L’Hay Les Roses: nationwide action after rioters rammed a vehicle into the mayor’s  house injuring his wife and one of his children overnight

Protection des élus : François-Noël Buffet « appelle le gouvernement à soutenir » la proposition de loi sénatoriale

Alors que le domicile du maire de L’Haÿ-les-Roses a été attaqué, une proposition de loi de la majorité sénatoriale propose de renforcer les sanctions en cas de violence contre des maires. Son auteur, le sénateur LR François-Noël Buffet, est prêt à aller plus loin et à « compléter la PPL sur la responsabilité des parents d’un point de vue pénal ». Il évoque l’idée de « supprimer » les prestations sociales ou « un système de tutorat » sur les APL.
François Vignal

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Six nuits d’émeutes et un pays abasourdi. Les violences qui se répètent depuis la mort de Nahel, 17  ans, tué d’un tir de policier à Nanterre le 27 juin, sont en diminution. Mais un événement a placé la  gravité des actes un cran au-dessus ce week-end : l’attaque du domicile de Vincent Jeanbrun, maire de L’Haÿ-les-Roses, à coup de voiture bélier, pendant que sa femme et ses enfants étaient à l’intérieur, suscitant les dénonciations de toute la classe politique. Emmanuel Macron reçoit d’ailleurs 220 maires à l’Elysée ce mardi.

« On est dans un truc de fou »

« On a franchi un stade tel, qu’aujourd’hui, ça relève de la cour d’assises », constate François-Noël Buffet, président LR de la commission des lois du Sénat. « C’est d’une gravité absolue. On a vraiment atteint l’innommable », dénonce la sénatrice UDI Françoise Gatel, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales.

La sénatrice centriste d’Ille-et-Vilaine en vient à dire qu’« on est dans un truc de fou ». La situation n’est pas sans rappeler à Françoise Gatel un célèbre film de Stanley Kubrick, sorti en 1971 :

 Orange Mécanique m’avait glacé. L’existence des personnages, c’est l’ultraviolence gratuite. On écrase, on tue, on massacre. Aujourd’hui, quand je vois les émeutes, c’est on massacre, on pille, on crame. Ces jeunes existent grâce à ça, avec les réseaux sociaux. Vous êtes décérébrés, avec un effet de meute, de folie absolument dingue. 

Françoise Gatel, sénatrice UDI

Depuis la mort du maire de Signes, en 2019, le Sénat est actif sur le sujet de la protection des élus

Face à cette situation où gouvernement comme élus semblent en partie dépassés, que faire ? Depuis la mort du maire de Signes, en 2019, le Sénat est actif sur le sujet. On peut notamment citer la loi Delattre, du nom de la sénatrice de Gironde. Promulguée en janvier, la loi permet aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement au pénal une victime d’agression.

La majorité sénatoriale a aujourd’hui dans ses cartons une autre proposition de loi (PPL). Elle vise à renforcer « la sécurité des élus locaux et la protection des maires ». Cette PPL, dont François-Noël Buffet est l’auteur, est inscrite sur le bureau du Sénat depuis le 26 mai dernier. Elle est signée par trois présidents de groupe, Bruno Retailleau (LR), Hervé Marseille (UC) et Jean-Claude Requier (RDSE). Elle fait suite à la démission du maire de Saint-Brevin, dont déjà, le domicile avait été incendié.

Principale mesure du texte : renforcer les sanctions pénales sur les faits de violence contre des maires, qui seraient alignées sur les peines encourues en cas de violence sur une personne dépositaire de l’autorité publique. Soit 5 ans de prison de 75.000 euros d’amende, en cas d’incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours, voire 7 ans d’emprisonnement et 100.000 euros, pour les cas les plus graves (incapacité de travail supérieure à huit jours). La mesure avait en réalité déjà été introduite à l’initiative des sénateurs dans le projet de loi de programmation du ministère de l’Intérieur (Lopmi), avec l’accord du gouvernement, avant d’être censurée par le Conseil constitutionnel, estimant qu’il s’agissait d’un cavalier législatif.

« On n’a pas le droit de laisser impuni des qui gens qui agressent, c’est extrêmement grave », dénonce la sénatrice UDI Françoise Gatel

Le texte prévoit aussi qu’une injure publique commise à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique soit sanctionnée par une peine de travail d’intérêt général, avec une circonstance aggravante en cas de harcèlement contre un élu local, « notamment en ligne ». Les auteurs du texte veulent aussi améliorer la protection fonctionnelle des élus, soit les mesures de protection et d’assistance que l’administration apporte à tout élu victime de violences, menaces ou outrage dans l’exercice de ses fonctions. Le texte l’élargit aux élus des communautés de commune.

« Il faut une réponse extrêmement ferme et dissuasive, à l’égard de tous ceux qui s’attaquent à la République », soutient François-Noël Buffet, qui évoque aussi l’importance « de privilégier des relations particulières entre le monde judiciaire et le monde des élus ». Des élus qui « doivent être accompagnés par l’Etat. Ce sont deux partenaires indissociables, comme les deux doigts de la main. Le maire est un concitoyen qui s’engage pour servir, être utile. On n’a pas le droit de laisser impuni des qui gens qui agressent, c’est extrêmement grave », ajoute Françoise Gatel, seconde cosignataire de la proposition de loi.

« On va être obligé d’en arriver là, pour que la responsabilité des parents ne soit pas que civile et puisse potentiellement devenir une responsabilité pénale », soutient François-Noël Buffet

Mais cette proposition de loi sera-t-elle suffisante ? « Bien sûr que non, parce que le mal est profond », reconnaît François-Noël Buffet, « mais il faut que les gens sachent que s’attaquer à un élu, ça peut couter cher. Mais la PPL n’est pas la solution à tous les maux de la société. Nous avons des problèmes de respect des valeurs de la République, des problèmes d’éducation. On nous dit que 30% des gens dans la rue étaient des mineurs. Mais que font-ils dans la rue ? Que font les parents ? Où en sommes-nous de la responsabilité des familles ? » demande le président de la commission des lois.

Dans ces conditions, faut-il aller jusqu’à sanctionner les parents des mineurs fautifs ? La question a été évoquée par certains ces derniers jours, du gouvernement jusqu’au président du RN, Jordan Bardella. François-Noël Buffet est prêt à aller sur ce terrain. « Oui, à un moment, on va être obligés d’en arriver là, pour que la responsabilité des parents ne soit pas que civile et puisse potentiellement devenir une responsabilité pénale. Il faut y aller à un moment », soutient le sénateur LR du Rhône, qui ajoute :

 On peut parfaitement compléter la PPL sur la responsabilité des parents d’un point de vue pénal. 

François-Noël Buffet, sénateur LR

L’auteur de la proposition de loi évoque les « aides » que perçoivent les parents. « Peut-être que ces aides peuvent être supprimées ou consignées, ou mis sous la responsabilité de quelqu’un d’autre. Par exemple, sur les APL, on pourrait avoir un système de tutorat et vous ne touchez plus d’argent tant que vous n’aurez pas mis de l’ordre chez vous », imagine François-Noël Buffet. La réflexion va être encore peaufinée, mais ce sujet d’une sanction pour les parents pourrait faire l’objet d’un amendement à sa propre PPL.

« Il faut marquer le fait qu’à un moment, on dit stop, on arrête »

Si « ce n’est pas en sanctionnant, en punissant, uniquement, qu’on va corriger les choses », Françoise Gatel souligne de son côté qu’il faut « des réponses de fond, qui sont des réponses d’éducation. Qu’est ce qu’il se passe dans la tête d’un jeune qui va cramer un bus ? J’entendais un gamin qui disait « quand vous êtes en groupe, vous perdez votre cerveau ». La sénatrice UDI ajoute :

 Il faut qu’on se ressaisisse, qu’il y ait ce sursaut républicain, qui fait qu’on est allé au bout d’un système, qui est totalement déconstruit, comme dirait Madame Rousseau. Elle y participe largement. 

Françoise Gatel, sénatrice UDI

Selon la présidente de la délégation aux collectivités territoriales, « on n’ose pas dire les choses. Aujourd’hui, il y a une pensée dominante de l’excuse, de la culpabilisation, de la compréhension ». Mais pour François Gatel, « il faut marquer le fait qu’à un moment, on dit stop, on arrête. Sinon, on laissera la société se déliter totalement et un jour on se réveillera de façon totalement lugubre ».

Le socialiste Eric Kerrouche défend aussi « un renfort des sanctions applicables »

A gauche aussi on planche sur le sujet. Le sénateur PS Eric Kerrouche a déposé avec plusieurs sénateurs socialistes une proposition de loi visant à « démocratiser les fonctions électives et renforcer la protection des élus locaux ». Le texte porte avant tout sur le statut de l’élu, dans le but « d’élargir le cadre, en allant vers une professionnalisation », explique Eric Kerrouche. « Mais quand on réfléchit au statut de l’élu, il faut réfléchir aussi maintenant à la défense de l’élu », ne peut que constater le sénateur des Landes.

Ses propositions en termes de protection rejoignent les objectifs de la PPL de la droite, avec également « un renfort des sanctions applicables, comme lorsqu’elles sont commises contre des personnes dépositaires de l’autorité publique ». « On renforce également la protection fonctionnelle pour faire en sorte que ça concerne tous les élus locaux, dont les conseillers communautaires. Puis il y a le relèvement des délais de prescription pour le délit de diffamation et injure, de trois mois à un an, ce qui s’explique par rapport aux réseaux sociaux ». Eric Kerrouche ajoute :

 Il y a de plus en plus de maires qui se sentent mal dans leurs fonctions. C’est une réponse pour qu’il n’y ait pas de disparition, des refus de continuer la mission car les maires se sentent menacés. 

Eric Kerrouche, sénateur PS

Le texte « est programmé début octobre », selon François-Noël Buffet

Pour l’heure, la PPL Buffet « est programmée début octobre » au Sénat, selon son auteur. Il compte bien sur un appui de l’exécutif. En mai dernier, la première ministre Elisabeth Borne avait promis devant le Sénat des « mesures nouvelles » pour protéger les élus, après la démission de maire de Saint-Brevin.

« J’appelle le gouvernement à soutenir notre proposition de loi et à la nourrir s’il le faut. Je suis ouvert à toute discussion mais utilisons ce texte pour avancer vite. Et s’il faut la programmer la semaine prochaine, on y va », lance François-Noël Buffet. Reste que l’agenda parlementaire est déjà bien chargé et que la session se termine le 13 juillet au soir à la Haute assemblée. « Le gouvernement peut parfaitement décider que la session se prolonge huit jours de plus », soutient le sénateur LR du Rhône.

Souhaitant aussi que « que cette PPL soit examinée très rapidement », Françoise Gatel souligne que « ce n’est pas une PPL d’émotion mais de nécessité. Elle doit participer à l’éducation du sens civique », soutient la sénatrice UDI, alors « qu’on est aujourd’hui dans une course à l’horrible, au sensationnel avec des gamins qui pillent, qui brûlent des bus. On est dans un monde à l’envers, un monde de décérébrés ». Face à cela, « il faut se poser calmement, prendre les mesures d’urgence qui s’imposent et dire paisiblement qu’on affirme une volonté partagée d’une République, dans le respect de chacun, avec ce souci d’émancipation, mais où chacun a d’abord des devoirs avant d’avoir des droits ». Et où les pouvoirs publics se retrouvent contraints à protéger des maires de plus en plus exposés.

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