En déplacement dans l’île de l’océan indien confrontée à une grave crise migratoire, Gérald Darmanin a annoncé dimanche, « l’inscription de la fin du droit du sol à Mayotte dans une révision constitutionnelle ».
Mayotte est paralysée depuis le 22 janvier par des blocages et des barrages routiers installés par des « collectifs citoyens » qui protestent contre l’insécurité et l’immigration incontrôlée. Département le plus pauvre de France, Mayotte est peuplé de 310 000 habitants, selon l’Insee – probablement beaucoup plus selon la Chambre régionale des comptes -, dont 48 % d’immigrés comoriens ou d’autres pays d’Afrique.
Quel est le statut de Mayotte ?
Si toutes les collectivités d’Outre-mer sont citées dans un même article (72-4), elles n’ont pas toutes le même statut. A l’article 73, on retrouve les départements et régions d’Outre-mer. Il s’agit de la Martinique, la Guadeloupe, la Réunion, la Guyane et Mayotte. Elles sont soumises au principe de l’identité législative. C’est-à-dire que les lois et règlements sont applicables de plein droit. Même s’ils peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités.
Droit du sol limité depuis une loi de 2018
Illustration du pilier « fermeté » de la loi de 2018, « Asile Immigration », Mayotte a déjà fait l’objet d’une adaptation concernant les conditions d’acquisition de la nationalité française. En première lecture du projet de loi, contre l’avis du gouvernement, le Sénat avait adopté un amendement du sénateur LREM de Mayotte, Thani Mohamed Soilihi, qui adapte les conditions d’acquisition de la nationalité française par le droit du sol sur cette île de l’océan Indien. Désormais, il est exigé pour les enfants nés à Mayotte que l’un de ses parents ait, au jour de sa naissance, été présent de manière régulière sur le territoire national depuis plus de trois mois. « Cette condition supplémentaire est circonscrite au seul département de Mayotte et justifiée par la situation particulière du département », avait précisé à l’époque le rapporteur LR du texte, François-Noël Buffet.
Avec l’appui du chef de l’Etat, la mesure avait été adoptée par l’Assemblée nationale puis validée par le Conseil Constitutionnel estimant qu’elle ne portait pas atteinte au principe d’indivisibilité de la République et au principe d’égalité. Dans sa décision du 6 septembre 2018, le Conseil l’avait jugé conforme à l’article 16 de la Constitution, instaurant une condition supplémentaire, spécifique à Mayotte, pour l’acquisition de la nationalité. Les Sages avaient considéré que l’amendement était conforme à l’article 73 de la Constitution qui porte sur les départements et les régions d’outre-mer, lesquelles « peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ».
En annonçant ce week-end, la fin du droit du sol à Mayotte, l’exécutif souhaite restreindre l’accès au séjour par le regroupement familial. « L’admission au séjour est principalement familiale et représente 90,5 % des titres de séjour délivrés par la préfecture en 2019. En 2020, disposer de liens privés et familiaux avec une personne française ou être mère d’un enfant français représentaient 93 % des motifs de délivrance de titre », a exposé l’entourage de Gérald Darmanin.
Tentative de limitation du droit du sol en 2023
Lors de l’examen de loi immigration, promulguée fin 2023, les députés ont tenté de limiter le droit du sol à Mayotte. La mesure, conservée en commission mixte paritaire, prévoyait pour l’acquisition de la nationalité par le droit du sol, que les deux parents (au lieu d’un seul) aient résidé de manière régulière sur le territoire depuis au moins un an au moment de sa naissance (contre trois mois actuellement). Cette disposition à cette fois-ci été censurée par le Conseil constitutionnel. Sans se prononcer sur le fond, les Sages ont estimé qu’il s’agissait « d’un cavalier législatif », c’est-à-dire une mesure sans lien direct ou indirect avec le texte initial, tel que défini à l’article 45 de la Constitution.
Fin des visas territorialisés
Autre spécificité de l’île, les étrangers ne peuvent pas bénéficier d’une liberté de circulation vers la métropole. Ainsi, aux termes du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), « les titres de séjour délivrés » sur l’île « n’autorisent le séjour que sur le territoire de Mayotte ». Ce week-end, Gérald Darmanin a annoncé la fin de ces « visas territorialisés » via le dépôt d’un projet de loi Mayotte qui sera étudié à l’Assemblée nationale « dans les semaines qui viennent ». « Puisque nous aurons beaucoup moins de titres de séjours et que nous n’aurons plus la possibilité d’être français lorsque l’on vient à Mayotte, les visas territorialisés n’ont plus lieu d’être », a-t-il justifié.
L’extrême droite a dénoncé « une arnaque ». Marion Maréchal, tête de liste Reconquête aux Européennes, a estimé que la suppression des visas territorialisés aboutirait à « organiser le transfert de l’immigration de Mayotte vers la métropole ».
Mayotte ne bénéficie pas de l’AME
L’aide médicale d’Etat, considérée comme un appel d’air de l’immigration illégale par la droite et l’extrême droite, n’existe pas à Mayotte. Dans leur rapport remis en mai dernier, Laurent Marcangeli, député (Horizons) de Corse, et Estelle Youssouffa, députée (Liot) de Mayotte plaidaient pour instaurer l’aide médicale d’Etat à Mayotte. « Cette absence d’application ne dissuade nullement les Comoriens de s’installer à Mayotte tout en contribuant fortement à la saturation du centre hospitalier de Mamoudzou », justifiaient les élus. La prise en charge des non‑assurés sociaux était évaluée à 96 millions d’euros par an, pour une dotation annuelle du centre hospitalier de Mayotte d’environ 240 millions d’euros. En 2022, le nombre de patients soignés au centre hospitalier, Français ou étrangers, était à peu près équivalent : 93 626 Français contre 85 567 étrangers.