UN Climate Change Conference COP25
French ambassador for international climate negotiations and European Climate Foundation director, Laurence Tubiana, addresses a press conference at the UN Climate Change Conference COP25 held in Madrid, Spain, 13 December 2019. EFE/ Fernando Villar//EFE_20191213-637118467960607971/1912131531/Credit:FERNANDO VILLAR/EFE/SIPA/1912131533

Qui est Laurence Tubiana, proposée par le PS, le PCF et les écologistes pour le poste de Premier ministre ?

Économiste, universitaire et diplomate de formation, Laurence Tubiana a été ambassadrice de la COP21 à Paris et dirige actuellement la Fondation européenne pour le climat. Portrait d’une haute fonctionnaire aux multiples casquettes.
Steve Jourdin

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Une idée pas nouvelle

La politique politicienne, la « po-pol », ce n’est pas son truc. « J’ai un engagement politique depuis longtemps, à ma façon. Je respecte les responsabilités opérationnelles, mais aujourd’hui, je crois davantage aux mobilisations citoyennes pour conduire ce changement qu’à un casting gouvernemental », déclarait-elle en juillet 2020 à une époque où son nom circulait déjà au gouvernement. Par deux fois sous Emmanuel Macron, elle refusera un ministère de la transition écologique. A-t-elle changé d’avis ?

Ces derniers jours, elle laissait entendre qu’elle « ne se défilerait pas » si Matignon lui était offert. Les socialistes, les écologistes et les communistes ont proposé son nom pour le poste, avant de se heurter au refus des Insoumis. En cause notamment, une tribune cosignée la semaine dernière dans le Monde dans laquelle elle appelait le Nouveau Front Populaire à « tendre la main aux autres acteurs du front républicain pour discuter d’un programme d’urgence républicaine et d’un gouvernement ». Lundi, c’est le Parti socialiste qui retoquait l’hypothèse Huguette Bello, actuelle présidente de la Réunion, proche des Insoumis et dont le nom avait été proposé par le Parti communiste.

 

Une capacité à rassembler

Difficile pourtant de lui trouver des ennemis. « C’est une femme admirable, extraordinaire » lance Mélanie Blanchetot, membre de la Convention citoyenne pour le climat, cette assemblée de 150 citoyens tirés au sort dont Laurence Tubiana a assuré la coprésidence entre 2019 et 2020. « C’est quelqu’un de très pro, abonde Grégoire Fraty, lui aussi membre de la Convention. Elle a réussi à faire travailler 150 citoyens qui venaient de tous horizons : il y avait des monarchistes, des électeurs RN, des communistes, des macronistes. Elle est parvenue à dialoguer avec tout le monde dans le consensus ». Résultat : le rapport final de la Convention a été validé à la quasi-unanimité, avant d’être remis à Emmanuel Macron. Léo Cohen a travaillé pendant deux ans avec elle au sein du comité de gouvernance de la Convention citoyenne, il ne tarit pas d’éloges. « Ce n’est pas quelqu’un qui pratique du micro-management. Elle sait prendre de la distance et n’hésite pas à rester en surplomb. Elle sait déléguer et n’est pas dans l’obsession du contrôle de tout » précise l’ancien conseiller ministériel.

A droite et au centre, les compliments ne sont pas moins nourris. « C’est une femme qui connaît très bien ses dossiers. Elle est compétente, impliquée, énergique et déterminée » juge le sénateur centriste Hervé Maurey, qui l’a auditionnée en tant que président de la commission du développement durable du Sénat au temps où Laurence Tubiana était ambassadrice de la Cop 21. La conférence mondiale pour le climat organisée à Paris en 2015 avait alors débouché sur un accord pivot de la lutte contre le réchauffement climatique. « C’est une combattante et une excellente négociatrice, juge l’écologiste Karima Delli. Mettre d’accord 195 pays autour d’un texte sur le climat relève de l’immense défi. C’est une femme qui a beaucoup d’aura à l’international : elle est une figure très respectée. »

 

 

Un manque d’expérience politique

Au rang de ses potentiels points faibles, certains pointent son manque d’expérience politique. Laurence Tubiana ne s’est en effet jamais engagée dans une carrière politique, et n’a jamais exercé de mandat électif. Agée de 73 ans, elle a notamment été conseillère environnement de Lionel Jospin entre 1997 et 2002, après avoir collaboré avec lui à l’IUT de Sceaux lorsque celui-ci était professeur d’économie. Diplômée de Sciences Po Paris, docteure en économie, trilingue, elle a commencé son parcours à l’INRA, l’institut national de la recherche agronomique, avant de devenir inspectrice générale de l’agriculture.

C’est précisément cette « carte » société civile qu’une partie de la gauche souhaite jouer pour Matignon. Socialistes, communistes et écologistes sont en effet tombés d’accord pour faire d’elle leur candidate à Matignon. Mais pas LFI, qui considère dans un communiqué publié lundi que « [le] blocage politique ne se réglera pas par l’improvisation d’une candidature ‘extérieure’ ». Sur X (ex-Twitter), les réactions sont plus violentes : l’Insoumise Sophia Chikirou estimant que « le hollandisme [est] comme les punaises de lit : tu as employé les grands moyens pour t’en débarrasser, tu y as cru quelque temps et tu as repris une vie saine (à gauche) mais en quelques semaines, ça gratte à nouveau et ça sort de partout… Il va falloir recommencer

Laurence Tubiana est-elle vraiment proche des idées macronistes, comme l’avancent les Insoumis ? « Laurence Tubiana est une femme de gauche, soutient Léo Cohen. Elle fait partie des gens qui ne pensent jamais la transition écologique sans sa dimension sociale. Elle a pour souci permanent de trouver les conditions adéquates pour que les plus fragiles ne soient pas pénalisés dans la transition écologique ». Au regard du contexte politique, un profil clivant aurait du mal à s’imposer au Parlement. Quid de Laurence Tubiana dans un contexte d’absence de majorité ? « Elle fait partie des personnes de la société civile qui prône et permet l’apaisement. Elle l’a montré sur la question du climat, en faisant preuve de pédagogie et de patience » promet Karima Delli. La patience, un luxe dont le NFP ne peut pas s’offrir.

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