Quand les « twittos » veillent sur le Parlement
Suivre l'affaire Benalla "comme une série télé", railler le "cirque" des questions au gouvernement (QAG) ou rudoyer un amendement...

Quand les « twittos » veillent sur le Parlement

Suivre l'affaire Benalla "comme une série télé", railler le "cirque" des questions au gouvernement (QAG) ou rudoyer un amendement...
Public Sénat

Par Ludovic LUPPINO

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Suivre l'affaire Benalla "comme une série télé", railler le "cirque" des questions au gouvernement (QAG) ou rudoyer un amendement "écrit avec les pieds": les "veilleurs" parlementaires dépeignent la vie de l'Assemblée et du Sénat avec ironie sur Twitter, de jour comme de nuit.

Actuels et anciens assistants parlementaires ou ex-néophytes "contaminés par le virus de la politique", ils se muent en pédagogues pour expliquer, souvent sur le ton de l'humour, "l'importance du Parlement", voire lutter contre l'antiparlementarisme.

Valentine Serino dit mener cette "bataille culturelle". Collaboratrice du député Julien Dive (LR), elle chronique à ses heures perdues la vie parlementaire sur Whip "la chaîne (YouTube) du jeu politique", le blog "Les cuisines de l'Assemblée" et distille des commentaires sur Twitter.

Parmi ses dernières contributions, une vidéo pour comprendre le PLF (projet de loi de finances), "l'une des causes les plus fréquentes de dépression des professionnels du milieu politique", surtout cette année avec un calendrier engorgé.

"Suivre les débats prend beaucoup de temps mais écrire un billet d'humeur non. On écrit parfois sur des choses anecdotiques, des +running gags+ dans l'hémicycle... On y prend goût!", explique cette ancienne étudiante en sciences politiques.

"C'est une vulgarisation de l'intérieur", selon Thierry Vedel, chercheur CNRS au Cevipof. "C'est intéressant car c'est un peu comme un témoignage. Quelqu'un du milieu vous explique comment ça marche, avec la particularité de vouloir amuser son public", poursuit cet expert de la communication politique.

- "Obélix dans la marmite" -

La création, il y a trois ans, du projet Arcadie, une base de données sur les parlementaires français, Tris Acatrinei l'a prise "comme un jeu". L'ex-assistante parlementaire, tombée dans la politique "comme Obélix dans la marmite de potion magique", passe le plus clair de son temps à réactualiser ses fiches et à live-tweeter les débats.

Amendements mal ficelés, prises de position contradictoires, discours ennuyeux... Cette spécialiste en cybersécurité ne ménage pas les élus. "Je me moque de tout le monde, sans parti pris", affirme celle qui dit oeuvrer aussi pour briser les idées reçues sur les parlementaires.

Ex-collaborateur du groupe écologiste sous la précédente législature et reconverti journaliste, Pierre Januel traque, lui, les imprécisions des députés ou les événements saillants en séance. Il avait notamment isolé en 2013 la vidéo du "poulegate", quand un député UMP avait imité les caquètements d'une poule pour moquer l'écologiste Véronique Massonneau.

Ce lecteur assidu du Journal officiel milite notamment pour réduire la durée des "DG" - les discussions générales qui précèdent l'examen des amendements - "pénibles à mourir".

Le live-tweet des séances procure "un vrai plaisir à rentrer dans le fond des débats techniques", commente Tangui Morlier, l'un des membres fondateurs de Regards citoyens, collectif d'une cinquantaine de membres actifs qui décortiquent depuis bientôt dix ans l'activité des parlementaires en s'appuyant sur des données publiques.

- Feuilleton Benalla -

Dès 2009, des collaborateurs parlementaires avaient lancé le hashtag #QAG pour suivre plus aisément et commenter de manière décalée ces séquences bihebdomadaires. "C'est en réalité un vaste cirque", selon @zeFML, ancienne collab' préférant garder l'anonymat. "On décernait un prix au plus grand flagorneur chaque semaine, la +Chupa d'or+", raconte celle qui travaille aujourd'hui dans le privé.

Devenu selon elle "un outil de com' ennuyeux" repris par des militants "incapables de prendre du recul une seule seconde", il a donné naissance à un vrai live-tweet des séances sous le hashtag #DirectAN. Mais celui-ci est parfois nourri aussi par des "militants extrêmes, incapables de s'arrêter" et pouvant verser dans l'antiparlementarisme.

Dans ce contexte, l'affaire Benalla a justement démontré en quoi Assemblée et Sénat étaient "toujours importants", estime Valentine Serino, qui a suivi ce dossier "comme une série télé".

Et de se féliciter: "le Parlement, soumis à une réforme constitutionnelle, était catapulté à la Une de l'actualité et a exercé son pouvoir de contrôle".

Partager cet article

Dans la même thématique

MAcron 3 ok
10min

Politique

« Labellisation » des médias : la polémique enfle entre Emmanuel Macron, les médias Bolloré, LR et RN

En parlant de « labellisation » des médias, qui serait faite par les journalistes et non l’Etat, Emmanuel Macron a suscité l’ire des médias du groupe Bolloré, comme du RN et des LR. Au point que l’Elysée réponde en vidéo pour démentir les « fausses informations », au risque de relancer la polémique. Sur le fond, le sujet divise. Le sénateur LR, Olivier Paccaud, va jusqu’à parler de « dérive totalitaire », quand la sénatrice PS, Sylvie Robert, salue les propos « salutaires » d’Emmanuel Macron.

Le

Mericourt: Emmanuel Macron meets with  readers of the Ebra group,
6min

Politique

Labels et régulations des médias : ce qui existe en France et en Europe

En lançant l’idée de la création d’un « label » pour les médias, Emmanuel Macron a suscité un tollé dans une partie de la classe politique. Pourtant, en France et en Europe, de nombreux acteurs, publics et privés, participent à la régulation des médias et cherchent à orienter la production des contenus vers un respect maximum des règles d’éthique et de déontologie.

Le

Quand les « twittos » veillent sur le Parlement
3min

Politique

Lutte contre la vie chère : Le Sénat vote la pérennisation du taux de TVA à 0 % sur les produits de première nécessité en Outre-mer

Un mois après l’adoption du projet de loi contre la vie chère, le Sénat a inscrit dans le budget 2026 l’un des engagements du gouvernement après les manifestations qui avait secoué la Martinique l’année dernière. Alors qu’il est prévu jusqu’à fin 2027, les élus ont voté le taux de TVA à 0 % sur les produits de première nécessité en Guadeloupe, Martinique et à La Réunion.

Le