Projet de loi bioéthique: le Sénat lance les débats, les opposants à la PMA restent mobilisés
Le Sénat a entamé mardi, dans une atmosphère empreinte d'une certaine gravité, l'examen en première lecture du projet de loi bioéthique défendu...
Par Véronique MARTINACHE
Temps de lecture :
5 min
Publié le
Mis à jour le
Le Sénat a entamé mardi, dans une atmosphère empreinte d'une certaine gravité, l'examen en première lecture du projet de loi bioéthique défendu comme un texte de "progrès" par le gouvernement, mais dont la mesure emblématique, l'ouverture de la PMA à toutes les femmes, divise la majorité sénatoriale de droite.
Deux jours après une manifestation à Paris de plus de 20.000 personnes, environ 150 à 200 opposants à la PMA pour toutes se sont rassemblés dans la soirée devant le Sénat, agitant leurs drapeaux rouges et verts "Liberté Égalité Paternité".
Ils ont notamment projeté plusieurs messages lumineux sur la façade du palais du Luxembourg comme "Non à la PMA sans père" ou "Sénateurs, réveillez vous".
Le Sénat devait poursuivre en soirée l'examen de l'article 1 du projet de loi, consacré à la PMA.
"Il n'y a pas, il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais de droit à l'enfant", a assuré la ministre de la Santé Agnès Buzyn, à l'ouverture des débats. Il s'agit de "reconnaître la famille dans ce qu'elle a de divers, de pluriel et de riche", a-t-elle ajouté.
Symboliquement, le Sénat a néanmoins adopté un premier amendement LR inscrivant dans le code civil que "nul n'a de droit à l'enfant".
Réforme de la filiation, accès aux origines, autoconservation des ovocytes, PMA post-mortem, tests génétiques ou recherche sur les cellules souches embryonnaires, nombre d'autres sujets complexes vont animer l'hémicycle du Palais du Luxembourg jusqu'au 4 février, date à laquelle les sénateurs se prononceront sur l'ensemble du texte.
Le projet de révision des lois de bioéthique, troisième du genre, dans le prolongement des lois de 2004 et 2011, repartira ensuite devant les députés qui auront le dernier mot.
D'emblée, les positions divergentes se sont affichées, mais avec une préoccupation partagée: celle du respect des opinions différentes devant un texte qui touche à "l'intime" et engage l'avenir. Mme Buzyn, comme nombre des orateurs, a insisté sur "l'humilité" qu'appelle son examen.
Tentatives de PMA, en 2017, par technique et par origine des gamètes, ainsi que nombre d'enfants nés de PMA, par origine des gamètes
AFP
Promesse de campagne d'Emmanuel Macron, l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes célibataires, divise la droite sénatoriale.
Le président des sénateurs LR Bruno Retailleau a réaffirmé haut et fort son opposition, tout comme la corapporteure Muriel Jourda ou le président de la commission des Lois Philippe Bas. Pour M. Retailleau, "ce texte est une nouvelle étape dans l'alignement de notre modèle" français sur "un modèle anglosaxon ultra libéral qui se mondialise".
Les sénateurs ont donné en commission un premier feu vert à l'ouverture de la PMA à toutes les femmes, tout en réservant sa prise en charge par l'assurance maladie aux demandes fondées sur un critère médical. Dans l'hémicycle, l'ouverture de la PMA devrait aussi trouver une majorité, mais le résultat sera serré et la gauche entend mener bataille pour faire disparaitre les restrictions adoptées en commission.
- "Pythie grecque" -
Les opposants à l'ouverture de la PMA porteront aussi le combat sur la réforme de la filiation qui y est associée. C'est seulement à une voix près que la commission a donné son feu vert au nouveau mode de filiation qui permet à la femme qui n'a pas porté le bébé d'être reconnue comme l'un de deux parents, à égalité avec sa compagne.
La droite entend également lancer le débat sur la GPA (gestation pour autrui) par le biais de la question de la reconnaissance des enfants nés à l'étranger de cette procédure interdite en France.
Le président du groupe LR au Sénat Bruno Retailleau veut l'instauration d'un "droit aux transports publics garanti" en cas de grève
AFP/Archives
Revenant sur une jurisprudence récente de la Cour de cassation, le gouvernement proposera que la "réalité" d'un acte d'état-civil étranger soit "appréciée au regard de la loi française" et non pas de la loi du pays où a été réalisée la GPA.
Un amendement jugé "timide" par M. Retailleau qui souhaite exclure de la transcription à l'état civil les actes de naissance mentionnant deux pères ou, comme mère, une femme autre que celle ayant accouché, manière de réaffirmer l'interdiction de la GPA en France.
La ministre de la Justice Nicole Belloubet a d'ores et déjà rappelé que "l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules ne peut et ne doit, en aucun cas, conduire à autoriser la GPA au nom du principe de non-discrimination".
"Personne n'a ici proposé un amendement légalisant la GPA", a souligné le sénateur socialiste Jacques Bigot.
En commission, les sénateurs sont allés parfois un peu plus loin que l'Assemblée. Ils ont autorisé, sous conditions, des tests génétiques à visée généalogique, ou encore élargi, à titre expérimental et de manière strictement encadrée, l'utilisation du diagnostic préimplantatoire aux anomalies chromosomiques.
Le gouvernement est opposé à ces deux dispositions.
"Le généticien ne doit pas se substituer à la pythie grecque qu'on interroge pour connaître son avenir", a mis en garde Mme Buzyn.
Le vote de la motion de censure n’a pas seulement fait tomber le gouvernement Barnier. Il empêche l’adoption de nombreux dispositifs, notamment toutes les mesures d’aides. Les agriculteurs et la Nouvelle Calédonie en font les frais, comme l’indexation de l’impôt sur le revenu. Il faudra attendre un nouveau budget, en début d’année, pour y remédier.
Dans le contexte du procès des assistants parlementaires du FN, Jordan Bardella se voit refuser la reconduction de François Paradol, son directeur de cabinet, comme assistant parlementaire local. « Le Parlement européen est devenu plus regardant sur les activités du RN », indique Olivier Costa, spécialiste de l’Union européenne.
Invité de la matinale de Public Sénat, Mathieu Darnaud, président du groupe Les Républicains au Sénat, a répété ce jeudi que son parti ne participerait pas à « un gouvernement dont le Premier ministre serait de gauche et porterait le programme du Nouveau Front populaire ». Le responsable pointe « l’irresponsabilité » des forces politiques qui ont voté la censure.
Après avoir été présenté en conseil des ministres ce mercredi 11 décembre, le projet de loi spéciale sera examiné à l’Assemblée nationale à partir du 16 décembre et au Sénat en milieu de semaine prochaine. Cet après-midi, les ministres démissionnaires de l’Economie et du budget ont été entendus à ce sujet par les sénateurs. « La Constitution prévoit des formules pour enjamber la fin d’année », s’est réjoui le président de la commission des Finances du Palais du Luxembourg à la sortie de l’audition.