Le gouvernement a choisi un habitué à faire le pont entre science et grand public. Alain Fischer, professeur d’immunologie et spécialiste de l’immunité, a été nommé président d’un « conseil d’orientation de la stratégie vaccinale » chargé de conseiller le gouvernement dans sa stratégie vaccinale anti Covid-19, a annoncé le Premier ministre, Jean Castex jeudi en conférence de presse. « Pour que cette vaccination soit efficace, il faut établir la confiance, et cette confiance ne peut pas être une injonction verticale émanant des autorités de l’Etat », a averti le professeur Fischer au cours de cette conférence.
Peu ou prou, ce qu’il affirmait déjà à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) lors de son audition le 19 novembre dernier. « Les politiques vont avoir un rôle majeur dans la stratégie de vaccination », avertissait-il, invitant les décideurs à se poser la question : quelle politique mener pour faire en sorte que la population et les professionnels de santé soient suffisamment convaincus de la vaccination ? Première piste du directeur de recherche à l’Inserm et directeur de l’institut des maladies génétiques Imagine : « Il y a un énorme effort à faire d’information, de façon transparente ». Déjà, il plaidait pour que les messages du gouvernement vers la population ne soient pas « verticaux ». « À chaque fois qu’il sera possible, il faudra faire participer la société civile aux recommandations, à travers les très nombreuses associations du domaine de la santé. Ce serait un bon intermédiaire entre les décisions politiques et le reste de la population », préconisait-il, trouvant qu’il « n’y a pas assez d’interactions entre le monde politique et le monde associatif qui exerce un rôle remarquable ».
« Vacciner dans le plus d’endroits possibles et par le plus de personnels soignants possibles »
Il affirmait également que l’obligation vaccinale « n’était pas à l’ordre du jour ». Concernant la stratégie vaccinale, il estimait qu’il « faudrait vacciner les personnes à risques en priorité, si on a des évidences raisonnables d’efficacité du vaccin chez les personnes à risques ». Et se faisait prudent : « Chez les personnes âgées, la situation d’une personne de 60 ans en bonne santé n’est pas la même que celle d’une personne âgée de 80-90 ans qui est en Ehpad. Il va probablement falloir stratifier de façon beaucoup plus fine », imaginait-il en attendant les préconisations de la Haute Autorité de Santé (HAS), dévoilées lundi. Toujours sur la stratégie vaccinale, il souhaitait « ne pas faire comme en 2009 », lors de l’épidémie de grippe H1N1, et autoriser les médecins généralistes et les infirmiers à vacciner. « Il faut trouver toutes les modalités possibles pour qu’il soit facile d’être vacciné dans le plus d’endroits possibles et par le plus de personnels soignants possibles. Cela nécessite que les personnels de la santé soient bien informés et soient convaincus de la pratique de la vaccination », insistait-il.
Enfin, il rassurait les parlementaires inquiets de la mise sur le marché des vaccins à une vitesse inédite. « Les règles qui pourraient aboutir à la mise sur le marché de ces vaccins ne dérogent pas aux éléments d’analyses sur la qualité du produit, sur l’analyse toxicologique, sur la sécurité d’emploi clinique. Les agences de santé vont regarder tout cela. Il n’y aura pas d’autorisation de mise sur le marché si les réponses à ces questions ne sont pas bonnes », assurait-il.
Il attendait en outre deux qualités du vaccin : d’abord la protection, que « l’individu infecté ne fasse pas d’infection ». La seconde, « savoir si le vaccin est protecteur à l’égard de la transmission du virus ». La réponse à cette question « ne viendra que plus tard », estimait-il. Une fois que la réponse à cette question sera connue, « on pourra savoir si on peut créer un niveau d’immunité de groupe qui permettra de faire diminuer considérablement la circulation du virus », indiquait-il. Là encore, il faudra être patient : « Les réponses à ces questions viendront au mieux au deuxième semestre 2021 ».
Alain Fischer n’était pas le premier choix du gouvernement, comme le rapporte le Monde. Il remplace un premier « monsieur vaccin » qui avait été nommé début octobre et qui a depuis été discrètement écarté, en raison de ses anciennes activités de lobbyiste pour des grands laboratoires américains.
En 2016, Marisol Touraine, alors ministre de la Santé, avait déjà fait appel à Alain Fischer pour présider le comité d’orientation d’une grande concertation citoyenne sur la vaccination, destinée à répondre à la « défiance » croissante d’une partie de la population. Les propositions de son rapport avaient notamment conduit le gouvernement à rendre obligatoires huit vaccins supplémentaires chez les jeunes enfants, jusqu’alors seulement recommandés, en plus de trois qui l’étaient déjà.