Pas de consigne, mais un vote… qui pourrait faire la différence ? Si Unir, le courant de Boris Vallaud, troisième homme du congrès du PS, avec ses 17,41 % lors du vote sur les textes d’orientation (TO), n’a pas donné de consigne de vote à ses troupes, le président du groupe PS de l’Assemblée a donné son choix personnel : il votera « pour Olivier Faure », le premier secrétaire sortant, arrivé en tête, avec 42,21 %, contre 40,38 % pour le maire de Rouen, Nicolas Mayer Rossignol.
Son choix n’est « ni un chèque en blanc, ni une ardoise magique », a-t-il expliqué dimanche dans un entretien au Monde. Mais il « partage » avec le numéro 1 du PS « la ligne d’union de la gauche » et « pense que celui qui est arrivé en tête a la légitimité et surtout la responsabilité de rassembler ». Précision utile : son « choix n’est pas une consigne ». D’autant que ses troupes, venant des deux camps, sont partagées pour ne pas dire divisées. Les sénateurs Alexandre Ouizille et Eric Kerrouche voteront ainsi comme lui pour Olivier Faure, quand Rémi Branco, un autre de ses lieutenants, votera Nicolas Mayer Rossignol. Reste que sa décision est tout sauf neutre, à quatre jours du vote crucial sur les deux TO arrivés en tête. Cette étape interviendra le 5 juin, en guise de second tour où l’on connaîtra le nom du premier secrétaire élu.
« D’un point de vue idéologique et stratégique, on a toujours été très proches avec Boris Vallaud »
Dans le camp d’Olivier Faure, on apprécie évidemment la nouvelle, sans excès de triomphalisme. « Merci cher Boris Vallaud pour ton soutien précieux », a réagi sur X le député de Seine-et-Marne, « les propositions que vous avez défendues avec Unir et celles et ceux qui t’accompagnent dans ce congrès viendront assurément amplifier notre dynamique collective et nourrir notre projet ».
« D’un point de vue idéologique et stratégique, on a toujours été très proches avec Boris Vallaud », nous explique Pierre Jouvet, secrétaire général du PS, « plutôt très satisfait de voir que ces volontés cheminent et convergent ». « C’est évidemment une bonne nouvelle », ajoute Jonathan Kienzlen, secrétaire national du PS aux statuts, pour qui ce ralliement « était attendu. C’est finalement logique. Boris a participé depuis 8 ans aux travaux de la direction sortante. Nous sommes sur la même ligne politique ».
Comme le demande Boris Vallaud, les fauristes se disent même prêts à ouvrir la direction à toutes les chapelles. « La logique qui voudrait dire qu’une minorité des socialistes se retrouveraient de fait mis de côté n’est pas la logique qui est la nôtre. Nous, on tendra la main, évidemment, à tous ceux, y compris chez Nicolas Mayer Rossignol, à l’intérieur du TOC, qui veulent travailler dans cette logique, cette volonté de rassembler la gauche et les écologistes, de faire un PS plus fort », soutient Pierre Jouvet.
Nicolas Mayer Rossignol demande à Olivier Faure s’il souhaite « être candidat à l’élection présidentielle »
De son côté, Nicolas Mayer Rossignol a écrit ce lundi à Olivier Faure. Il répète sa demande d’organiser un débat avec lui. Surtout, refusant « la présidentialisation du parti », il met les pieds dans le plat : « C’est pourquoi je te demande […] d’être clair à ton tour et de nous dire si tu souhaites, ou non, être candidat à l’élection présidentielle ».
Chez les amis de Nicolas Mayer Rossignol, reste que certains ne cachent pas qu’ils auraient aimé voir le film s’écrire autrement. « Bien sûr que c’est décevant », lâche un soutien du chef de file du « TOC », le courant de Nicolas Mayer Rossignol. Mais le même veut toujours y croire : « Ça reste possible », mais il reconnaît que « ça va être très serré ». « Boris Vallaud était d’abord sur une position de neutralité totale. Pourquoi dire lui-même maintenant qu’il va voter pour quelqu’un ? Ce n’est pas une consigne, mais ça peut y ressembler », s’étonne un sénateur socialiste, qui constate que « la rivière revient dans son lit ». Autrement dit, ça peut jouer.
« Je ne vois pas comment avoir un changement souhaité par Boris Vallaud, avec le même premier secrétaire »
Patrick Kanner pense de son côté que les jeux restent ouverts. « Est-ce que ce sera compliqué ? Oui et non. C’est une question de mobilisation », pense le président du groupe PS du Sénat, qui est derrière le maire de Rouen depuis le congrès de Marseille. Il pointe au passage la diversité du « TOB », le texte d’orientation de Boris Vallaud : « Remi Branco a dit qu’il votera pour Nicolas Mayer Rossignol. Ça laisse des traces au sein de son TO. Il était parti pour valoriser le changement, sur la forme et le fond », souligne l’ancien ministre de François Hollande.
S’il reconnaît « une cohérence » dans le choix de Boris Vallaud, étant donné la proximité du patron des députés socialiste avec Olivier Faure ces dernières années, Patrick Kanner s’étonne néanmoins de ce choix. « Pourquoi avoir fait un texte visant à vouloir changer les choses ? Je ne suis pas critique mais je cherche la cohérence de vouloir porter un texte d’orientation pour finalement revenir au statu quo, que la majorité des militants n’a pas voulu lors du premier tour, où près de 60 % des militants ont voulu marquer un changement ». Il ajoute : « Je ne vois pas comment avoir un changement souhaité par Boris Vallaud, avec le même premier secrétaire ».
« Quel que soit le premier secrétaire, il devra composer avec cette nouvelle réalité »
Une objection que rejette Eric Kerrouche. « Dans l’ensemble des instances, nous allons devoir travailler ensemble. Donc nous ne sommes déjà plus dans la même situation. Quel que soit le premier secrétaire, il devra composer avec cette nouvelle réalité », avance le sénateur PS des Landes. Boris Vallaud estime ainsi avoir « parlementarisé le PS, car personne ne dispose de majorité absolue au conseil national et au bureau national ». Dans cette logique, « le choix en faveur d’Olivier Faure s’est fait aussi par la convergence de fond et le fait qu’il a repris une partie de nos propositions », ajoute Eric Kerrouche, qui cite l’« institut de formation », une meilleure communication avec les militants et « le Nouveau populaire, une espèce de média socialiste qui servira de boîte à idées ».
Le courant de Boris Vallaud juge par ailleurs que sa présence a même apaisé le congrès, après celui de Marseille où les socialistes se sont déchirés. « Si on n’avait pas été là, le risque, c’était de voir deux blocs antagonistes s’affronter. De l’autre côté, on a l’impression d’une union contre. Et ce que j’ai vu dans les débats, c’est qu’il y a une vraie volonté d’union des militants et une fatigue prononcée par rapport aux chicayas », lance le sénateur PS des Landes.
Si les discours sont à l’apaisement, reste que les oppositions internes ont laissé des traces et hors micro, on comprend que les « camarades » sont encore loin de faire du PS un tranquille club de vacances. « Le rassemblement, je suis pour, même jusqu’au TOC, mais on ne se fera pas cracher sur la gueule pour des procès en bonne ou mauvaise gestion », prévient ainsi un soutien de la direction sortante, qui glisse au passage que « la parlementarisation du parti, c’est très sympathique, mais à l’Assemblée, on ne peut pas dire que ça fonctionne du feu de dieu non plus… Mais on va discuter à chaque fois, car il faut rassembler ».
« Un match se joue de la première à la dernière minute »
Dans l’entourage d’Olivier Faure, on ne veut pas vendre la peau de l’ours, malgré le soutien de Boris Vallaud. « Un match se joue de la première à la dernière minute. Donc le match se jouera jusqu’à jeudi et la fermeture des bureaux de vote à 22 heures. On est extrêmement mobilisé, concentré, déterminé », assure un proche, qui « espère que l’écart sera suffisant pour éviter toute contestation possible », comme lors du congrès de Marseille, où il a fallu attendre plusieurs jours pour avoir un gagnant. « Si on fait 50/50, il y a un risque que le parti se divise. Mais on fait tout pour arriver à dégager une majorité claire pour Olivier Faure », assure un autre, qui ajoute : « On passe des coups de fil, on fait des croix et des bâtons. On fait le taf ».
Comptant sur un bon report de voix « de certaines grosses fédérations qui ont voté Vallaud, comme les Landes, l’Oise ou le Pas-de-Calais », un soutien du premier secrétaire finit par reconnaître caresser quelques bons espoirs. « Ce ne sera pas 60 % mais on espère qu’Olivier Faure sera réélu de manière confortable », lâche cet élu, qui reste malgré tout prudent : « Ce n’est en rien du tout plié. Tant que ce n’est pas passé, il n’y a rien de fait ».
« Parler de la présidentielle avant même de faire les meilleures municipales du monde, tout ça est ridicule »
Une fois le vote du 5 juin – dont on ne connaîtra le résultat que le 6 juin – passé, il restera le congrès de Nancy proprement dit, du 13 au 15 juin, en forme d’intronisation pour le vainqueur. Avec aussitôt deux gros dossiers sur la pile : les municipales et la présidentielle, alors qu’on prête souvent des intentions pour 2027 autant à Olivier Faure qu’à Boris Vallaud… « C’est une bataille de nain. Parler de la présidentielle avant même de faire les meilleures municipales du monde, tout ça est ridicule », lâche un socialiste, qui s’inquiète du retard pris par le parti dans la préparation de l’élection locale.
Pour les amis d’Olivier Faure, il est trop tôt pour parler du « qui ». « Notre volonté est de rassembler la gauche non-mélenchoniste le plus largement possible, de Ruffin à Glucksmann », rappelle Pierre Jouvet, qui ajoute que pour la présidentielle, « ça peut être un candidat socialiste. Si on est socialiste et qu’on porte la volonté de renforcer le PS, c’est d’abord parce qu’on croit que le candidat PS sera le mieux placé pour être à la tête de ce rassemblement pour être qualifié pour le deuxième tour ». Mais avant de rêver de changer la vie à nouveau, il reste bien des étapes au Parti socialiste, à commencer par le vote des adhérents ce jeudi. Le 27 mai dernier, la participation s’est montrée faiblarde, avec 24.701 votants sur un corps électoral de 39.815 adhérents.