Les sénateurs ont autorisé mercredi soir le gouvernement à fixer dans les ordonnances un barème obligatoire pour les dommages et intérêts versés aux prud’hommes dans le cas de licenciements sans cause réelle et sérieuse.
Ce référentiel obligatoire – il en existe actuellement un depuis 2016 qui est indicatif – ne s’appliquerait toutefois pas en cas de « faute de l’employeur d’une exceptionnelle gravité ». L’amendement proposé par le gouvernement a été adopté. « Se limiter aux seules situations de discrimination ou de harcèlement », comme le prévoyait le texte voté par l’Assemblée nationale, était « trop restrictif » du point de vue de l’exécutif.
« Approche profondément choquante de la justice »
Annie David : « Le gouvernement veut reconnaître un permis de licencier abusivement »
Le gouvernement « veut reconnaître un permis de licencier abusivement », dénonce Annie David (CRC)
La barémisation des indemnités prud’homales a rencontré l’opposition de sénateurs socialistes, communistes et écologistes. « Apprécier la situation particulière de salariés, et évaluer son préjudice en lieu et place d’un juge est une approche profondément choquante de la justice que je refuse de partager », a exposé la sénatrice communiste Annie David, qui ajoute que le gouvernement « veut reconnaître un permis de licencier abusivement, en connaissant à l’avance le coût du licenciement ». Sa collègue Laurence Cohen (CRC) dénonce un « véritable tapis rouge pour les employeurs ».
Plafond des indemnités prud'homales : "On marche sur la tête", déclare Laurence Cohen
Laurence Cohen (CRC) : « On marche sur la tête ! »
Yves Daudigny (PS) a lui déploré que, par cette disposition, « le gouvernement optait pour la ligne dure des syndicats patronaux ».
Cette barémisation est vue comme « un danger absolu » par Marie-Noëlle Lienemann (PS). « Le principe du droit en France, c’est l’individualisation de la peine ».
Barème des indemnités aux prud'hommes : "Un danger absolu" pour Marie-Noëlle Lienemann
« Frein à la création d’emplois »
Tout en rappelant que la vraie question était de fixer le niveau d’un montant plancher, et celui d’un plafond, Nicole Bricq (La République en marche) a assuré que « le juge continuerait à exercer son droit de regard et de décision ».
Prud'hommes : « Le juge continuerait à exercer son droit de regard et de décision », assure Nicole Bricq
Le président de la commission des Affaires sociales, Alain Milon, a défendu cette partie du champ d’habilitation des ordonnances en déclarant que ce référentiel était « très attendu par les employeurs ». La ministre du Travail Muriel Pénicaud a rappelé que « l’insécurité juridique » était l’un des « freins à la création d’emplois », notamment pour les petites entreprises et les investisseurs étrangers.
« Les dommages et intérêts sont particulièrement peu encadrés en France par rapport à d’autres pays », a-t-elle avancé, ajoutant que l’absence d’un référentiel ne donnait aucune « visibilité pour les entreprises » et entretenait un « sentiment d’iniquité pour les salariés ».
Ils ont également retiré la reconnaissance d’un droit à l’erreur pour l’employeur, qui aurait été autorisé à rectifier notamment des irrégularités dans la lettre de licenciement. Cette disposition avait été introduite par la commission des Affaires sociales.
Le délai de contestation d’un licenciement économique réduit de moitié
Ils ont par ailleurs adopté ce jeudi l’habilitation du gouvernement à prendre des mesures par ordonnance pour réduire les délais de recours en cas de rupture du contrat de travail, sans revenir sur la diminution de moitié du délai de contestation d’un licenciement pour motif économique, introduit en commission des Affaires sociales, contre l’avis du gouvernement.
« C’est une sanction supplémentaire, c’est la triple peine : le licenciement, le plafonnement des indemnités, et maintenant la nécessité de recourir dans les six mois alors que c’était un an », a dénoncé le sénateur socialiste Jean-Louis Tourenne.