Projet de loi contre le séparatisme : Philippe Bas veut éviter les « dommages collatéraux » sur les libertés publiques

Projet de loi contre le séparatisme : Philippe Bas veut éviter les « dommages collatéraux » sur les libertés publiques

Alors que le gouvernement a présenté son projet de loi visant à « conforter les principes républicains » – « une loi d’émancipation face au fondamentalisme religieux », selon le Premier ministre – le sénateur LR Philippe Bas estime que les parlementaires devront « mesurer bien les choses ». « Il ne faut pas quand même qu’il y ait pour nos libertés trop de dommages collatéraux », met-il en garde.
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La présentation était solennelle à l’issue du Conseil des ministres. Le Premier ministre était entouré de quatre autres membres du gouvernement pour présenter le contenu et l’esprit de son projet de loi visant à « conforter les principes républicains ». Un vaste texte (relire notre article) qui traduit, selon lui, le discours du chef de l’Etat prononcé aux Mureaux début octobre, et qui donne à l’Etat de « nouveaux moyens d’action », afin de renforcer la laïcité et garantir la laïcité dans les services publics, ou encore de lutter contre les dérives religieuses radicales ou communautaires.

« La République entend se défendre », a expliqué Jean Castex, lors d’un point presse, expliquant que les dispositions du texte ne s’inscrivent pas « contre les religions ». Car il est « important de nommer les choses », a souligné le Premier ministre en rappelant les mots d’Emmanuel Macron, le projet de loi vise « l’idéologie pernicieuse portant le nom d’islamisme radical ». « Ce projet de loi n’est pas un texte contre les religions, ni contre la religion musulmane en particulier. C’est à l’inverse, une loi de liberté, c’est une loi de protection, c’est une loi d’émancipation face au fondamentalisme religieux ».

Lors des questions au gouvernement organisées au Sénat dans la foulée, le chef du gouvernement a eu l’occasion de repréciser sa lecture. « Notre conception de l’unité de la République est faite à la fois d’intransigeance et de grande fermeté », a-t-il expliqué devant la haute assemblée.

« Clarification du régime des cultes », renforcement des moyens d’action des préfets, mécanisme de suspension d’association en cas de propagation d’un discours de haine, nouvelles qualifications dans le Code pénal pour lutter contre les intimidations ou la haine en ligne, neutralité étendue aux délégations de service public ou encore lutte contre l’éducation clandestine : le projet de loi brosse un panel large de mesures. Le ministre Gérald Darmanin a estimé qu’il s’agissait notamment du « moment le plus important » dans le renforcement de l’esprit de la loi de 1905, sur la laïcité, ou encore que le texte allait « pacifier les esprits », comme il l'a souligné aux questions au gouvernement du Sénat.

« Les questions qu’on peut se poser, elles ont trait aux interférences entre ce texte et de grandes libertés fondamentales »

Au Sénat, chambre qui sera saisie sur ce texte l’an prochain, après l’examen à l’Assemblée nationale, le sénateur LR Philippe Bas a salué des « dispositions utiles » dans le projet de loi. Le débat devrait, selon lui, se concentrer autour de deux lignes directrices : la volonté de parvenir à un texte « opérationnel » mais aussi la préservation de l’équilibre pour les libertés publiques. « Les questions qu’on peut se poser, elles ont trait aux interférences entre ce texte et de grandes libertés fondamentales – liberté religieuse, liberté d’association, liberté d’enseignement – qui doivent, bien sûr prendre en compte ce phénomène de l’islamisme radical qu’il nous faut combattre, mais enfin, il ne faut pas qu’il y ait quand même pour nos libertés trop de dommages collatéraux », a-t-il averti.

« Le Conseil d’Etat a relevé lui-même que dans un certain nombre de cas, on allait prendre des règles […] qui vont toucher toutes les associations, toutes les religions de France, alors que la société française a trouvé de bons équilibres dans ce domaine », a-t-il ajouté. En clair, les sénateurs, « très attachés à aux libertés comme à la lutte contre l’islamisme radical », devront bien « mesurer les choses ». Le sénateur LR souhaite également être « exigeant » sur l’efficacité du texte. « Il ne s’agit pas de légiférer en apesanteur », a-t-il prévenu.

L’ancien président de la commission des lois regrette toujours que sa proposition de loi constitutionnelle, qu’il a cosignée, ne fasse pas l’objet d’un débat, après son adoption au Sénat. « Nous demandons un référendum sur ce principe », a-t-il rappelé. Le texte prévoit de modifier la Constitution afin que « nul ne [puisse] se prévaloir de ses croyances pour s’exonérer de la règle commune ».

Alors qu’un « Beauvau de la sécurité » se profile, son collègue LR Marc-Philippe Daubresse estime que « le navire gouvernemental navigue à vue » sur les sujets sécuritaires, avec de nombreuses initiatives qui « se télescopent », le projet de loi présenté ce matin se rajoutant à la proposition de la loi relative à la sécurité globale.

Le sénateur PS Jean-Yves Leconte déçu par le volet intégration

A gauche, le sénateur Jean-Yves Leconte a reproché que le texte s’appuie davantage sur une « jambe répressive ». « Il n’y a rien de concret sur la lutte contre les discriminations. Je ne suis pas sûr que l’on défende la liberté en ne faisant que de la répression », a-t-il dénoncé.

Dans son discours, le Premier ministre a précisé que le projet de loi du jour s’inscrivait « dans une stratégie d’ensemble » et « allait de pair avec une action déterminée et structurelle pour que la promesse républicaine d’émancipation et d’égalité des chances soit une réalité pour tous ». Il a par exemple indiqué que le gouvernement allait travailler sur une meilleure répartition des logements sociaux dans le pays. La proposition d’un recours aux ordonnances pour adapter la loi SRU a fait bondir des sénatrices de toutes tendances la veille au Sénat, à la commission des affaires économiques.

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