Le projet de loi sur les dispositions urgentes liées aux conséquences du Covid-19, examiné le 6 mai dernier en Conseil des ministres, arrive à l’Assemblée cette semaine puis au Sénat la semaine prochaine ( en commission puis en séance le 26 mai prochain.)
« Une fois de plus les délais sont très courts » regrette François-Noël Buffet, vice-président de la commission des Lois au Sénat. « Le contexte a beau être exceptionnel on ne peut pas tout justifier par l’urgence ! Lors de la dernière loi, nous avons reçu le projet le samedi après-midi et le lundi matin nous étions en commission. Sur la forme ça ne va pas ! »
Ce nouveau projet de loi comporte 36 mesures dans une grande variété de domaines. Son objectif? « Faire face à la crise majeure que la France traverse sur le plan sanitaire et à la gravité des conséquences de cette crise sur la vie du pays, par diverses mesures venant compléter celle déjà prises lors de la loi d’urgence du 23 mars 2020. »
Des propositions qui vont dans tous les sens
Le texte donne entre autres, la possibilité aux employeurs des fonctions publiques territoriales et hospitalières de mettre gratuitement à disposition leurs agents, pour qu’ils renforcent les établissements hospitaliers. Il prolonge la délégation aux régions de la gestion des programmes européens ou encore prend en compte le confinement dans la CDIsation au sein de la fonction publique.
Également dans la loi, le report de l’entrée en vigueur d’un certain nombre de réformes administratives. Notamment la réforme du divorce. En matière de justice, le texte habilite, par exemple, le gouvernement à « adapter sur plusieurs points la procédure de jugement des crimes » ou encore à « augmenter le nombre de départements dans lesquels est conduite l’expérimentation de la cour criminelle instituée par la loi de programmation et de réforme de la justice. »
Calcul des retraites
Le projet de loi vise aussi à permettre au gouvernement « d'apporter des adaptations, pour une durée n’excédant pas six mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire, aux dispositions relatives à l’activité partielle. » Le texte permettra la prise en compte des périodes de chômage partiel pour le calcul des retraites.
Des mesures sont également prévues pour prolonger des mandats électifs (hors mandats issus d’élections politiques), pour faire face aux difficultés de fonctionnement des juridictions et permettre la reprise de l’activité économique.
Enfin, le projet de loi contient également une ordonnance permettant de prolonger « les titres de séjour expirant entre le 16 mai et le 15 juin 2020 » et quatre autres habilitations sont destinées à faire face aux conséquences du Brexit .« C’est un catalogue fourre-tout de propositions diverses qui vont dans tous les sens » note Jean-Pierre Sueur, le vice-président socialiste de la commission des Lois au Sénat. Le sénateur s’interroge également sur le « caractère urgent » de ces mesures.
Le Parlement menacé par un abus d’ordonnances
Mais le plus inquiétant selon le vice-président de la commission des Lois au Sénat ce sont les 33 habilitations à légiférer par ordonnance qui figurent dans le texte.« On ne pourra pas constamment fonctionner avec ce type de texte qui collectionne les ordonnances. Elles sont certes indispensables mais leur utilisation excessive menace chaque fois un peu plus, le travail du Parlement. On ne peut pas mettre de côté la démocratie! » prévient Jean-Pierre Sueur.
Ce projet de loi est censé apporter « des mesures complémentaires » à la loi urgence qui vient d’être votée. Il y a forcément des adaptations nécessaires assure Patrick Kanner « mais posons-nous la question de leur utilité. Toutes ces mesures sont-elles destinées à rester en vigueur au-delà du 10 juillet, date de la fin de l’État d’urgence sanitaire? » s’interroge le président du groupe socialiste au Sénat.
Une des mesures du projet de loi a attiré son attention : la mise en place d’accords d’intéressement dans les entreprises de moins de 11 salariés qui ne disposent pas d’instances représentatives du personnel. Une mesure présente dans la loi d’urgence sanitaire du 23 mars dernier qui n’a pas été votée. « Ce nouveau texte ne doit pas permettre au gouvernement de reprendre la main et de vouloir faire passer des mesures qui ont été rejetées auparavant par le Parlement. Cela me laisse perplexe.»