Protection des œuvres culturelles : « Un texte urgent, important et cohérent », pour Roselyne Bachelot
La commission de la culture du Sénat entendait mardi 13 avril Roselyne Bachelot, de retour au ministère après avoir contracté le covid fin mars. La ministre était interrogée ce mardi sur le projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique. Un texte qui reprend une partie des objectifs fixés l’année dernière par son prédécesseur Franck Riester, dans le projet de réforme de l’audiovisuel.
Par Fanny Conquy
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Après avoir contracté le covid fin mars et avoir été hospitalisée, Roselyne Bachelot est de retour au ministère de la Culture depuis hier. « Je suis toujours en convalescence, mais je suis aussi à la manœuvre pour gérer toutes les choses si importantes dans cette période sanitaire compliquée, mener les travaux qui vont permettre la réouverture des lieux culturels que nous attendons tous […] Je mène aussi toutes sortes de sujets en même temps, je pense par exemple au plan de relance, les crédits du patrimoine… »
Ce mardi, la locataire de la rue de Valois était auditionnée par les membres de la commission de la culture du Sénat sur le projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique. Un texte « urgent, important et cohérent » pour la ministre. « Urgent » tout d’abord, car il reprend « les dispositions du projet de loi initial les plus attendues par les secteurs concernés ». Un texte discuté à l’Assemblée nationale l’année dernière, mais dont le calendrier a dû être revu suite au déclenchement de la crise sanitaire.
Un texte « important » ensuite, car il apporte « des réponses concrètes à trois enjeux majeurs dans le domaine de la communication audiovisuelle : la protection des droits, ceux des d’auteurs, des producteurs, des diffuseurs, des fédérations sportives. L’organisation de notre régulation, qui doit être modernisée et rationalisée. Et la défense de l’accès du public aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles françaises dans un contexte où la demande n’a jamais été aussi forte ». Enfin, un texte « cohérent » car il permet de défendre la création, en luttant contre le piratage, et en protégeant le catalogue des œuvres.
La lutte contre le piratage
Roselyne Bachelot a d’abord dressé un constat : dans le contexte de crise que nous traversons, avec le confinement et la fermeture des lieux culturels, l’offre numérique est très sollicitée. Mais il ne s’agit pas d’une tendance nouvelle, c’est un phénomène apparu depuis une dizaine d’années déjà. Et face à la forte hausse de la demande de biens culturels numériques, s’est développée également une hausse des pratiques illicites. Il était donc temps de légiférer.
La cible de l’exécutif : les sites web qui violent les droits des créateurs. Le texte prévoit donc plusieurs outils : une liste noire des sites qui reposent sur la contrefaçon, la lutte contre les sites miroir (qui réapparaissent après fermeture d’un site interdit), et un dispositif de référé pour lutter contre le piratage sportif, avec des mesures adaptées à l’urgence des retransmissions en direct.
Création d’une nouvelle instance
Pour mieux réguler les contenus, le texte prévoit la fusion de l’actuel CSA et de l’HADOPI, pour créer une nouvelle instance : l’ARCOM, autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. Une autorité « plus armée et efficace », avec un collège recomposé, des missions élargies, un pouvoir de contrôle et d’enquête étendu afin de mieux réguler les communications sur internet, protéger les œuvres culturelles et veiller au respect des droits d’auteur et droits voisins.
Sur ce point le rapporteur du texte, le sénateur Jean-Raymond Hugonet, a souligné que certes une nouvelle instance était créée, mais dans le texte, « la réponse graduée n’évolue qu’à la marge. Beaucoup auraient souhaité étendre plus encore les pouvoirs du régulateur notamment par l’institution d’une transaction pénale établie par l’ARCOM pour éteindre l’action publique ».
De con côté, le sénateur socialiste David Assouline a rappelé qu’il avait déjà proposé en 2013 la fusion du CSA avec l’Hadopi. Le sénateur de Paris se dit très vigilant sur le budget qui sera alloué à cette nouvelle autorité : « Car si l’ARCOM a demain cette gigantesque tâche de régulation, pour être crédible et efficace, il lui faudra des moyens énormes, en tout cas plus importants que ce qui est prévu dans le budget. Donc soyons attentifs ». Le président du CSA Roch-Olivier Maistre, également auditionné cet après-midi par la commission de la culture, a lui aussi souligné le besoin de financement pour cette nouvelle instance.
Protection de l’accès à l’audiovisuel français
Il s’agit d’une nouveauté par rapport au texte initial. La ministre de la Culture l’a rappelé devant les sénateurs : « les catalogues des œuvres cinématographies et audiovisuelles constituent notre patrimoine, ils forgent notre identité culturelle ». Aujourd’hui, le public a la garantie d’avoir accès aux œuvres françaises car les producteurs ont une obligation de « recherche d’exploitation suivie » : on leur impose de conserver le support des œuvres en bon état, et de déployer les meilleurs efforts pour que l’œuvre soit exploitable en France et à l’étranger.
Mais il existe un risque de rachat de ces catalogues par des entreprises étrangères, ou des fonds d’investissement. Des opérations qui pourraient impliquer que les œuvres rachetées ne soient plus accessibles au public français : certaines œuvres pourraient en effet être retirées du marché pour en faire monter les prix. Il serait possible aussi, que seules les œuvres les plus rentables soient diffusées et les autres laissées en déshérence.
L’article 17 du projet de loi prévoit ainsi que le rachat d’œuvres françaises soit accompagné d’une obligation de recherche d’exploitation suivie, et que tout projet de cession d’œuvres soit déclaré six mois avant auprès du ministère de la Culture. « Six mois qui permettront de vérifier que l’acheteur a bien les garanties pour assurer une recherche d’exploitation suivie ». Sinon, cela pourrait lui être imposé.
Un projet de loi « moins ambitieux »
Les membres de la commission ont reconnu la nécessité du texte, tout en regrettant qu’il soit vidé d’une partie de sa substance. Plusieurs pans importants de l’audiovisuel ne sont en effet pas abordés, comme l’avenir de la TNT, ou encore le standard Ultra-haute Définition, comme l’a souligné le rapporteur du texte, le sénateur Jean-Raymond Hugonet. Pour Laurent Lafon, président de la commission de la culture « C’est un projet de loi moins ambitieux ».
Le sénateur David Assouline constate, que dans le texte initial : « il y avait une ambition qui était d’avoir une discussion globale sur le nouveau paysage audiovisuel, d’arrêter de mettre des pansements sur la loi de 86, et envisager dans sa globalité un environnement qui a été plus que révolutionné depuis… […] Nous n’aurons pas cette discussion globale… A chaque fois qu’un quinquennat commence, on dit qu’il faut une grande loi audiovisuelle et à la fin, on a une petite loi. Je le présageais… Là c’est une petite loi. »
Roselyne Bachelot a plaidé pour ce projet de loi que le gouvernement a volontairement voulu « resserré pour être examiné dans le peu de temps imparti, autour de mesures très attendues et cohérentes entre elles… » Certaines mesures du projet de loi initial sur l’audiovisuel n’ont en effet pas été reprises, comme la modernisation de la TNT ou l’Ultra haute définition… « Sur le fonds, le gouvernement est favorable à ce que contenait le texte initial ». Mais la ministre a cependant alerté face au risque que pourraient représenter des amendements sur ces sujets : ils pourraient être jugés irrecevables, et considérés comme des cavaliers législatifs par le conseil constitutionnel.
Culturebox
En fin d’audition, la ministre a également été questionnée sur quelques sujets annexes, et notamment sur l’avenir de la chaîne Culturebox. Chaîne éphémère lancée par France Télévisions le 1er février sur le canal 19 de la TNT, elle vise à soutenir le monde de la culture pendant la fermeture des lieux culturels. « Nous sommes en train d’analyser les choses. Effectivement, si la crise continue, je pense que la prolongation de Culturebox est une chose à envisager » a déclaré Roselyne Bachelot.
La réunion à l’Elysée n’a pas abouti sur un accord. Mais avec des lignes rouges qui peuvent paraître très éloignées, la sortie de crise semble encore lointaine. Un début de rapprochement émerge cependant sur la méthode, autour du non-recours au 49.3.
Depuis la chute de Bachar Al-Assad, certaines déclarations de responsables politiques conciliant avec le régime dictatorial refont surface. En octobre 2015 par exemple dans l’émission « Preuves par 3 » sur Public Sénat, Jean-Luc Mélenchon estimait que les bombardements russes et syriens faisaient partie d’une guerre nécessaire contre les rebelles.
Reçus par Emmanuel Macron ce mardi, avec d’autres formations politiques à l’exception de LFI et du RN, socialistes et écologistes se sont engagés, s’ils accèdent au pouvoir, à ne pas utiliser le 49.3 à condition que les oppositions renoncent à la motion de censure. « Ça a été repris par Horizons, par le MoDem », a assuré Olivier Faure, le Premier secrétaire du PS.
À la sortie d’une réunion avec les partis, hors LFI ou RN, le patron des députés de la Droite républicaine insiste à nouveau sur la nécessité d’aboutir à un accord de non-censure pour qu’un gouvernement survive. Il maintient sa ligne rouge : la droite ne veut ni ministres issus de la France insoumise, ni application du programme du Nouveau Front populaire.