La sénatrice LR des Hauts de Seine, Christine Lavarde a réagi au micro de Public Sénat à la nomination de François Bayrou et esquisse le défi qui l’attend. « Il faut que chacun mette de l’eau dans son vin et accepte des choses qui ne sont pas forcément dans son ADN propre.
Projet de loi bioéthique : « La PMA c’est la possibilité offerte de constituer des modèles différents de familles »
Par Eléa Pommiers
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Le débat sur le projet de loi de bioéthique promet d’être encore nourri. La commission spéciale du Sénat poursuit ses auditions dans le cadre de ses travaux sur le texte adopté par l’Assemblée nationale en octobre. Ce mercredi, la commission a entendu la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche Frédérique Vidal, la ministre de la Justice Nicole Belloubet et le secrétaire d’État chargé des droits de l’enfant Adrien Taquet.
Sans surprise, la question de l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux femmes seules et aux couples de femme, disposition phare du texte, a occupé une large partie des échanges. La ministre de la Justice a notamment présenté le dispositif ad hoc retenu par le gouvernement et voté par les députés pour l’établissement de la filiation pour les couples de femmes ayant recours à une PMA avec tiers donneur. Ces couples de femmes devront « consentir devant notaire à faire une PMA avec tiers donneur » et « au même moment, elles s’engageront à devenir les mères de l’enfant à naître », a précisé la ministre, détaillant le dispositif prévu à l’article 4. Le gouvernement avait initialement prévu une « déclaration anticipée de volonté » que les associations LGBT et certains juristes avaient jugé stigmatisante.
« Ce dispositif constitue une voie d’équilibre. Quelque chose de juridiquement sûr et porteur d’égalité pour les deux mères », a estimé Nicole Belloubet, qui souligne que « l’égalité en matière de procréation » doit être considérée « par rapport à la situation des couples », qui est différente entre les couples hétérosexuels et homosexuels.
"Pas d'évolution vers la GPA"
Les questions ont rapidement dévié vers l’une des principales craintes des sénateurs : que l’ouverture de la PMA à toutes les femmes constitue un premier pas vers l’autorisation de la gestation pour autrui (GPA), au nom de l’égalité entre les couples. « Le Conseil d’État le dit clairement : il n’y a pas de droit à l’enfant », a tranché la ministre. Le principe d’égalité « joue pour des personnes qui, par rapport à l’objectif de procréation, sont dans la même situation », a-t-elle précisé, insistant sur le fait que les couples hétérosexuels, et les couples d’hommes et de femmes « ne sont pas dans la même situation ». « On ne peut pas déduire de la PMA que, juridiquement, cela instaure une évolution vers la GPA », a-t-elle assuré.
À la question de la rapporteure Les Républicains (LR) Muriel Jourda qui s’interroge sur un texte dont la philosophie serait celle de la « procréation sans sexe pour tous », la ministre répond également que l’ouverture de la PMA à toutes les femmes est la « possibilité offerte de constituer des modèles différents de familles » qu’il faut « considérer et respecter ». Plusieurs sénateurs ont aussi soulevé la question des conséquences, pour des enfants, de grandir « sans filiation paternelle ». « De nombreuses études ont montré qu’il n’y avait pas d’effet délétère pour l’enfant, pas de vulnérabilité supplémentaire, et non plus aucune incidence sur la construction de la sexualité. (…) Ce n’est pas tant la structure familiale qui compte mais la dynamique familiale », leur a répondu le secrétaire d’État Adrien Taquet (voir la vidéo ci-dessous).
Les questions "vertigineuses" de la PMA post-mortem
L’enjeu de l’accès aux origines des enfants nés d’un don de gamètes a aussi fait l’objet de plusieurs échanges. Le sénateur socialiste Jacques Bigot a notamment questionné Nicole Belloubet sur l’inégalité instaurée entre les enfants de couples homosexuels et hétérosexuels, les premiers ayant de fait connaissance des conditions de leur conception quand les seconds pourront encore être maintenus dans le secret par leurs parents. Pour les couples hétérosexuels, « nous avons fait le choix de laisser à la famille le choix du moment opportun » pour informer l’enfant des conditions de sa conception, a répondu Nicole Belloubet.
La question de la PMA post-mortem a par ailleurs été portée par la sénatrice centriste Élisabeth Doineau. Elle a souligné le caractère « inhumain », au moment où s’ouvrait la PMA aux femmes seules, de refuser à une femme de concevoir un enfant avec les gamètes de son conjoint décédé tout en lui permettant de faire un enfant avec les gamètes d’un donneur inconnu. « Ça a été source de beaucoup de discussions », a concédé Frédérique Vidal, justifiant la fin de non-recevoir du gouvernement par les questions « vertigineuses » et encore sans réponses qu’ouvrait la PMA post mortem (voir la vidéo ci-dessous).
Des craintes sur la recherche sur les embryons
Le projet de loi de bioéthique ne contient cependant pas que les dispositions relatives à la PMA, et plusieurs sénateurs se sont d’ailleurs inquiétés que ce sujet ne phagocyte les autres, pourtant tout aussi importants. L’audition des trois ministres a ainsi été l’occasion d’aborder assez largement l’article 17 du projet de loi, le statut de l’embryon humain et la possibilité de créer des chimères. La ministre a rappelé que trois interdits continueraient de s’appliquer concernant la recherche sur les embryons humains : aucun embryon ne peut être créé à des fins de recherche, aucune modification du patrimoine génétique transmissible n’est possible, et il est impossible d’intégrer des cellules animales dans ces embryons humains.
En revanche, l’insertion de cellules humaines dans un embryon animal est autorisée, et devra être soumise « au contrôle et à la réglementation », a précisé la ministre. « Ne pensez-vous pas qu’il y a là un vrai franchissement de la barrière des espèces ? », a demandé la rapporteure LR Corinne Imbert. « C’est déjà pratiqué sans que nous n’ayons jamais constaté de franchissement de la barrière des espèces », selon Frédérique Vidal, qui a longuement insisté sur le fait que le texte ne modifiait pas les autorisations déjà existantes, mais levait un « flou juridique », la modification des embryons animal n’étant jusqu’alors pas explicitement abordée dans la loi de bioéthique. « Le caractère particulier de l’embryon (humain) est toujours reconnu dans ce projet de loi », a souligné la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche.