Projet de loi santé : les internes envoyés dans les déserts médicaux, les syndicats furieux
Un amendement au projet de loi santé, adopté par la plupart des sénateurs, des socialistes à la droite en passant par la République en marche, fait de la dernière année des études de médecine (l’internat) une année de pratique « en autonomie » en dehors de l’hôpital. Prioritairement dans les zones sous-denses. Le gouvernement s’y est opposé et plusieurs syndicats voient rouge.

Projet de loi santé : les internes envoyés dans les déserts médicaux, les syndicats furieux

Un amendement au projet de loi santé, adopté par la plupart des sénateurs, des socialistes à la droite en passant par la République en marche, fait de la dernière année des études de médecine (l’internat) une année de pratique « en autonomie » en dehors de l’hôpital. Prioritairement dans les zones sous-denses. Le gouvernement s’y est opposé et plusieurs syndicats voient rouge.
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La Haute assemblée est vite rentrée dans le dur de l’examen du projet de loi réorganisant le système de santé. Dans l’article 2, qui organise une refonte des études de médecine, le Sénat a ajouté une disposition, accueillie par une levée de boucliers chez plusieurs syndicats médicaux.

Les sénateurs ont adopté, avec une large majorité (311 pour, 156 contre) un amendement, défendu par une grande partie du groupe LR, transformant la dernière année du troisième cycle des études de médecine générale en une année professionnalisante hors hôpital, « en priorité » dans les zones sous-dotées. 3.500 étudiants sont concernés. L’amendement précise que des étudiants d’autres spécialités pourraient être concernés par la mesure : un décret gouvernemental devra arrêter la liste.

Au cours de cette année de « pratique ambulatoire (en dehors de l’hôpital) en autonomie », les étudiants seraient à la disposition des hôpitaux de proximité pour intervenir dans des secteurs où une carence de soins « de premier recours » est constatée, par un maire, l’Ordre des médecins ou les communautés professionnelles. Les sénateurs signataires de l’amendement, estiment que leur idée est une solution valable, contrairement à des mesures de type conventionnement sélectif avec l’Assurance maladie pourrait « décourager des vocations » ou des mécanismes de régulation, qui « ont fait preuve de leur inefficacité partout où ils ont été mis en œuvre » en Europe.

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« Un accord transpartisan »

Les Républicains n’ont pas été les seuls à soutenir cette mesure, les socialistes et le groupes Les Indépendants-République et territoires ont également défendu des propositions identiques. À l’exception des sénateurs communistes, et de l’abstention d’une grosse moitié du groupe RDSE (groupe à majorité radicale) tous les groupes ont voté en faveur des amendements, y-compris le groupe de la République en marche. « Faire en sorte que la dernière année du troisième cycle soit une année de professionnalisation n'a rien de scabreux […] Ouvrons cette porte, sans quoi il nous faudra aller vers des mesures coercitives », a encouragé le sénateur LREM Michel Amiel.

Le rapporteur du texte, Alain Milon (LR), a salué « un accord transpartisan » sur ces amendements. « C'est un honneur pour le Sénat que d'avoir su se mettre d'accord sur un texte aussi important pour l'avenir de la médecine en France. »

Agnès Buzyn veut « rendre les territoires attractifs plutôt que de les imposer aux étudiants »

La ministre Agnès Buzyn s’est montrée défavorable à la proposition sénatoriale, estimant qu’elle « reviendrait à imposer », dans la dernière année, « un modèle de quasi-exercice ». « L'obligation de stage en ambulatoire n'est pas souhaitable compte tenu des ressources », a-t-elle avancé, ajoutant que « toute obligation en matière » posait « problème » et qu’il fallait « rendre les territoires attractifs plutôt que de les imposer aux étudiants ». La ministre s’est en outre déclarée en faveur d’une « autonomie supervisée par un généraliste ».

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L’amendement a été vivement critiqué par la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). La première centrale pluri-catégorielle du monde médical a qualifié cette mesure de « grave erreur », qui « ampute » le temps dédié à la formation en 3e cycle, et qui, de fait, « revient à proposer aux patients des zones dites sous-denses des médecins insuffisamment et incomplètement formés ». Le président de la confédération, le docteur Jean-Paul Ortiz, signale que les futurs médecins ne « peuvent pas être lâchés dans la nature sans une formation complète ».

Le Sénat « marche sur la tête », selon une intersyndicale d’étudiants en médecine

Même indignation du côté des futurs médecins. Une intersyndicale d’internes use de mots plus forts, en reprochant au Sénat de « marcher sur la tête ». Ils affirment que laisser des étudiants en totale autonomie est une disposition « ubuesque ».

Le sénateur Daniel Chasseing (Les Indépendants) a assuré lors de séance que les étudiants ne seraient « pas lâchés seuls dans la campagne ». « Il n'y a aucune coercition ou obligation dans ces amendements. Médecin adjoint, l'étudiant en dernière année de troisième cycle sera épaulé par le maître de stage, l'hôpital ou le CHU », a-t-il déclaré dans l’hémicycle.

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Les craintes sur un troisième cycle « amputé » ont été abordées en séance. « L’amendement s'appuie sur la directive européenne qui porte le troisième cycle à quatre ans : nous ne retirons donc rien à personne en prévoyant que cette dernière année se déroule sur le terrain », a fait valoir, lundi soir, le président de la commission des Affaires sociales, Alain Milon. Agnès Buzyn a démenti le lendemain l'existence d'une telle directive.

Comme Alain Milon, d’autres médecins de métier ont d’ailleurs mis en avant leur propre expérience. « Lorsque nous avons été formés - en sept ans, à l'époque - nous faisions des remplacements, livrés à nous-mêmes par définition, et cela se passait très bien », a argumenté le sénateur LR René-Paul Savary, médecin lui aussi. Actuellement, à la fin du 3e cycle, les étudiants en médecine compte neuf années de formation à leur actif.

Pas de quoi convaincre la ministre de l’Enseignement supérieur. « Actuellement, la formation [du 3e cycle, NDLR] est bien de trois ans », a rétorqué Frédérique Vidal. Avant d’ajouter, face aux protestations : « Quel message adressez-vous aux habitants ? Que la bonne solution est de leur envoyer des jeunes médecins dont la formation a été amputée d'un an ! »

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