Projet Hercule : « Ils changent le nom, un peu les tuyaux, mais c’est toujours la même volonté de démanteler une partie d’EDF », fustige Fabien Gay

Projet Hercule : « Ils changent le nom, un peu les tuyaux, mais c’est toujours la même volonté de démanteler une partie d’EDF », fustige Fabien Gay

Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a annoncé vendredi 21 avril l’abandon du nom du projet, mais pas sa finalité, qui vise à diviser en trois entités EDF.
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Par Jules Fresard

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Le projet « Hercule » n’aura finalement pas le temps d’arriver au bout de ses travaux. Dans un entretien accordé au quotidien Ouest-France, Bruno Le Maire a appelé à une nouvelle stratégie dans les négociations visant à réorganiser le géant de l’énergie EDF, colossal chantier démarré en 2018. « Oublions Hercule et construisons ensemble le grand EDF. Voilà le message que je porte aux organisations syndicales », a ainsi précisé le locataire de Bercy.

Une annonce qui intervient alors que ce même projet Hercule, nommé en référence au héros de la mythologie romaine, fils de Jupiter, faisait depuis son annonce en avril 2019 quasi l’unanimité contre lui, autant de la part des organisations syndicales que des personnalités politiques de gauche comme de droite. À terme, il prévoit de réorganiser en profondeur EDF, en divisant l’entreprise en trois entités distinctes. En premier lieu, EDF bleu, entièrement public et consacré aux activités nucléaires du groupe. EDF vert serait lui dévolu à la vente d’électricité, aux énergies renouvelables et à la distribution via le réseau Enedis, ouvert à hauteur de 30 % aux capitaux privés. Et enfin EDF Azur, une entité publique séparée en charge des barrages hydroélectriques.

Le projet avait réveillé de vieilles craintes, notamment de voir le fleuron national privatisé. Les sénateurs socialistes avaient ainsi en décembre 2020 initié un référendum d’initiative partagée, à l’image de celui relatif contre le projet de privatisation d’Aéroport de Paris. L’objectif annoncé, empêcher ce qu’ils estiment être comme le « démantèlement d’EDF ». Et le 13 janvier, un débat, demandé par le groupe communiste au Sénat avait eu lieu en présence de la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, autour du thème « Quel avenir pour l’entreprise EDF avec le projet Hercule ? ».

Des changements à la marge

Mais Bruno Le Maire l’a promis, « nous ne démantèlerons pas EDF », expliquant que le futur du projet dépendrait des propositions des syndicats. Dans un document de travail transmis à ces derniers le 12 avril, le ministère de l’Économie ne faisait déjà plus mention du terme Hercule, ni des trois couleurs choisies pour désigner ce qui aurait pu devenir les trois futures filiales, Bleu, Vert et Azur.

À la place, le gouvernement planche désormais sur une entité mère et deux filiales, tel que cela a été présenté aux syndicats dans le document de travail. La société principale se dénommerait désormais EDF SA, détenue à 100 % par l’État français et regroupant les activités nucléaires et thermiques du groupe, ainsi que les fonctions centrales. Cette société ne serait pas cotée en Bourse. Ce qui devait être EDF Azur deviendrait une filiale détenue à 100 % par EDF SA, en charge donc des activités hydroélectriques. Enfin, une deuxième filiale, qui serait contrôlée « très majoritairement » par EDF SA, serait en charge des activités renouvelables et du réseau de distribution. Bruno Le Maire se serait engagé auprès des syndicats à inscrire dans la loi une participation de l’État à hauteur de 75 % pour cette dernière.

Une situation qui fait dire à Fabien Gay, sénateur communiste de Seine-Saint-Denis, que les changements annoncés ne sont que minimes. « Ils changent le nom, un peu les tuyaux, mais au final, c’est toujours la même volonté de démanteler une partie d’EDF. Les syndicats sont reçus un par un, on leur présente une société mère, et deux filiales dont ils pourront choisir le nom. La belle affaire ! » ironise-t-il.

Pour le sénateur, le problème avec ce nouveau plan, comme avec ce qui était prévu initialement avec Hercule, est le statut des filiales, qui ne correspondrait pas avec les demandes de leur secteur d’activité. « On aurait l’hydroélectricité et le nucléaire complètement nationalisés, alors que c’est là que sont demandés les plus grands investissements, notamment avec le démantèlement annoncé de plusieurs réacteurs. Au contraire, la filière distribution, la plus lucrative avec une croissance annoncée à 3 milliards d’euros par an, serait en partie contrôlée par des actionnaires privés ».

« Ils vont trouver un autre nom. Ils peuvent l’appeler Ulysse ou Jupiter, le véritable problème, c’est la philosophie du projet » critique Fabien Gay. Bruno Le Maire s’est pourtant voulu rassurant dans son entretien à Ouest-France. Pour lui, la transformation d’EDF « doit aussi nous permettre de garantir des tarifs stables pour protéger les ménages français et les entreprises du prix de fluctuation des prix énergétiques ».

Bras de fer avec Bruxelles

L’État peut difficilement se passer de cette réforme, demandée de longue date par Bruxelles qui voit d’un mauvais œil la situation de quasi-monopole sur le marché d’EDF. Ainsi, l’Union Européenne exigerait que la production et la distribution d’électricité soit deux activités complètement étanches l’une de l’autre, demande notamment formulée par Margrethe Vestager, la commissaire européenne à la concurrence, avec qui Paris est en discussion. Exaucer une telle demande rendrait difficile d’assurer l’unité du groupe EDF, volonté pourtant affichée par le gouvernement.

Et l’achèvement d’un accord avec Bruxelles est également nécessaire pour la survie économique du groupe. L’exécutif espère qu’en répondant aux exigences de l’Union Européenne, il arrivera à vendre l’électricité française plus cher qu’elle ne l’est actuellement. Jusqu’à maintenant, les tarifs sont encadrés par l’Arenh, un dispositif obligeant EDF à vendre à un prix régulé sa production électrique réalisée dans ses centrales nucléaires.

Les nouvelles discussions entamées avec les syndicats au mois d’avril laissent prévoir la stratégie du gouvernement. Faire front commun afin de peser plus lourd dans les négociations. Bruno Le Maire l’a ainsi évoqué, avec Bruxelles, « nous avons des lignes rouges ». En ligne de mire, une direction des ressources humaines capables de s’occuper de l’ensemble des salariés du groupe.

Des négociations débouchant donc sur une situation où chaque acteur défend ses propres intérêts, rendant de plus en plus lointain l’objectif d’arriver à réformer EDF avant la présidentielle de 2022 et remettre à flot ce navire submergé par les dettes.

L’espoir pour le groupe pourrait cependant venir de là où ne l’attend actuellement pas, en Inde. EDF a annoncé ce vendredi matin qu’une étape cruciale avait été franchie, dans le projet de construction de ce qui serait la plus grande centrale nucléaire au monde, située à Jaitapur. En espérant cette fois-ci que les investissements étrangers du groupe, qui dans le passé « n’ont pas toujours été heureux et ont coûté une fortune » comme le rappelle Fabien Gay, ne portent pas encore plus préjudice à l’entreprise.

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