PS : Faure veut tourner la page Hollande, les gardiens du temple montent au créneau au Sénat

PS : Faure veut tourner la page Hollande, les gardiens du temple montent au créneau au Sénat

L’inventaire sans concession du quinquennat Hollande fait par Olivier Faure passe mal chez les hollandais. Ils sont encore nombreux au groupe PS du Sénat. « Le rôle d’un premier secrétaire, c’est d’essayer de rassembler » selon le patron des sénateurs PS, Patrick Kanner. Mais d’autres veulent « sortir du déni ».
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Du délicat devoir d’inventaire. Le Parti socialiste s’est adonné à l’exercice périlleux, et plusieurs fois repoussé, du droit d’inventaire du quinquennat de François Hollande. Périlleux car nécessairement sujet à interprétation, pour ne pas dire conflits. Olivier Faure l’a pourtant fait, lundi soir, à Ivry-sur-Seine, au nouveau siège du parti à la rose, bien pâle depuis 2017. Il l’avait promis, avant de prendre la tête de la maison.

S’il a salué les réussites du mariage pour tous, la gestion des attentats ou la COP 21, le premier secrétaire du PS a eu aussi des mots durs contre la loi travail ou la « blessure profonde » de la déchéance de nationalité. Il parle même de « trahisons » pour les électeurs de gauche. Voilà François Hollande rhabillé pour l’hiver. Ça tombe bien, la neige arrive.

Repère de hollandais

Au groupe socialiste du Sénat, qui compte encore 74 membres contre 30 députés PS, ce bilan, qui tombe plus d’un an et demi après la présidentielle, ne passe pas très bien (voir aussi le sujet vidéo de Quentin Calmet). Il faut se rappeler qu’avant la prise de l’Elysée en 2012, le groupe PS était un repère de hollandais. François Hollande organisait des réunions avec ses amis à la questure du Sénat, bien avant la primaire de 2011. Depuis les sénatoriales de 2017, l’aile gauche a pris du poids au sein du groupe. Mais la fibre hollandaise canal historique est toujours active, à la Haute assemblée.

A commencer par le président du groupe PS, Patrick Kanner. L’ancien ministre de la Ville et des Sport de François Hollande n’était pas présent lundi soir pour écouter Olivier Faure. Pas son truc. « Il a respecté un engagement pris devant les militants. Maintenant, l’affaire est derrière nous » dit à publicsenat.fr le sénateur du Nord. On le sent peu à l’aise. Patrick Kanner estime que les titres de presse lui donnent aujourd’hui raison : « Ce qui est retenu par les médias, c’est ce qui ne marche pas. Le résultat est déséquilibré ». On lui sort les mots d’Olivier Faure, qui parle d’absence de « vision » initiale de l'ancien Président, la perte du « socle de valeurs ». « Ce sont ses mots » répond laconiquement Patrick Kanner. Il ajoute, avant de filer en réunion de groupe : « Le rôle d’un premier secrétaire, c’est d’essayer de rassembler »…

« Cracher dans la soupe n’a jamais amélioré les choses » pour Victorin Lurel

André Vallini, ancien secrétaire d’Etat, hollandais historique, n’a pas compris le timing. « Ce n’est pas le moment. Les Français ont d’autres préoccupations » selon le sénateur PS de l’Isère, « laissons les historiens le soin de faire ce travail ». Il rappelle que la Fondation Jean Jaurès s’y était déjà attelée. Avec le PS, « c’est de l’autoflagellation. Il faut regarder l’avenir, plutôt que le ressasser. C’est typiquement socialiste ».

Victorin Lurel, ancien ministre des Outre-mer et sénateur PS de Guadeloupe, ne comprend pas non plus :

« Un droit d’inventaire pour imiter Jospin n’est pas forcément la solution. Il y a eu de très bonnes choses dans le quinquennat de François Hollande, moi-même j’ai été ministre. Et à la différence de mes amis, je n’ai jamais craché sur ce que nous avons fait ».

« Il faut assumer les échecs » comme « des orientations peut-être contestables », « mais cracher dans la soupe n’a jamais amélioré les choses. Je suis assez fier de ce que j’ai fait aux côtés de François Hollande » insiste Victorin Lurel. Regardez :

Inventaire du quinquennat Hollande : « Cracher dans la soupe n’a jamais amélioré les choses » selon Victorin Lurel
00:56

« Le livre de François Hollande sera plus lu que le discours d’Olivier Faure… »

Sous couvert d’anonymat, un autre hollandais est encore moins tendre devant cet « acte de contrition public » :

« Là, avec ce terme de trahison, ça apparaît comme une descente en flamme des gouvernements de François Hollande. Même si ce n’était pas l’objectif d’Olivier Faure, le résultat, c’est que le PS condamne l’action de François Hollande ».

Le même comprend d’autant moins qu’« Emmanuel Macron connaît aujourd’hui un trou d’air ». Et d’ajouter cette pique bien sentie : « Le livre de François Hollande sera plus lu que le discours d’Olivier Faure… »

« Résultats économiques positifs » pour Frédérique Espagnac, mais…

Le retour – médiatique du moins – de François Hollande n’a en effet pas arrangé les choses. « Depuis l’élection d’Olivier Faure, Olivier a sans doute eu du mal à prendre sa place parce que François Hollande a été aussi omniprésent. Il a aussi sa responsabilité de ce point de vue là » reconnaît Frédérique Espagnac, ancienne attachée de presse de François Hollande au PS, avant de devenir sénatrice en 2011.

Frédérique Espagnac (PS) salue le bilan économique de Hollande mais critique la loi travail et la déchéance de nationalité
01:50

Son bilan du quinquennat est mitigé. Sur la déchéance de nationalité ou la loi travail, « j’avais dit à François Hollande que je n’étais pas d’accord » a expliqué ce matin la sénatrice PS dans la matinale de Public Sénat. « Mais les résultats économiques étaient positifs et je ne l’ai pas entendu. Ça m’a gênée » ajoute Frédérique Espagnac, qui fait la synthèse (voir la vidéo ci-dessus)

Laurence Rossignol : « Olivier Faure a dit tout haut ce qui se dit dans toutes les conversations à gauche »

Tous les sénateurs socialistes ne sont pas fermés à l’inventaire. « Il aurait fallu clarifier il y a 6 mois » pour le sénateur PS du Doubs, Martial Bourquin, « mais quand on se rappelle qu’il y a 8 ans, on avait tous les pouvoirs et qu’aujourd’hui on est à 6%... »

Ancienne ministre des Familles et du Droit des femmes de François Hollande, Laurence Rossignol est « très à l’aise » avec ce droit d’inventaire. « C’est bien, c’est nécessaire. Olivier Faure a fait ça de manière extrêmement chirurgicale. C’est précis, exhaustif. Il a dit tout haut ce qui se dit dans toutes les conversations à gauche ». La sénatrice de L’Oise ajoute : « C’est nécessaire vis-à-vis des socialistes, des partenaires de gauche ».

Car si l’union de la gauche a échoué pour les européennes, Olivier Faure espère la rendre plus tard possible en montrant pattes blanches aux yeux des autres partis, comme des électeurs. Argument que n’entend pas un défenseur du quinquennat : « Si l’union des gauches se fait sur le dos de ses propres amis politiques qui ont tenu la machine pendant 5 ans… »

« Une bonne partie des hollandais du PS sont encore sur des jeux internes »

« Cet inventaire est nécessaire. Il faut sortir du déni » soutient Jérôme Durain, sénateur PS de Saône-et-Loire. « Beaucoup de gens de gauche sont très contents de cette lucidité ». Cet ancien proche d’Arnaud Montebourg ne cache pas son exaspération devant les divergences internes que le PS a trop connues : « Une bonne partie des hollandais du PS sont encore, avec Stéphane Le Foll, sur des jeux internes. Mais on est 12 au PS et on va continuer à se casser la figure ? Il faut avancer ».

Entre une grande partie de la gauche, qui en veut toujours à François Hollande, et un Parti socialiste lui-même encore marqué par ses différences, Olivier Faure se retrouve pris entre deux feux. Les départs vers Emmanuel Macron de son aile droite, et de l’autre côté d’une grande partie de son aile gauche, ont clarifié les choses. Mais ceux qui restent peinent encore à accorder totalement leurs violons sur ce qu’être socialiste veut dire.

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