Projet de loi sur la sortie de la crise sanitaire : « Il faut qu’on ait un retour au droit classique »
Les sénateurs Loïc Hervé (Union centriste) et Jérôme Durain (Parti socialiste) font part de leurs doutes, voire de leurs inquiétudes, alors que le gouvernement envisage un état d’urgence sanitaire allégé pour encore cinq mois supplémentaires.
Par Guillaume Jacquot, avec Steve Jourdin
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Dans un peu moins d’un mois, le Sénat débattra pour la huitième fois depuis mars 2020 d’un projet de loi relatif à l’état d’urgence sanitaire ou à l’un de ses dérivés. Ce 21 avril, le contenu du projet de loi sur la sortie de l’état d’urgence sanitaire a été dévoilé par plusieurs médias (lire notre article). Avec ce régime transitoire, similaire à celui qu’avait connu la France de juillet à octobre 2020, le gouvernement veut encore se donner des pouvoirs exceptionnels pour ralentir une nouvelle progression de l’épidémie de covid-19, entre le 2 juin et le 31 octobre. Par décret, le Premier ministre pourrait restreindre les déplacements et décider de la fermeture de certains établissements recevant du public.
Certains sénateurs voient d’un mauvais œil la prolongation, pour une durée de cinq mois, d’outils exceptionnels pour juguler l’épidémie en cas de résurgence ou de menace grave. « Jusque quand cela va durer ? Cette période exorbitante du droit commun commence à être très longue… Pourquoi aussi si long alors qu’on approche semble-t-il de la fin de la crise sanitaire ? », s’interroge le socialiste Jérôme Durain. Le parlementaire membre de la commission des lois y voit une « contradiction » avec la volonté d’Emmanuel Macron de déconfiner le pays. « Pourquoi dans cette période de sortie de crise, il faut continuer d’accorder autant de privilèges au gouvernement, pourquoi on allonge le dispositif alors qu’on s’approche de la fin de crise ? », enchaîne Jérôme Durain.
Son collègue centriste Loïc Hervé n’est pas plus emballé à cette forme d’accoutumance à ces dispositions très dures sur le plan des libertés. « C’est la sortie de l’état d’urgence qui est une urgence. Maintenant, il faut qu’on arrive à retrouver le plus vite possible une vie la plus normale possible. Malheureusement le virus sous ses différentes formes circule toujours et il y a un certain nombre de mesures qui doivent être maintenues », accueille avec lassitude le sénateur. « Je suis très vigilant à ce qu’on ne mette pas dans le droit commun un certain nombre de mesures de l’état d’urgence […] Il faut qu’on ait un retour à la vie normale et un retour au droit classique et que la préservation des libertés publiques soit toujours notre priorité. »
Pass sanitaire : « Est-ce que ces outils sont légitimes ? »
Ce nouveau projet de loi de sortie de l’état d’urgence sanitaire se distingue sur un point notable, par rapport à la précédente loi du 9 juillet 2020. Les vaccins sont arrivés en France depuis. Et dans une perspective du retour des voyages, le gouvernement veut pouvoir imposer aux voyageurs entrant ou sortant de France, par ce texte, l’obligation de présenter un test négatif, une preuve de vaccination ou d’une infection passée au coronavirus. Il s’agirait d’une base législative pour un pass sanitaire, destiné à faciliter les déplacements transnationaux.
Loïc Hervé ne se dit pas contre, par principe, à ce genre de document dématérialisé, uniquement dans le cas de contrôles frontaliers ou aéroportuaires. Mais il craint des dérives. « Cela m’inquiéterait si on donnait l’autorisation aux patrons de bar ou de restaurant, ou aux directeurs de théâtres ou de cinéma, ou si on leur imposait de procéder à ce type de contrôle avant les personnes ne pénètrent dans leurs établissements. »
Jérôme Durain y voit l’un des points majeurs des débats sur le projet de loi. « On est passé à TousAntiCovid dans le silence presque total. Le pass sanitaire vient réactiver le débat : est-ce que ces outils sont légitimes ? La population en a marre de la situation et veut retrouver une vie normale. Pour autant, ce pass sanitaire relance des questions : quels périmètres pour ce pass et surtout périmètres géographiques ? »
Le vote de la motion de censure n’a pas seulement fait tomber le gouvernement Barnier. Il empêche l’adoption de nombreux dispositifs, notamment toutes les mesures d’aides. Les agriculteurs et la Nouvelle Calédonie en font les frais, comme l’indexation de l’impôt sur le revenu. Il faudra attendre un nouveau budget, en début d’année, pour y remédier.
Dans le contexte du procès des assistants parlementaires du FN, Jordan Bardella se voit refuser la reconduction de François Paradol, son directeur de cabinet, comme assistant parlementaire local. « Le Parlement européen est devenu plus regardant sur les activités du RN », indique Olivier Costa, spécialiste de l’Union européenne.
Invité de la matinale de Public Sénat, Mathieu Darnaud, président du groupe Les Républicains au Sénat, a répété ce jeudi que son parti ne participerait pas à « un gouvernement dont le Premier ministre serait de gauche et porterait le programme du Nouveau Front populaire ». Le responsable pointe « l’irresponsabilité » des forces politiques qui ont voté la censure.
Après avoir été présenté en conseil des ministres ce mercredi 11 décembre, le projet de loi spéciale sera examiné à l’Assemblée nationale à partir du 16 décembre et au Sénat en milieu de semaine prochaine. Cet après-midi, les ministres démissionnaires de l’Economie et du budget ont été entendus à ce sujet par les sénateurs. « La Constitution prévoit des formules pour enjamber la fin d’année », s’est réjoui le président de la commission des Finances du Palais du Luxembourg à la sortie de l’audition.