Depuis la reprise de l’examen du projet de la loi de finances au Sénat, il ne se passe pas un jour sans que les esprits s’échauffent autour d’une coupe budgétaire inscrite dans des amendements du gouvernement, déposés, souvent, à la dernière minute. Les élus de la France Insoumise y voient l’illustration d’un fourvoiement du PS qui n’a pas voté la censure la semaine dernière. Les socialistes misent, eux, sur la commission mixte paritaire pour continuer à faire pression.
Que contient le projet de loi d’orientation agricole, présenté en Conseil des ministres le 3 avril ?
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Attendu depuis de longs mois, le projet de loi d’ « orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture » sera présenté en Conseil des ministres ce 3 avril. Le texte devrait être débattu à l’Assemblée nationale le 13 mai prochain, puis au Sénat mi-juin. « Le souhait du gouvernement, c’est la tenue d’une commission mixte paritaire avant l’été », espère-t-on du côté du cabinet de Marc Fesneau.
Renforcer la prise en compte des enjeux agricoles, au même titre que l’environnement
Suivant une promesse formulée par Emmanuel Macron en ouverture du Salon de l’agriculture, le projet de loi vise à inscrire l’agriculture et l’alimentation – mais aussi la pêche et l’aquaculture – comme intérêt général majeur. Selon le cabinet du ministre de l’Agriculture, cette notion devrait permettre de renforcer la prise en compte des enjeux agricoles dans les politiques publiques, au même titre que l’environnement. « L’objectif, c’est de placer l’agriculture comme priorité. Mais cela n’a pas été pensé dans une logique de mise en concurrence avec les questions environnementales », précise-t-on au ministère.
Toujours en réponse à la colère des agriculteurs, le texte porte aussi plusieurs mesures de simplification. Le régime de sanctions pour atteinte à l’environnement devrait ainsi être allégé, pour éviter « des procédures qui peuvent être vécues comme infamantes pour les agriculteurs », et l’échelle des peines révisée, « pour ne pas être dans une logique punitive et inefficace ».
Le projet de loi devrait également introduire une « présomption d’urgence » concernant les projets de stockage d’eau et de construction de bâtiments d’élevage. Une mesure qui vise à limiter la durée des procédures judiciaires d’opposants à ces projets à moins de dix mois, alors que de nombreux projets de « mégabassines » restent contestés. « L’idée, c’est qu’une procédure accélérée permette de savoir si un projet est autorisé, à améliorer ou à abandonner. Pour que les agriculteurs ne perdent pas du temps et de l’énergie en se battant pendant cinq ou dix ans pour un projet », précise le cabinet de Marc Fesneau.
Un guichet unique pour faciliter la transmission des exploitations
Dans son second volet, le texte entend répondre à l’enjeu de la transmission des exploitations agricoles. Un défi de taille puisque la moitié des agriculteurs auront atteint l’âge de la retraite d’ici 2030. Pour faciliter le renouvellement des générations, le gouvernement mise donc sur la création de France Service Agriculture : un guichet unique qui réunira cédants d’exploitations et potentiels repreneurs.
Via cette plateforme, les nouveaux agriculteurs pourront également bénéficier de formations dispensées par des structures labelisées par l’État ou les régions. Dans une logique d’adaptation au changement climatique, les repreneurs d’exploitations devraient aussi pouvoir réaliser un « stress test climatique », sorte de diagnostic de leur projet agricole au regard des réalités environnementales des années à venir. Pour autant, le gouvernement ne se fixe pas d’objectifs chiffrés en matière de renouvellement des générations. « Si on parvient à un départ pour une installation, c’est crédible mais déjà ambitieux », précise le cabinet du ministre.
Enfin, le gouvernement estime que l’augmentation du nombre de nouveaux exploitants passera par un renforcement de l’attractivité du métier. Des mesures sont ainsi proposées en matière d’éducation. Un programme de découverte des métiers agricoles devrait être lancé dès l’école primaire, un « bachelor agro » – un diplôme de niveau bac +3 – devrait également être créé dans l’enseignement agricole.
Un projet de loi qui ne satisfait ni les organisations agricoles, ni les sénateurs
Si l’inscription de l’agriculture comme intérêt général majeur figure parmi les demandes de la FNSEA, le syndicat majoritaire ne semble pas encore pleinement satisfait et attend « de nombreux amendements au Parlement », indique l’AFP. Insatisfaites, les organisations environnementales le sont également. Dès la transmission du projet de loi au Conseil d’État, le collectif Nourrir déplorait dans un communiqué « l’abaissement de l’ambition et l’insuffisance des mesures proposées pour accélérer la transition agroécologique du secteur ».
Interrogés par Public Sénat la semaine dernière, alors que les premiers éléments du projet de loi étaient déjà connus, les sénateurs semblent également sceptiques. « C’est un texte programmatique qui passe à côté des enjeux qui ont été mis sur la table ces dernières semaines, c’est-à-dire la compétitivité des agriculteurs. Marc Fesneau n’est que le supplétif du ministre de la Transition écologique », a ainsi regretté le sénateur LR Laurent Duplomb. De son côté, le socialiste Jean-Claude Tissot a dénoncé un projet de loi « fourre-tout », qui ne propose pas de rupture avec « le modèle productiviste ».
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