« Qui va protéger l’Etat de droit ? » s’inquiète la sénatrice socialiste Marie-Pierre de la Gontrie

« Qui va protéger l’Etat de droit ? » s’inquiète la sénatrice socialiste Marie-Pierre de la Gontrie

Le fonctionnement de notre démocratie pendant le confinement inquiète la sénatrice de Paris,  membre de la commission des lois. « Le Parlement ne contrôle rien. Je suis très préoccupée » dit-elle, perplexe sur la façon dont a été adopté l’état d’urgence sanitaire. Marie-Pierre de la Gontrie appelle le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat à davantage de transparence sur la façon dont ils délibèrent.
Quentin Calmet

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Marie-Pierre de la Gontrie est avocate de formation et membre de la commission des lois du Sénat. Selon elle, dès les premiers jours du confinement, notre système institutionnel s’est grippé : « Concernant, le vote de l’état d’urgence sanitaire, on a légiféré dans des conditions invraisemblables… », lance-t-elle. Délais raccourcis, peu d’orateurs présents dans l’hémicycle, les sénateurs socialistes s’étaient abstenus au moment du vote

 

Contrôle parlementaire Canada Dry

 

Depuis, elle note qu’il n’y a eu qu’une seule réunion de la commission des lois du Sénat. Marie-Pierre de la Gontrie explique : « Sur le fonctionnement de notre démocratie : le contrôle parlementaire est un peu Canada Dry. (...) On auditionne Nicole Belloubet mais avec la visioconférence, c’est très difficile d’instaurer un dialogue. » 

 

Depuis le début du confinement, les interrogations se multiplient : sur les tensions dans les prisons, sur le fonctionnement des tribunaux, sur les demandes d’asile… Difficile de vérifier que l'État de droit est maintenu dans de bonnes conditions. 

 

Le Sénat a publié un premier rapport sur le confinement. « Nous avons eu le projet de rapport dix minutes avant le début de la visioconférence de la commission des lois. Il n’y a pas de suspicion sur le travail de la commission et de son président Philippe Bas, c’est un travail exemplaire.»

 

Circonstances exceptionnelles

 

Mais la sénatrice socialiste poursuit et  cite deux institutions qui focalisent les regards  : le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat. Amenés à contrôler la fabrique de la loi et à trancher les conflits entre les citoyens et l’administration, « leurs décisions pourraient être plus transparentes », selon Marie-Pierre de la Gontrie. 

 

Concernant l’état d’urgence sanitaire, « il serait utile que ces juridictions soient pédagogues sur les décisions qu’elles rendent » plaide la sénatrice, elle-même ancienne avocate. 

 

« On est dans une période où personne n’a confiance en personne : il peut y avoir de la controverse juridique. Je souhaiterais que ces juridictions fassent que leur réflexion soit publique. »

 

Quant à la justice civile et pénale, certaines audiences ont été renvoyées. « J’ai compris que les circonstances exceptionnelles avaient beaucoup d’usage… », note Marie-Pierre de la Gontrie, critiquant, au passage, la faible utilisation de la visioconférence dans certaines audiences. 

 

Des rencontres via Zoom 

 

Toutes ces questions sur le fonctionnement de l’état de droit, Marie-Pierre de la Gontrie entend les poser à Nicole Belloubet, lors de son audition jeudi 9 avril par la commission des lois du Sénat. 

 

Des questions nourries par des visioconférences réalisées avec d’autres parlementaires socialistes (députés, sénateurs, eurodéputés).

 

Assurer coûte que coûte le contrôle parlementaire

 

De quoi rythmer les journées de l’élue parisienne : « J’ai créé une boucle WhatsApp ‘Droits, liberté et covid 19’. Une cinquantaine de parlementaires socialistes se sont inscrits. », nous raconte-t-elle. « Il y a tellement d’informations… Il s’agit ainsi d’échanger, de partager des documents et des réflexions sur les sujets concernant le droit, la liberté et convid 19… J’ai organisé des auditions avec Adeline Hazan, le contrôleur général des lieux de privation de libertés, Didier Leschi, le directeur général de l’OFII (Office français de l’immigration et de l’intégration), ou encore Pascal Brice, qui est l’ancien directeur général de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides), on continue comme cela des rencontres… Je me suis abonnée à Zoom : je contacte tel ou tel intervenant… Je mets un message sur la boucle Whatsapp et les gens se connectent. »

 

Les sujets d’inquiétude sont encore très nombreux. Celle qui était secrétaire nationale aux libertés publiques et à la Justice au Parti socialiste mentionnera le tracking, la gestion du coronavirus dans les prisons, l’accueil des demandeurs d’asile. 

 

Elle ajoute « J'espère que l’opposition va être davantage mise à contribution. » Déjà, la parlementaire dresse une liste des personnes qu’elle souhaiterait auditionner au Sénat : Louis Gallois (en tant que président de la fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale), Jacques Toubon (défenseur des droits)… avant de conclure : « Moi, j’espère que va se mettre en place un mécanisme qui soit robuste en terme de contrôle, car on recherche tous la même chose… »

 

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