Propagande électorale : « Nous réfléchissons à une résiliation du marché d’Adrexo » déclare le ministère de l’Intérieur

Propagande électorale : « Nous réfléchissons à une résiliation du marché d’Adrexo » déclare le ministère de l’Intérieur

Pour sa deuxième audition de la journée, la commission d’enquête sur les dysfonctionnements dans la distribution de la propagande électorale lors des régionales recevait au Sénat Jean-Benoît Albertini. Le secrétaire général du ministère de l’Intérieur a notamment détaillé les raisons qui ont poussé l’État à choisir Adrexo pour réaliser une partie de la distribution, aujourd’hui pointée du doigt pour ses défaillances.
Public Sénat

Par Jules Fresard

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Véritable fiasco démocratique ou tempête dans un verre d’eau ? Après avoir auditionné Philippe Wahl, président de la Poste, c’était au tour de Jean-Benoît Albertini, secrétaire général du ministère de l’Intérieur, d’être entendu lundi 12 juillet par la commission d’enquête sénatoriale sur les dysfonctionnements observés durant les dernières élections régionales. Et selon lui, il est encore trop tôt pour se prononcer sur l’ampleur de la situation. Cet ancien préfet a en effet rappelé aux sénateurs présents, qu’à ce stade, faire un constat complet du nombre de Français n’ayant pas reçu le matériel de vote serait prématuré.

« Sur les volumes non distribués, nous n’avons pas aujourd’hui l’état final. Car ces données reposent sur les déclarations des prestataires. Nous interrogeons donc actuellement l’ensemble des préfectures pour évaluer la fiabilité des données déclaratives » a-t-il ainsi fait savoir. Une situation d’autant plus paradoxale qu’à l’origine, si l’État a décidé en décembre dernier d’accorder à Adrexo une partie du marché de distribution de la propagande électorale, c’était pour sa capacité à faire remonter au jour le jour l’état de la distribution.

Le modèle de La Poste jugé pas assez « souple »

C’est d’ailleurs sur cette question, de comprendre pourquoi l’État avait fait le choix d’une société comme Adrexo, spécialisé dans le courrier non adressé, pour une mission de distribution de matériel de vote, que les interventions des sénateurs se sont focalisées.

« Ce qui nous a intéressés chez Adrexo, ce sont les tournées dédiées spécifiquement pour la distribution de la propagande. Alors que La Poste se base sur ses tournées classiques, un modèle pas assez souple. Cette procédure de marché négocié, c’était une manière d’interpeller La Poste sur sa capacité à être un petit peu plus agile sur l’adaptation de son système de couverture du territoire » a ainsi déclaré Jean-Benoît Albertini. Tout en avançant que La Poste, durant les précédentes élections où elle était totalement en charge de la distribution, était trop lente à remonter les informations sur l’état de la distribution.

Une déclaration qui a vivement fait réagir le sénateur socialiste des Landes Éric Kerrouche. « On peut comprendre dans vos propos que vous avez utilisé Adrexo pour aiguillonner La Poste, avec le succès que l’on a constaté » a-t-il ironisé.

Car comme l’a rappelé le secrétaire général du ministère de l’Intérieur dans son propos introductif, Adrexo est « principalement responsable » des défaillances constatées au deuxième tour. Ce dernier a ainsi vu 17 millions de Français, dont 14 millions qui dépendaient d’Adrexo, privés de matériel électoral. Et sur les données du premier tour – Adrexo avance seulement 5 % de plis non distribués, un chiffre plus bas qu’à la normale – « ces évaluations, confrontées aux observations recueillies, posent des doutes intellectuels sur les données d’Adrexo, les états déclaratifs ne correspondant pas aux ressentis de terrain » a fait savoir Jean-Benoît Albertini.

Un recours massif à l’intérim qui interroge

Autre point sur lequel les sénateurs se sont interrogés, le fait que le ministère de l’Intérieur n’ait pas plus anticipé le recours massif à l’intérim auquel Adrexo a eu recours, avec des employés parfois décrits comme mal, voire pas formés.

Valérie Boyer, sénatrice LR, s’est ainsi dite « surprise qu’il n’y a pas d’éléments qui permettent de mesurer l’étendue de cette sous-traitance, et de connaître la réalité du personnel embauché par Adrexo ». Même son de cloche chez la communiste Cécile Cukierman, qui s’est étonnée que le ministère n’ait pas renforcé ses critères sur la formation de ces personnes, et « l’absence de contrôles » en la matière.

Jean-Benoît Albertini a défendu la position du ministère, avançant qu’Adrexo n’avait pas indiqué « le taux de sous-traitance » auquel la société aurait recours, mais uniquement si elle « recruterait des renforts » et « constituerait des équipes renforcées ». Tout en soulignant au passage que dans le cadre de la fonction publique, le recours à des intérimaires devient un « phénomène généralisé ».

Une explication qui ne vient cependant pas jouer en faveur de la société. « Oui, nous réfléchissons à une probable résiliation du marché Adrexo » a fait savoir Jean-Benoît Albertini.

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