La majorité sénatoriale le réclamait depuis longtemps. Le projet de loi (PJL) relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales est finalement arrivé au Palais du Luxembourg, où l’hémicycle l’examine depuis le 12 novembre, avant un vote solennel le 20. En ligne de mire : ramener 1,5 milliard d’euros dans les caisses de l’État.
Un ensemble de mesures visant à traquer les fraudes aux taxes et impôts est mis sur la table, mais c’est surtout la fraude sociale, celle touchant aux prestations sociales et aux cotisations, qui se trouve dans le viseur des élus de droite et du centre, au grand dam de la gauche. Initialement, le texte prévoit certaines nouvelles dispositions : permettre aux agents des caisses d’assurance, vieillesse et maladie de consulter les données fiscales des assurés, et imposer la géolocalisation sur les taxis conduisant vers des rendez-vous médicaux. Le Sénat est venu le muscler en y ajoutant plusieurs articles, comme l’autorisation pour France Travail et les organismes de Sécurité sociale d’avoir accès aux fichiers des compagnies aériennes ou des opérateurs téléphoniques.
« Les fraudeurs doivent être sanctionnés »
Le député Horizons Sylvain Berrios y voit un texte nécessaire : « On donne un signe, qu’en abusant et en fraudant, on met en péril le système. Les fraudeurs doivent être sanctionnés ». Un constat sur lequel s’accorde, à première vue, le sénateur Place Publique Bernard Jomier : « Tout le monde partage l’idée que lutter contre la fraude est important ». Mais le consensus semble s’arrêter là : « Quand j’entends dire que ‘peu importe le montant’, c’est là où commence le désaccord. […] Ceux qui fraudent beaucoup, doivent être beaucoup sanctionnés ». Il déplore un PJL « dont les trois-quarts des articles portent sur les fraudes sociales », dont les montants se situent entre dix et quinze milliards d’euros, là où ceux des fraudes fiscales oscillent entre cinquante et quatre-vingt, rappelle l’élu de Paris, selon les évaluations des différents Haut conseil. « On n’est pas très efficace dans la lutte contre la fraude fiscale », pourtant, avec ces nouveaux articles, « on met l’accent sur les fraudeurs du RSA ». « C’est un objet politique qui vise essentiellement à montrer du doigt la fraude sociale ».
De son côté, Sylvain Berrios estime que « le gouvernement s’arme et donne de nouvelles armes notamment pour la fraude sociale, parce que la fraude fiscale est déjà largement armée », évoquant la création de TRACFIN, le service de renseignement financier de Bercy, ayant permis « de faire rentrer dans les caisses des milliards d’euros », entre quatre-vingts et quatre-vingt-dix. Et d’ajouter : « Aller sanctionner les fraudeurs, c’est protéger tous ceux qui bénéficient de la générosité de l’État ».
Bernard Jomier tient à marteler la distinction : « Philosophiquement, je les mets sur le même plan, ce sont des gens qui portent atteinte à notre système de solidarité. Mais le montant est important », parce qu’ils n’ont pas les mêmes impacts « sur la collectivité ». « Ces grands fraudeurs détruisent notre système de sécurité sociale ».