Le 29 octobre, les Néerlandais sont de retour aux urnes et pourraient, selon les sondages, envoyer en première position le PVV, le parti d’extrême droite de Geert Wilders, un homme qui proposait, il y a 10 ans, d’interdire le Coran aux Pays-Bas. Geert Wilders est le favori de ces élections anticipées qu’il a lui-même provoquées en rompant la coalition de gouvernement qu’il avait conclue durant un an avec des partis de centre-droit.
Une victoire de l’extrême droite néerlandaise arriverait quelques semaines après celle du milliardaire populiste Andrej Babis, de retour au pouvoir en République tchèque. Son parti ANO, initialement centriste, a opéré un virage idéologique à droite et siège désormais au Parlement européen dans le même groupe que le RN et que les troupes du Premier ministre hongrois Viktor Orban, les Patriotes pour l’Europe.
Andrej Babis allonge la liste des dirigeants européens de droite radicale parmi lesquels Giorgia Meloni en Italie, Viktor Orban en Hongrie, et le national populiste Robert Fico en Slovaquie. Après les élections européennes de 2024, l’extrême droite européenne représente un quart de l’hémicycle du Parlement européen et est divisée en trois groupes : les Conservateurs et Réformistes européens, emmenés par Giorgia Meloni (78 députés), les Patriotes pour l’Europe qui comprennent les eurodéputés RN (84 députés) et l’Europe des Nations souveraines, formée par l’AFD allemande (25 députés).
« Un sentiment de déconnexion entre politiques et réalité »
Qu’est-ce qui explique la lente ascension de cette droite radicale européenne ?
Pour Virginie Joron, eurodéputée française RN, « ce succès s’explique par le sentiment des citoyens européens d’une déconnexion entre les acteurs politiques et la réalité, que ce soit sur l’immigration ou les obligations écologiques. Et puis la simple utilisation de l’expression « extrême droite » met en colère nos millions d’électeurs qui ne se sentent pas extrémistes et cela renforce notre montée. »
Interrogé dans l’émission Ici l’Europe sur France 24, LCP et Public Sénat, l’eurodéputé espagnol socialiste Javier Moreno Sanchez remarque « une érosion de la droite traditionnelle. En Espagne, l’extrême droite n’existe comme parti que depuis 2013. Avant, elle était diluée dans le Parti Populaire espagnol, qui réunissait le centre-droit traditionnel. En 2013, le parti Vox a été créé et il a grignoté des voix petit à petit au Parti populaire. Même dans un des rares pays d’Europe, où la gauche gouverne (alliance entre les socialistes espagnols et l’extrême gauche), avec une forte croissance, des investissements en matière d’écologie et d’égalité femmes hommes, l’extrême droite continue de monter », regrette l’élu socialiste.
Un pays de l’Union européenne a pu observer depuis longtemps les succès électoraux de l’extrême droite : l’Autriche. Il y a 25 ans, le parti FPÖ remportait pour la première fois les élections et formait une coalition de gouvernement avec la droite traditionnelle. Le résultat n’a pas été concluant selon Helmut Brandstätter, eurodéputé autrichien, membre du groupe centriste Renew. « La dernière fois qu’ils ont gouverné en 2019, il y a eu une grande affaire de corruption, l’Ibizagate qui a fait tomber leur gouvernement de coalition avec les conservateurs. »
Vers un recul des droits humains en Europe
Malgré l’exemple autrichien, d’autres pays connaissent des gouvernements de droite radicale qui bénéficient d’une certaine stabilité politique. C’est le cas de l’Italie de Giorgia Meloni, au pouvoir depuis 3 ans, et de la Hongrie de Viktor Orban, Premier ministre hongrois depuis 2010, et dirigeant des 27 de l’UE le plus capé actuellement. Une stabilité politique qui permettrait de mettre en place des politiques de recul des droits de l’Homme, selon certaines ONG comme Amnesty International. « Dans des pays comme la Hongrie, la Slovaquie, la Pologne, on a observé des atteintes aux droits et aux libertés que ce soit les droits des femmes, les droits des personnes LGBT, les droits des étrangers. La société est attaquée par des lois qui la visent particulièrement. On peut citer aussi la répression du droit de manifester », assure Nathalie Godard, directrice de l’Action chez Amnesty International France.
Alors que Viktor Orban a essayé d’interdire à plusieurs reprises l’organisation en Hongrie de « Marches des Fiertés » de la communauté LGBT, ses alliés français du Rassemblement national ne lui en ont pas vraiment fait grief. « Il est libre de faire ce qu’il veut », commente Virginie Joron. « Nous avons nos propres politiques, nos propres valeurs. Ce n’est pas à nous de juger des politiques pour lesquelles des citoyens ont voté à un moment donné. »
Donald Trump au soutien des droites radicales européennes
Depuis janvier 2025, cette famille politique bénéficie d’un allié de poids, en la personne de Donald Trump. Le président américain n’hésite pas à s’immiscer dans la politique européenne et à soutenir ses alliés, que ce soit Viktor Orban, Giorgia Meloni. On peut citer aussi la campagne menée par Elon Musk, alors dans l’administration Trump, en faveur de l’AFD, lors des dernières élections allemandes. Inversement, les dirigeants européens de droite radicale affichent pour la plupart un fort soutien envers le locataire de la Maison Blanche.
Un soutien qui pourrait s’avérer contraire aux intérêts de l’Union européenne tant Donald Trump sait se montrer hostile vis-à-vis de son allié transatlantique, notamment par la guerre des droits de douane lancée au printemps dernier. « Donald Trump veut détruire l’Union européenne en la divisant et en négociant avec chaque pays isolément », estime Helmut Brandstätter. « Nous devons rester unis pour avoir une Europe forte car comme le disait François Mitterrand, le nationalisme c’est la guerre. »
De son côté, l’eurodéputé du Rassemblement national Virginie Joron assure ne pas comprendre toutes les critiques envers la politique trumpiste. « On est en train de suivre le modèle de Trump en réalité en proposant une préférence européenne, notamment sur la défense, et donc de défendre d’abord nos intérêts. La préférence européenne c’est la guerre ? »