Projet de loi pour la confiance dans la justice : 10 modifications adoptées par le Sénat

Projet de loi pour la confiance dans la justice : 10 modifications adoptées par le Sénat

Le projet de loi « pour la confiance dans l’institution judiciaire » a été voté à la Haute assemblée dans la nuit du 29 au 30 septembre. Public Sénat vous présente dix points sur lequel le texte a évolué en séance.
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Deux jours auront suffi au Sénat pour venir à bout de l’examen des plus de 200 amendements déposés sur le projet de loi « pour la confiance dans l’institution judiciaire ». Les sénateurs ont adopté dans la nuit du 29 au 30 septembre le texte porté par Éric Dupond-Moretti, qui aborde une variété de sujets dont la procédure pénale ou encore l’application des peines. 250 voix ont soutenu le projet de loi, 91 sénateurs ont voté contre. Seules les voix des groupes de gauche (socialistes, communistes et écologistes) ont manqué au texte. Le groupe LR s’est montré en revanche « satisfait » par la copie, telle qu’elle a été amendée. Voici dix exemples de dispositions qui ont évolué au cours de la lecture sénatoriale.

  1. Le Sénat a décidé d’étendre aux délits de fraude fiscale, corruption, trafic d’influence et de blanchiment de ces délits, la possibilité de mener une enquête préliminaire pendant trois ans, éventuellement prolongées de deux ans. Des affaires qui, par leur complexité, nécessitent plus de temps, selon eux. Le projet de loi limite à deux ans (éventuellement prolongés d’un an supplémentaire) la durée des enquêtes préliminaires, qui n’en avaient pas jusque-là. Le garde des Sceaux s’est opposé à ces dérogations, hormis pour le cas de corruption internationale.
     
  2. Dans la même logique, les sénateurs ont décidé que le secret professionnel du conseil ne pourra pas faire obstacle aux investigations dans un cabinet d’avocat dans le cadre des enquêtes en matière de fraude fiscale, de corruption ou de blanchiment de ces délits. Ce point a été combattu par une partie de la majorité sénatoriale, et dénoncé par le conseil national des barreaux. Le garde des Sceaux espère un « compromis » entre les deux assemblées dans le cadre de la commission mixte paritaire.
     
  3. Le projet de loi proposait initialement de généraliser les cours criminelles départementales (sans jurys populaires) déjà installées dans quelques départements au 1er janvier, sans même attendre la fin de l’expérimentation, prévue pour mai. Relevant un manque de retour sur expérience, le Sénat a souhaité prolonger l’expérimentation jusqu’à l’hiver 2022-2023, contre l’avis du gouvernement.
     
  4. Autre temps fort de la discussion au Sénat : l’avertissement pénal probatoire. Les sénateurs ont accepté la solution introduite par le gouvernement au Sénat pour prendre le relais du rappel à la loi, cette alternative aux poursuites, supprimée à l’Assemblée nationale. Cette nouvelle disposition consistera toujours à rappeler à l’auteur d’une infraction les obligations de la loi et les peines encourues. S’il commet une nouvelle infraction dans un délai de trois ans, la justice pourra engager des poursuites. Le gouvernement souhait une période probatoire d’un an seulement.
     
  5. S’agissant des libérations sous contrainte des condamnés, les sénateurs ont souhaité donner la possibilité au juge d’application des peines de s’y opposer « si le risque de récidive paraît avéré au vu de sa personnalité ». Le projet de loi prévoit, rappelons-le, que les condamnés, exécutant une peine de prison d’une durée jusqu’à deux ans, bénéficient de plein droit d’une libération sous contrainte trois mois avant la fin de leur peine.
     
  6. Le Sénat a supprimé l’article 8 du projet de loi qui prévoyait d’expérimenter la désignation d’avocats honoraires comme assesseurs des cours d’assises et des cours criminelles départementales. La commission des lois a souligné que la mesure ne faisait pas consensus chez les acteurs de la justice.
     
  7. Autre article supprimé : les dispositions relatives à la présence de l’avocat lors de la perquisition. Les sénateurs ont considéré « opportun de ne pas alourdir les modalités d’enquête alors qu’il existe déjà des garanties en cas d’audition ».
     
  8. Les sénateurs ont adopté en séance un amendement du gouvernement, rendant possible l’expression d’une partie, d’un témoin ou d’un expert par visio-conférence, dans une audience en matière civile. « La souplesse offerte par ce dispositif mérite d’être pérennisée », a souligné la Chancellerie, après l’expérience vécue durant la crise sanitaire en 2020.
     
  9. L’article 1, ouvrant la voie à l’enregistrement sonore ou visuel des procès en vue de leur diffusion, pour éclairer les Français sur le fonctionnement de la justice, a également été adopté au Sénat. Les sénateurs ont précisé dans le texte la notion « d’intérêt public » qui doit motiver l’autorisation des autorités juridictionnelles. Parmi les autres garanties apportées, le délai de rétraction des personnes, qui ont donné leur accord à la diffusion de leur image, commencera à la fin d’une audience, et non au début.
     
  10. Une modification très symbolique est aussi à relever. Les sénateurs ont adopté l’amendement du gouvernement qui élargit les possibilités de saisines de la Cour de révision. L’amendement prévoit de « porter la mention de torture dans la procédure de révision des condamnations pénales ». Seules les procédures anciennes seraient concernées, la garde à vue ayant été réglementée en 1960. Cette disposition devrait permettre de réhabiliter Raymond Mis et Gabriel Thiennot. Ces deux hommes avaient été condamnés dans les années 50 pour le meurtre d’un garde-chasse en 1946. Ils étaient passés aux aveux avant de se rétracter et de clamer leur innocence. Ils affirmaient avoir été obligés de signer des aveux en garde à vue sous la torture.
     

Le projet de loi va maintenant faire l’objet d’une commission mixte paritaire (sept députés et sept sénateurs) entre les deux assemblées.

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