A chaque déplacement, ses bains de foule. Emmanuel Macron consacre de plus en plus de temps à "aller au contact" des Français, sans craindre ni les échanges musclés ni de jouer sa popularité sur les réseaux sociaux.
Cap Fréhel, mercredi matin. La brume épaisse qui empêche d'admirer la mer n'a pas dissuadé 150 personnes de se masser derrière les barrières deux heures avant l'arrivée du président.
Une bonne partie sont des sympathisants venus l'applaudir et l'exhorter à "tenir bon". Mais d'autres sont là pour l'interpeller sur les difficultés des producteurs de lait, "l'injustice" faite aux retraités ou le poids de la bureaucratie.
Emmanuel Macron va leur consacrer près d'une heure, durant lesquelles les élus locaux et les ministres patientent et ses conseillers constatent que, comme souvent, il prend du retard sur l'horaire. Mais pour lui ces discussions, au cours desquelles il prend "son" risque, une de ses expressions favorites, sont plus importantes que le planning officiel.
"Bonjour, Monsieur le président", lui dit avec application Felix, 8 ans. Banale, la formule provoque pourtant un éclat de rire dans l'assistance, car tous ont en tête l'adolescent bravache qui lundi lui a lancé un "Ca va Manu?" qui a aussitôt provoqué un coup de sang d'Emmanuel Macron.
Depuis, la vidéo de la leçon de politesse du chef de l'Etat au collégien est devenue virale et a piqué la curiosité de nombreux médias étrangers.
Emmanuel Macron "est très Français dans son désir de voir tout le monde le traiter avec déférence", commente le New York Times. Le journal américain remarque par ailleurs que "son ton et son langage alternent entre concepts intellectuels de haut niveau et parler de la rue provoquant".
L'Elysée défend cette "volonté de parler à tout le monde" en sortant d'un langage codifié. "Le président aime beaucoup aller au contact des Français, notamment avec ceux qui ne sont pas d'accord avec lui", explique un conseiller. "Mais il le fait toujours avec respect. Il considère donc que le même respect lui est dû".
La plupart du temps, les échanges sont courtois, ponctués d'une tape amicale sur l'épaule ou émaillés de selfies. L'équipe de communication approuve: ce seront autant d'images aimables du président que les internautes feront circuler en ligne.
Même lorsque les critiques sont dures, comme celles, récurrentes, de retraités se plaignant de la faiblesse de leur pension et de la hausse de la CSG. C'est l'occasion rêvée de faire de la pédagogie des réformes en cours.
"Je vous entends mais je ne vais pas vous mentir", répond le chef de l'Etat à une octogénaire de Plévenon, en lui vantant la récente revalorisation du minimum vieillesse et en justifiant "la nécessité de mener une grande réforme des retraites" l'an prochain.
Parfois même, le chef de l'Etat détourne ses pas et fonce droit sur les plus critiques pour leur répondre pied à pied, comme au salon de l'Agriculture, dans des séquences aussitôt postées par son équipe de communication.
Laquelle n'hésite pas non plus à diffuser des messages provocants, comme cette récente sortie présidentielle sur le "pognon de dingues" dépensé en aides sociales sans diminuer la pauvreté, qui reflète en langage familier très précisément la pensée du président avec bien plus d'impact qu'un discours.
- OSS 117 -
Mais cette stratégie du direct peut être contre-productive dans des échanges moins maîtrisés, comme celui avec le collégien où le président poursuit sa leçon de morale ("apprends à te nourrir toi-même) alors que le jeune s'est excusé.
"Autant la vidéo sur l’aide sociale qui coûte trop de +pognon+ a parfaitement joué son rôle politique, autant celle-ci finit par se retourner contre Emmanuel Macron en nuisant à son image avec un risque de ringardisation", analyse Philippe Moreau-Chevrolet, expert en communication politique.
Après le recadrage du collégien, il a été comparé, y compris par Jean Dujardin lui-même, sur les réseaux au héros "beauf" de OSS 117, "incarnation d'une France ringarde, dépassée par la modernité et la jeunesse. Tout l'inverse de sa campagne électorale. Avec le risque de perdre une partie de son capital auprès de la jeunesse", juge l'expert.