » ou de ses « fautes », promis. Dans ses cartons de candidat, Emmanuel Macron vient avec un changement de méthode. Dans l’esprit du « grand débat permanent », qu’il évoquait la semaine dernière devant les parlementaires LREM, il entend réformer l’école mais en consultant tous les acteurs – professeurs, parents, directeurs, personnels, élèves – et pas seulement les syndicats. Certains y verront une manière de les contourner. Sur la réforme institutionnelle, qu’il entend relancer, il promet une « commission transpartisane » pour tenter de trouver d’abord une ligne commune, plutôt que de présenter un projet de loi qui a abouti, comme on le sait, à un échec avec le Sénat.

« "Avec vous" n’est pas qu’un slogan, ce sera aussi une méthode démocratique nouvelle », lance Emmanuel Macron. Après la crise des gilets jaunes, les grandes grèves contre la réforme des retraites, voici venu le temps de la réforme en douceur ? Voire. Car derrière quelques formules creuses – « une forme d’optimisme de la volonté » – et un slogan Bisounours – « qu’on soit plus fort, plus heureux, tous ensemble » – Emmanuel Macron assume vouloir « prendre des choix parfois radicaux ». Il n’entend « pas gérer simplement le quotidien, mais prendre des choix historiques profonds et en rupture ».

Retrouver l’ADN d’En Marche avec des idées « disruptives »

Quand les stratèges macronistes se confiaient il y a quelques mois sur le chemin que pourrait prendre une nouvelle candidature, ils expliquaient vouloir retrouver « l’ADN d’En Marche ». L’idée de consultation, comme lors du porte-à-porte des marcheurs il y a cinq ans, en fait partie. Mais il y a aussi la disruption. « Dans le projet, il y aura quand même des choses un peu disruptives » assurait début mars un pilier de la majorité. On y est. Cette volonté de bousculer les « tabous », on la retrouve justement sur l’école. Son projet de remplacement « systématique » des professeurs absents par les autres, « une quasi-obligation », en échange d’une hausse de salaire, la comparaison des résultats et même de l’efficacité des méthodes pédagogique, d’une classe à l’autre, sont autant de sujets explosifs chez les professeurs. Le sujet risque de mal passer.

Disruptif même avec lui-même, le libéral en économie, lorsque qu’Emmanuel Macron « assume une volonté d’avoir une planification pour la production d’énergie », ou qu’il compte « prendre le contrôle capitalistique de plusieurs acteurs industriels » du secteur, « ce qui va avec une réforme plus large du premier électricien français », à savoir EDF.

Continuité sur les questions économiques et sociétales

Continuité encore sur les questions sociétales, où le candidat fait preuve d’ouverture. Après avoir fait la PMA pour toutes, il entend s’attaquer au dossier sensible de la fin de vie, en s’appuyant sur une convention citoyenne.

Sur les questions économiques et sociales, les propositions du candidat Macron sont sensiblement dans la continuité du bilan du Président sortant. Il entend « poursuivre la réforme du marché du travail », tout comme celle de l’assurance chômage, qu’il veut moduler en fonction de la conjoncture. Des réformes d’obédience libérale classiques, couplées à une politique de la baisse des impôts de production pour les entreprises, une politique là encore déjà menée depuis 2017. Il ressort également la réforme des retraites, certes dans une version plus proche de celle d’Edouard Philippe, en repoussant avant tout l’âge légal, que son projet avorté, mais l’esprit général est là, avec la suppression des régimes spéciaux.

« Je m’en fiche. Royalement, totalement, présidentiellement »

Des politiques de droite diront certains. Justement, les LR l’accusent de piller leurs idées. Mais retrouvant son naturel parfois direct, Emmanuel Macron lâche : « Je m’en fiche. Royalement, totalement, présidentiellement ». Pour lui, l’enjeu n’est pas là. « Ça fait cinq ans qu’on me dit […] que ça tirerait plutôt à droite, plutôt à gauche », mais « j’assume l’idée d’être assez gaulliste », soutient le candidat. Il ajoute :

Dans le programme, il y a immanquablement des réformes que vous pouvez qualifier d’inspiration de droite et d’autres d’inspiration de gauche.

On le voit, s’il y a bien une chose qui n’a pas changé chez Emmanuel Macron, c’est cette volonté du « en même temps », de travailler la poutre de tous les côtés de l’échiquier politique. Serait-il prêt à une forme de gouvernement d’union nationale, en cas de victoire ? « Je n’exclus rien », lâche le Président-candidat (voir la première vidéo). « Il faut rassembler plus largement tous les responsables politiques sincères qui partagent le projet qui est présenté aujourd’hui, […] qu’ils viennent de droite ou de gauche », soutient Emmanuel Macron, qui en toute modestie ajoute :

Ce que j’ai fait n’a jamais existé dans notre histoire politique contemporaine.

Il rappelle avoir « choisi deux premiers ministres qui n’étaient pas dans (sa) formation » en 2017, et salue « le travail remarquable du ministre du Budget (Olivier Dussopt, ndlr), qui a d’abord été élu dans le groupe socialiste ». « Je n’ai cessé d’élargir et de rassembler dans ce quinquennat qui s’achève. Je continuerai à faire cela », conclut Emmanuel Macron, comme si la victoire était déjà là. Les Français devront quand même en décider, s’ils souhaitent ce changement dans la continuité.

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