Au terme de six ans de procédure, les juges d’instruction ont ordonné mardi 22 juillet la tenue d’un procès contre la ministre de la Culture et maire du 7ème arrondissement de Paris, Rachida Dati, et l’ex-PDG de Renault Nissan Carlos Ghosn pour notamment « corruption » et « trafic d’influence ». Les juges soupçonnent Rachida Dati d’avoir perçu 900 000 euros pour des missions de conseil fictives, alors qu’elle était avocate et députée européenne. Les magistrats la soupçonnent aussi d’avoir fait illégalement du lobbying au Parlement européen. Agée de 59 ans, la ministre sera jugée pour « recel d’abus de pouvoir et d’abus de confiance », « corruption et trafic d’influence passifs par personne investie d’un mandat électif public au sein d’une organisation internationale », le Parlement européen.
Rachida Dati conteste les faits
Une première audience prévue le 29 septembre doit permettre de fixer la date du procès, qui pourrait se tenir après les élections municipales prévues en mars 2026. Figure centrale de la droite depuis la présidence de Nicolas Sarkozy entre 2007 et 2012, Rachida Dati conteste les faits. Interrogée sur LCI, la ministre de la Culture a dénoncé une « procédure judiciaire émaillée d’incidents » et a mis en cause les magistrats qui ont instruit le dossier qui, selon elle, « marchent sur les droits de la défense ». Emmanuel Macron assure avoir pris note du renvoi en procès mais il a renouvelé son soutien à la ministre de la Culture.
Des magistrats indépendants
Dans un communiqué, le procureur de la République financier Jean-François Bohnert, rappelle que Mme Rachida Dati a fait l’objet, d’une décision ordonnant son renvoi devant le tribunal correctionnel, des chefs de corruption et trafic d’influence passifs, ainsi que recel d’abus de pouvoirs et d’abus de confiance, rendue par « des magistrats instructeurs indépendants ». Tout au long de l’information judiciaire, « elle a pu librement, comme tout justiciable, faire valoir ses droits et exercer toutes les voies de recours qu’elle estimait utiles. Le procureur de la République financier rappelle aussi « qu’aucune décision de classement sans suite de cette procédure n’a jamais existé ». Il rappelle, enfin, que « la critique d’une décision de justice ne peut être effectuée que dans le seul cadre de l’exercice des voies de recours prévues par le code de procédure pénale. »
« Le procès à venir n’est que la partie émergée de l’iceberg »
Pour Rémi Féraud sénateur de Paris et opposant à Rachida Dati dans la capitale, « sa place n’est ni au gouvernement, ni aux municipales, mais devant les tribunaux ». Il ajoute : « dans toute autre démocratie qui fonctionne bien Rachida Dati aurait démissionné du gouvernement ». Selon le sénateur socialiste de Paris, « ce procès à venir n’est que la partie émergée de l’iceberg de toutes les affaires dans lesquelles elle est mise en cause ». Selon ce proche de la maire de Paris Anne Hidalgo, « plus l’élection se rapproche, plus Rachida Dati devient un problème pour la droite parisienne » qui n’a pas « travaillé à une alternative à Mme Dati » car elle a bloqué l’émergence de toute autre candidature. Et Rémi Féraud constate que « ni LR, ni Renaissance n’ont encore investi de candidat pour la capitale »
La situation n’est « pas idéale » pour la droite
Dans les rangs de la droite parisienne, on estime que la « situation n’est pas idéale » à quelques moins des élections municipales. Catherine Dumas, sénatrice LR de la capitale reconnaît que « ce n’est pas le terrain le plus favorable pour reprendre une ville telle que Paris » aux mains de la gauche depuis 2001. Si la sénatrice prend acte de la décision des juges, elle met en avant le fait que la commission d’investiture du parti Les Républicains n’a pas encore désigné son candidat pour Paris. Catherine Dumas souligne enfin qu’il faut attendre la décision du Conseil constitutionnel sur la loi Paris-Lyon-Marseille, car « cela pourrait changer la donne »
Cela « va être compliqué » selon Ian Brossat
Pour le sénateur communiste Ian Brossat et candidat aux municipales à Paris, « la loi PLM personnalise l’élection, donc les ennuis judiciaires de Rachida Dati « pourraient avoir un impact » sur sa candidature. « Ce sont les juges qui décideront du sort de Rachida Dati, mais il est clair qu’avec ce renvoi en correctionnelle un certain nombre de questions politiques vont se poser », estime Ian Brossat. Selon le sénateur communiste de Paris, « cela va être compliqué » pour Rachida Dati qui a choisi de faire de la lutte de la délinquance à Paris l’un de ses thèmes de campagne. Interrogé sur la nécessité pour la ministre de la Culture de démissionner, Ian Brossat remarque que « si on attendait que tous les ministres du gouvernement mis en examen démissionnent, il n’en resterait pas beaucoup ». Maintenant la balle est « dans les mains des Parisiens », estime l’opposant à Rachida Dati dans la capitale.