La porte-parole du gouvernement Maud Bregeon a assuré ce mercredi à la sortie du Conseil des ministres qu’Emmanuel Macron a acté qu’il n’y avait pour le moment pas « de socle plus large que celui qui est en place aujourd’hui » pour gouverner. Mais, après les consultations des responsables de partis mardi, « le président continue à écouter et à tendre la main ».
Rachida Dati candidate à Paris : embarrassée, la droite parisienne se cherche une stratégie
Par Romain David
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Rachida Dati a levé le voile, ce mercredi matin, sur une candidature qui ne faisait guère mystère. La nouvelle ministre de la Culture a confirmé qu’elle briguerait la mairie de Paris aux municipales de 2026. Une annonce qui tombe au lendemain de la conférence de presse d’Emmanuel Macron, lors de laquelle le chef de l’Etat a assuré qu’il n’avait passé aucun accord électoral avec cette figure du quinquennat de Nicolas Sarkozy pour qu’elle accepte d’entrer au gouvernement. « Moi, je ne me cache derrière rien. Pour reprendre une expression de Jean-Luc Mélenchon, je n’ai pas de pudeur de gazelle. Oui, je suis élue parisienne, mon objectif c’est Paris. J’ai une volonté, c’est de rassembler tous ceux qui veulent que ça change à Paris. Je suis déterminée et vous le savez », a expliqué la nouvelle ministre au micro de la matinale de RTL. À la question, serez-vous candidate à la mairie de Paris ? Elle répond : « C’est dans trois ans, bien sûr ! Je l’ai toujours dit. Je l’ai été en 2020, et on va recommencer ».
L’entrée de Rachida Dati en macronie lui permettrait de glaner du côté de la majorité présidentielle les appuis qui lui manquent pour renverser la gauche, à condition, toutefois, de conserver le soutien de la droite parisienne. Sur ce point, rien n’est moins sûr. « Nous n’avons pas parlé de Paris. Vous aurez du mal à me croire, mais c’est vrai », a déclaré Emmanuel Macron mardi soir devant un parterre de journaliste. Au sortir du Conseil des ministres ce mercredi, la porte-parole du gouvernement a été interpellée sur ce sujet. Rachida Dati portera-t-elle les couleurs de la majorité en 2026 ? « Vous me demandez si Rachida est en campagne ? Oui, elle est en campagne pour le pays, au sein du gouvernement. Elle est largement mobilisée là-dessus », a balayé Prisca Thévenot.
La droite parisienne accuse le coup
À droite, une semaine après la nomination de Rachida Dati, les élus parisiens demeurent toujours silencieux, ce qui en dit long sur le trouble suscité par leur ancienne figure de proue. Faut-il adhérer à sa démarche, pactiser avec le camp présidentiel, ou s’en désolidariser pour sauver la droite parisienne de l’engloutissement qui menace le parti de la rue de Vaugirard ? « On verra aussi comment elle évolue au sein du gouvernement », nous confiait Roger Karoutchi, sénateur LR des Hauts-de-Seine, mardi, en marge d’une réunion du Conseil stratégique de LR. « À cette heure, il est difficile de m’exprimer tant que tout n’est pas stabilisé », nous glissait par texto la sénatrice LR Catherine Dumas. Elle devrait prendre la présidence du groupe d’opposition au Conseil de Paris, Rachida Dati ayant officiellement présenté sa démission ce mercredi. Selon des informations de Public Sénat, l’ancienne garde des Sceaux pourra continuer à siéger au sein du groupe.
« Il faut reconnaître que Rachida Dati reste la meilleure candidate pour incarner une alternance à Paris en 2026 », admet un poids lourd de la droite locale. « Mais les municipales, nous n’y sommes pas encore… », ajoute cet élu, selon qui l’hypothèse d’un ticket avec la macronie reste inenvisageable pour LR.
Selon Politico, le sénateur Francis Szpiner, ancien maire du 16e arrondissement, se verrait désormais prendre la place de Rachida Dati comme leader de l’opposition dans la capitale, et ce dans l’hypothèse d’une candidature en 2026. « Je n’y crois pas une seconde », évacue une élue parisienne. Sollicité par Public Sénat, l’intéressé reste ambigu : « En ce moment, on marche sur de la nitroglycérine… alors un mouvement brusque », plaisante-t-il. Il développe néanmoins : « L’idée d’un duel annoncé entre Anne Hidalgo et Rachida Dati ne tient pas compte de la réalité de la vie politique. 2026 est encore loin. On nous dit que Monsieur X ou Madame Y serait la mieux placée pour battre Anne Hidalgo, mais qui vous dit qu’Anne Hidalgo sera encore la candidate de la gauche dans trois ans ? »
« Aujourd’hui, Rachida Dati est en mode panique »
Au sein de la majorité, l’éventualité d’une candidature de Rachida Dati soutenue par le président de la République ne fait pas l’unanimité non plus. « Cette nomination, c’est d’abord un troc. Madame Dati est candidate à la mairie de Paris. Elle ne vient pas au gouvernement pour servir la culture. Je suis élu de Paris depuis quinze ans, et en quinze ans je n’ai jamais entendu Madame Dati se préoccuper de culture », a taclé sur BFM TV l’ancien député Pierre-Yves Bournazel, conseiller municipal Horizons. Ce dernier a déjà reçu le soutien d’Edouard Philippe : « Chez Horizons, nous avons quelqu’un qui a de grandes idées pour notre capitale. Nous avons devant nous un bon candidat, c’est Pierre-Yves Bournazel. Il fera un très bon Maire de Paris », a déclaré, en début d’année, l’ancien Premier ministre lors d’une rencontre avec des militants.
On peut également s’interroger sur les intentions de Clément Beaune. L’ex-ministre des Transports, débarqué du gouvernement après avoir critiqué la loi opposition, affiche depuis longtemps ses ambitions parisiennes. Les noms d’Olivia Grégoire et de Marlène Schiappa ont également circulé.
« Aujourd’hui, Rachida Dati est en mode panique. Elle a été virée de son parti et elle se rend compte que les macronistes n’en veulent pas forcément. C’est la raison pour laquelle, ce matin, elle affirme sa candidature de manière maladroite, à trois ans de l’échéance », décrypte le sénateur socialiste Rémi Féraud, chef de file de la majorité au Conseil de Paris. « Elle a franchi le Rubicond parce qu’elle se savait dans une impasse électorale, mais le fait est que son groupe n’était pas prêt à la suivre. » Ian Brossat, conseiller communiste dans le 18e arrondissement et soutien d’Anne Hidalgo, estime que le ministère de la Culture est devenu « une salle d’attente » pour celle qui reste à ce jour maire du VIIe arrondissement. « On peut commencer à sortir le pop-corn. Entre les macronistes qui râlent et les LR qui sont prêts à lui mettre des bâtons dans les roues… »
Changer le mode d’élection du maire
Au cours de sa conférence de presse, Emmanuel Macron a également indiqué vouloir réformer la loi dite « PLM » pour Paris-Lyon-Marseille, et qui règle le mode de scrutin aux municipales dans ces trois grandes villes. Dans la capitale, les électeurs votent dans chaque arrondissement pour une liste de conseillers à envoyer au Conseil de Paris. Ce sont eux qui élisent le maire, à la majorité absolue, lors de la première réunion de cette assemblée. Ce mode de scrutin est critiqué par certains opposants, qui estiment que l’issue du vote aurait pu être différente avec une élection au suffrage universel direct. Sylvain Maillard, président du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, entend déposer dans les prochaines semaines une proposition de loi pour mettre fin à ce mécanisme.
Mais la gauche dénonce un « tripatouillage électoral ». « C’est un mode de scrutin qui a quarante ans, et qui a permis de favoriser la décentralisation et le rôle des quartiers dans la proximité avec les Parisiens. Réformer ce système reviendrait à supprimer les mairies d’arrondissements », défend Rémi Féraud. « Le mode électoral répond aux spécificités de Paris, à la fois ville et département », abonde Ian Brossat. « Nos opposants ont l’air de dire que les électeurs ont voté pour Anne Hidalgo par inadvertance. Qu’ils reprennent les bulletins de vote. En haut de chaque liste d’arrondissement, le nom d’Anne Hidalgo était inscrit en toutes lettres et en très gros ! ».
En interne, la droite locale reconnaît que cette réforme ne l’emballe pas outre mesure. Un travail de réflexion doit être lancé sur les possibilités d’adaptation du scrutin. « Ce sont surtout les militants et les élus non Parisiens qui militent pour ce changement », admet un LR déjà cité plus haut, et qui redoute les conséquences administratives et politiques liées à l’éventuelle disparition des vingt mairies d’arrondissement.
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