Agnès Buzyn sait probablement qu’elle n’est pas face à une chambre du Parlement qui lui est acquise. Dès la première loi de financement de la Sécurité sociale, en novembre 2017, elle avait été prise à partie dans l’hémicycle sur la délicate question des déserts médicaux (relire notre article). Face aux sénateurs, en prélude de l’examen du projet de loi réorganisant le système de santé, la ministre est venue faire part de sa « détermination », mais aussi de son « humilité ». Après six mois d’une crise sociale et de deux mois et demi du grand débat national, Agnès Buzyn assure, devant les sénateurs, avoir entendu la crainte d’une partie de la population qui se sent laissée pour compte. « Je mesure pleinement les attentes sur vos territoires et l’exigence de cet hémicycle pour répondre aux inquiétudes des citoyens et des élus ».
La discussion générale, ouvrant quatre journées d’examen du texte, est l’occasion pour la ministre de rassurer les représentants des collectivités territoriales, sur ce que seront demain les hôpitaux de proximité. Ils sont environ 250 environ actuellement, ils seront bientôt 500. D’autres établissements vont entrer dans cette classification, qui regroupe des soins de base. Agnès Buzyn les veut « mieux adaptés aux soins du quotidien » et « ouverts sur la ville » (les praticiens libéraux) et sur le « médico-social » (les EHPAD notamment). « Il n’y a pas de carte hospitalière cachée », martèle la ministre, alors que l’inquiétude s’élève parmi les usagers et les élus locaux sur le futur maillage territorial.
Le financement sera abordé à l’automne
Les missions de ces hôpitaux de proximité – une « chance pour nos territoires », selon les mots de la ministre – seront inscrites dans la loi, mais leur organisation et leur fonctionnement sont renvoyés à des ordonnances rédigées par le gouvernement. Quant au financement – le grand absent, de l’avis des oppositions – il faudra attendre l’automne, et les débats sur le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Sans préciser s’il s’agira de moyens nouveaux ou non, la ministre a formulé une promesse. « Nous allons y investir des moyens financiers importants et avec la gradation des soins et les consultations avancées, nous assurerons à tous nos concitoyens des soins de qualité en proximité. »
Appelant les professionnels de la santé à mieux travailler ensemble, en se « décloisonnant », la ministre appelle à faire de même entre les décideurs. « La politique que nous conduisons dans le champ de la santé ne peut se faire sans nouer une relation de confiance durable avec les élus », affirme-t-elle. Et d’ajouter : « il ne faut pas de décision imposée d’en haut ».
Dans son intervention, la locataire de l’avenue de Ségur a également insisté sur le développement du numérique et de la numérisation (avec le dossier médical partagé par exemple) pour la santé du futur. « Il faut redonner à la France les moyens d’être en pointe sur ces sujets », a-t-elle argumenté. La mesure emblématique du texte – la fin du numerus clausus pour la première année de médecine en vigueur depuis 1971 – est aussi rappelée dans le discours. L'objectif est de former 20 % de médecins en plus d’ici 10 ans. La transformation du système de santé ne passera pas seulement par ce projet de loi : le gouvernement a également promis le déploiement de 400 médecins généralistes dans des zones sous-dotées, ou encore le recrutement d’assistants médicaux, pour soulager les médecins dans leur emploi du temps.
Projet de loi Santé : Agnès Buzyn présente son texte au Sénat
Projet de loi Santé - discussion générale : l'intervention d'Agnès Buzyn en intégralité