Ce vendredi, Claude Raynal, sénateur socialiste de la Haute-Garonne et président de la commission des finances du Sénat, était l’invité de la matinale de Public Sénat. Hier soir, le budget pour l’année 2025 a été présenté par le gouvernement. Le sénateur est revenu sur les mesures du projet de loi de finances destinées à faire des économies et a assuré que Gabriel Attal et Gérald Darmanin « auraient avantage à se taire », en évoquant leur opposition à l’augmentation des impôts.
Quel coût pour l’extension de l’assurance chômage ?
Par Public Sénat
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C’était l’une des propositions fortes de sa campagne. Fin février, Emmanuel Macron proposait d’étendre le régime l’assurance-chômage aux actifs qui en sont actuellement exclus : les artisans, les professions libérales, les commerçants, les entrepreneurs, les agriculteurs, mais aussi les salariés démissionnaires.
Cette « assurance-chômage universelle » était présentée à la fois comme une mesure de justice sociale – sécuriser le parcours des non-salariés – et comme un outil favorisant la mobilité professionnelle. Mais cet aspect de la réforme de l’assurance-chômage pourrait coûter bien plus cher que prévu.
L’extension des droits aux seules personnes démissionnaires représenterait un surcoût annuel pour l’Unedic (l’organisme qui gère cette protection) de 3 à 5 milliards d’euros par an en rythme de croisière, selon les estimations du ministère du Travail révélées par Les Échos. Très loin de l’estimation d’Emmanuel Macron, qui chiffrait sa mesure à 1,44 milliard d’euros pendant sa campagne.
Des chiffres « inquiétants »
La fourchette serait même comprise entre 8 et 14 milliards d’euros la première année, toujours selon le quotidien économique, à cause des effets d’aubaine que la mesure occasionnerait. Ce jeudi, la ministre du Travail Muriel Pénicaud a démenti cette projection, qualifiant ce chiffre de 14 milliards de « fantaisiste ».
« Il est trop tôt pour définir un chiffre précis », a insisté Damien Adam sur le plateau de Sénat 360. Le député (LREM) de la Seine-Maritime a expliqué que c’était l’objet des concertations qui ont débuté à l’Élysée.
Pas de quoi freiner les doutes des partenaires sociaux. « Les calculs sont particulièrement inquiétants », a réagi à la sortie de l’Élysée, le président de la CFE-CGC. François Hommeril, qui participait à une première série de concertations sur l’assurance-chômage et la formation professionnelle, craint que de nombreux salariés ne profitent de la réforme :
« Il suffira qu'un matin ou un après-midi quelque chose se passe mal dans son travail pour qu'il démissionne le soir même [...] Il saura qu'il ne prend pas le risque de se retrouver au chômage non indemnisé. Et on sait qu'il y a des centaines de milliers de personnes qui sont au bord de cette rupture-là. »
Menaces sur les règles d’indemnisation ?
Le patronat est aussi réservé. « Cela posera un petit problème économique », a déclaré ce jeudi Pierre Gattaz (Medef), sur le perron de l’Élysée. « Il faut regarder de quoi en parle en milliards d’euros et il n’est pas question qu’on augmente le coût du travail ».
Le président de la Confédération des PME (CPME), François Asselin, estime que cette promesse d’instaurer des droits universels à l’assurance-chômage sera « très difficile à tenir ».
Selon lui, pour le mécanisme soit viable financièrement, l’État n’aurait pas le choix de, soit renforcer les conditions d’éligibilité, soit jouer sur le niveau général des allocations.
Au printemps, l’Institut Montaigne chiffrait lui le coût de la mesure à 2,7 milliards d’euros par an. Et ce, dans le cas d’un scénario « médian », selon le think tank libéral. Pour se donner une idée de l’ordre de grandeur du chiffre, il faut avoir en tête la situation des finances de l’Unedic, qui se sont dégradées avec la hausse du nombre de demandeurs d’emploi indemnisés. Son déficit est attendu à 3,6 milliards d’euros cette année, et devrait atteindre 0,8 milliard en 2020. Quant à la dette de l’Unedic, elle devrait approcher le seuil des 34 milliards d’euros en 2017.
« Pas question pour nous de réduire les droits des privés d’emplois », a mis en garde ce jeudi Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, après sa rencontre avec Emmanuel Macron. Son homologue de la CFDT Laurent Berger dresse la même ligne rouge. Il est « hors de question » que « cela se fasse en pompant les droits des autres chômeurs indemnisés », avertissait-il début octobre.
« L’État est incapable de contrôler »
En 2016, ce sont près de 2,6 millions de personnes qui ont été indemnisées par l'assurance chômage au total. Parmi elles, peu de salariés démissionnaires peuvent prétendre à une indemnisation. Il existe un certain nombre départs « légitimes », comme le fait de démissionner pour suivre son conjoint, qui doit déménager pour son travail. S’il justifie de recherches actives, un salarié démissionnaire peut demander une indemnisation après quatre mois de chômage.
Pour redresser les comptes de l’Unedic, Emmanuel Macron s’était montré ferme durant sa campagne. Il avait notamment annoncé qu’un demandeur d’emploi ne pourrait plus refuser plus d’une offre et que les contrôles allaient être renforcés.
Pour les salariés démissionnaires, le gouvernement prévoit un garde-fou : un salarié ne pourra faire valoir son droit à des allocations-chômage à la suite d’une démission qu’une seule fois tous les cinq ans.
Le sénateur (LR) de la Meuse, Gérard Longuet, « profondément inquiet » avec cette réforme, craint des abus. « Je mets en garde contre un système d’État providence, avec un État qui est incapable de contrôler les effets pervers qu’il déclenche. »
Les discussions plus détaillées sur l’Unedic doivent débuter à la mi-novembre, selon l’exécutif. Dans l’immédiat, les partenaires sociaux se concentrent sur la formation professionnelle et l’apprentissage.