Le Sénat

Proposition de loi cabinets de conseil : le Sénat revient sur plusieurs modifications des députés

Près de quatre mois après les débats à l’Assemblée nationale, la proposition de loi née de la commission d’enquête, sur les interventions des cabinets de conseil dans les politiques publiques, fait son retour au Sénat. En commission, les sénateurs ont restauré plusieurs dispositions phares de leur texte initial.
Guillaume Jacquot

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Retour à la case départ pour la proposition de loi sur l’encadrement des cabinets de conseils privés dans les politiques publiques. Près de quatre mois après les modifications apportées à l’Assemblée nationale, le texte est de retour au Sénat, où il était examiné ce 22 mai en commission des lois. Sur proposition de leur rapporteure Cécile Cukierman (communiste), les sénateurs ont adopté une série d’amendements pour restaurer les grandes dispositions initiales de leur texte initial adopté à l’unanimité en octobre 2022. D’esprit transpartisan, le texte est la principale réponse du Sénat à un phénomène qualifié « phénomène tentaculaire », par sa commission d’enquête au début de l’année 2022.

Malgré des « avancées significatives », selon la commission, ces derniers mois pour mieux border le phénomène (circulaire Castex, renforcement des moyens de conseil en interne, meilleur suivi des dépenses), les sénateurs rappellent que la « nécessité » de légiférer sur le sujet « demeure ». Déplorant les réécritures « dans un sens souvent opposé au vote du Sénat », la chambre haute a rétabli un certain nombre de principes, tout en « tenant compte » de certaines modifications apportées à l’Assemblée nationale. L’essentiel étant de « garantir l’effectivité et l’opérationnalité de la proposition de loi », selon les membres de la commission des lois.

Refus d’étendre la proposition de loi aux collectivités locales

L’article 1er a été le premier à subir plusieurs retouches. Il concerne le périmètre d’application du texte. Les sénateurs ont réintégré dans le dispositif les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), tout en conservant le seuil de 60 millions d’euros de dépenses annuelles de fonctionnement, voulu par leurs collègues députés. La commission des lois a également réintégré davantage d’établissements de santé dans le giron de la proposition de loi, en abaissant le seuil de dépenses annuelles de 200 à 60 millions d’euros. Le texte pourrait donc s’appliquer à 116 établissements, et non plus 91 (sur les 1 350 que compte le pays) dans la version modifiée sur proposition du gouvernement.

Les sénateurs ont refusé d’étendre le périmètre de leur loi aux collectivités territoriales, poussé par le gouvernement et la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale. Lors des auditions préparatoires aux travaux pour la deuxième lecture, les associations d’élus locaux ont pris position contre leur intégration dans la proposition de loi. « L’enjeu du contrôle et de la transparence de l’usage des prestations de conseil par les collectivités territoriales n’est en effet pas aussi prégnant que pour l’État », a motivé la rapporteure.

Les pouvoirs de la HATVP à nouveau musclés

L’un des enjeux pour la commission a notamment été de rétablir les pouvoirs qui étaient prévus par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), pour réaliser son contrôle des obligations déontologiques des prestations de conseil. Les sénateurs ont en particulier rétabli le régime de sanctions administratives, présent le texte initial. Cet outil est considéré par la rapporteure comme « plus adapté » pour faire respecter les obligations. La version amendée a aussi rétabli une autre sanction, l’exclusion des marchés publics jusqu’à trois ans en cas de faute professionnelle grave.

Dans la version modifiée ce mardi, la HATVP pourra procéder à des contrôles sur place, dans les locaux de l’entreprise ou au domicile d’un consultant, sur autorisation du juge des libertés et de la détention.

Restauration des obligations pour les consultants intégrant l’administration

Le Sénat réajuste le texte aussi dans le volet concernant l’encadrement des allers-retours entre l’administration et les cabinets de conseil. Un article, qui avait été supprimé à l’Assemblée nationale, fait son retour : il prévoit une saisine systématique de la HATVP en cas de nomination d’une personne ayant travaillé dans le secteur du conseil privé lucratif à un emploi public. Le nouvel agent public devra par ailleurs rendre compte de son activité à la HATVP tous les six mois, durant les trois premières années de ses nouvelles fonctions.

Concernant les déclarations d’intérêts imposées aux consultants travaillant pour le compte de l’administration, la commission des lois du Sénat a choisi de recentrer le dispositif modifié par les députés, « dans un souci de proportionnalité ». Seuls les consultants qui ont des fonctions d’encadrement ou de supervision seront astreints à la déclaration, excluant de fait les consultants juniors.

En matière de transparence, les sénateurs ont également restauré l’obligation de préciser la participation d’un prestataire de conseil sur les documents qu’il a produits pour le compte d’une administration. La commission a aussi choisi de remettre l’obligation pour le gouvernement de publier en open data les données relatives au recours aux prestations de conseil. Entité jugée « utile », l’Agence de conseil interne récemment mise en place par le gouvernement ne figure plus dans la proposition de loi. Pour la rapporteure, il n’apparaît « pas nécessaire » de la consacrer au niveau législatif.

Examinée en séance le mardi 28 mai, elle devrait être adoptée avec une très large partie des voix, comme en première lecture. La vraie interrogation se niche dans la suite de la navette parlementaire et son inscription à l’agenda de l’Assemblée nationale. Plus d’un an s’était écoulé entre les débats au Sénat et à l’Assemblée nationale.

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