« La priorité du gouvernement à travers le PLFR 4 (projet de loi de finances rectificative) est de répondre à la crise épidémique et à ses conséquences économiques et sociales (…) Nous avons fait le choix de réarmer et d’élargir les dispositifs de soutien à l’économie que nous avons mis en place au printemps » a résumé Olivier Dussopt.
20 milliards d'euros supplémentaires
En effet, pour limiter les faillites dues au reconfinement notamment des petits commerces, le gouvernement met 20 milliards d'euros supplémentaires sur la table, qui s'ajoutent aux près de 470 milliards débloqués depuis mars (dont plus de 300 milliards de garanties publiques). Ils correspondent au coût d'un mois de confinement (15 milliards) et à une prolongation temporaire de certains dispositifs après le déconfinement.
Le gouvernement prévoit aussi 3 milliards d'euros d'exonération de cotisations sociales, et 1,9 milliard d'euros de nouvelles dépenses de santé dans le cadre de l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam). La possibilité pour une entreprise de souscrire un PGE (prêt garantit par l’État) est prolongé de 6 mois.
Quant au dispositif d'activité partielle il est également reconduit « pour l’ensemble des entreprises du pays ». Il est doté de 3,2 milliards d'euros supplémentaires, après 31 milliards déjà budgétés et plus de 22 milliards dépensés. Enfin, le gouvernement prévoit 1,1 milliard pour la prise en charge de la prime adressée aux ménages les plus fragiles.
Récession de 11%
Mais toutes ces mesures liées à la nouvelle période de confinement ne sont pas sans conséquences sur les prévisions macroéconomiques. « La récession est estimée aujourd’hui à -11% au lieu de -10% estimés à l’occasion de la présentation du PLF (projet de loi de finances) début septembre. Le niveau de déficit public est estimé à 11,3% du PIB (…) Il s’élèvera, si les prévisions sont confirmées, à 247,9 milliards d’euros » a-t-il détaillé.
À noter que ce quatrième projet de loi de finances rectificative, comme les précédents, ne comporte aucune mesure fiscale supplémentaire : « Un exercice de fin de gestion qui respecte les autorisations parlementaires ». Seule note d’optimisme dans cette dégradation des comptes publics, « nous enregistrons par rapport aux prévisions du PLFR 3, une provision de recettes supplémentaires de 2,4 milliards » a-t-il souligné. Le rebond de l'activité au troisième trimestre a en effet dopé les rentrées de TVA, d'impôts sur le revenu et d'impôts sur les sociétés.
Un PLFR pour « tenir jusqu’à la fin de l’année »
Les sénateurs se sont néanmoins interrogés sur les prévisions de l’exécutif. Est-ce que c’est sur l’hypothèse d’un reconfinement de deux mois ou non ? » a demandé le rapporteur général du budget, Jean-François Husson. « Nous allons vous proposer des amendements de coordination (..) pour tenir compte de la révision des hypothèses macroéconomiques » a promis le ministre avant de préciser : « Nous vous proposons d’inscrire 20 milliards dans le PLFR alors que le dispositif que j’ai présenté dans mon propos liminaire représente un coût mensuel de 15 milliards d’euros. Pourquoi cette différence ? Si le confinement dure un mois, nous savons que la reprise d’activité nécessite un peu de temps et entraîne des conséquences économiques (…) Par ailleurs les crédits que le Parlement a adoptés dans le PLFR 3 non pas tous été consommés notamment en ce qui concerne sur le fonds de solidarité et le chômage partiel (…) Ce qui nous permet, dans la pire des possibilités, que personne ne souhaite, de tenir jusqu’à la fin de l’année sans avoir à solliciter à nouveau le Parlement ».
« La compétence de Bercy n’est pas de faire des hypothèses en matière de confinement »
Une réponse qui n’a pas satisfait le sénateur LR, Philippe Dominati. « Donc, l’hypothèse de Bercy c’est deux mois de confinement (…) Nous avons des documents où est écrit qu’on prépare un confinement plus long (qu’un mois) et on ne le dit pas aux acteurs de la vie économique. Donc ça pose un vrai problème » a-t-il regretté.
La nouvelle prévision de récession pour 2020 effectuée par le gouvernement « suppose » que le confinement dure plus d'un mois, a d’ailleurs noté, mercredi, le Haut conseil des finances publiques (HCFP) dans son avis sur le quatrième projet de budget rectifié pour 2020.
« La compétence ou la responsabilité de Bercy n’est pas de faire des hypothèses en matière de confinement. Notre compétence est de faire preuve de prudence. C’est pourquoi, nous avons présenté au Haut conseil des finances publiques, un scénario qui consiste à tenir compte d’un confinement d’un mois, d’une éventuelle prolongation de 15 jours et d’une sortie en sifflet (…) ça ne vaut en aucun cas prévision sanitaire ou prévision de durée de confinement qui engagerait le gouvernement (…) Il vaut mieux être trop prudent que pas assez » a-t-il prévenu.
750 millions d'euros accordés aux opérateurs locaux de gestion des transports publics
Chambre des territoires, le Sénat a voulu en savoir plus sur l’aide de 750 millions d'euros accordés aux opérateurs locaux de gestion des transports publics, sous la forme d'une avance remboursable. Le principe de ce soutien avait déjà été acté pour le gestionnaire des transports en Île-de-France mais les opérateurs et les collectivités locales du reste de la France demandaient aussi à pouvoir bénéficier de cette aide.
« Notre volonté est de construire un dispositif très analogue à celui adopté par Île-de-France mobilité (…) Les 750 millions que nous avons inscrits correspondent à l’estimation qui est faite de la perte de recettes pour ces autorités ».
Un groupe de travail pour réfléchir à l’après
Enfin, l’annonce mercredi par Olivier Dussopt, de la mise en place d’un groupe de travail composé d'experts pour réfléchir aux pistes de rétablissement des finances publiques, a interpellé plusieurs sénateurs. « Je ne peux que vous inviter à une diversité scientifique de points de vue. Il serait extrêmement grave que l’on reproduise les erreurs commises après la gestion de la crise de 2008 » a demandé Sophie Taillé-Polian, sénatrice membre de Génération(s) qui s’est inquiétée d’une reprise de « l’austérité budgétaire ». Pour le sénateur LR, Jérôme Bascher, « c’est typiquement le genre de groupe qui ne sert à rien et qui est politiquement une erreur » a-t-il estimé allant jusqu’à parler « de vaste escroquerie ». Il existe déjà un conseil d’analyse économique, un Haut conseil des finances publiques, un Parlement, une commission européenne » a-t-il cité.
« Il n’est pas question pour nous d’inclure les parlementaires dans ce groupe de travail. Nous souhaitons si les parlementaires en sont d’accord, qu’ils puissent être auditionnés par des membres de ce groupe de travail (…) C’est une information que je donne au Parlement sur notre volonté de nous faire accompagner par des experts et des personnalités qualifiées dans ce domaine-là » a précisé le ministre.
Le projet de loi de finances rectificative sera examiné à partir du 16 novembre.