Le Rassemblement national (ex-FN) a obtenu mercredi une demi-victoire dans son bras de fer avec la justice, qui a réduit de moitié la saisie de deux millions d'euros d'aides publiques dans l'affaire des emplois présumés fictifs au Parlement européen.
La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a validé le principe de cette saisie inédite, ordonnée le 28 juin par les juges d'instruction, mais a réduit son montant à un million d'euros.
"Incontestablement c'est une victoire", même si le RN reste "en désaccord sur le fond avec l'existence même de cette saisie", a réagi la présidente du Rassemblement national (ex-FN), Marine Le Pen, dans les couloirs de l'Assemblée.
L'épreuve de force pourrait désormais se poursuivre devant la Cour de cassation, plus haute juridiction judiciaire.
Le RN, qui a cinq jours pour former son pourvoi, hésite encore en raison d'ambiguïtés juridiques. Il avait pourtant annoncé le matin dans un communiqué qu'il allait saisir la juridiction suprême pour y contester "en droit la possibilité d'une condamnation préventive avant tout jugement".
Le parti considère en outre que cette saisie "continuera à attenter à la participation équitable des partis politiques, à la vie démocratique de la nation".
- "Choix cornélien" -
Mais le RN est devant "un choix cornélien, puisque l'agence qui doit (lui) restituer le million d'euro (...) demande une +attestation de non-pourvoi+ pour pouvoir rendre cette somme" au parti, a expliqué Marine Le Pen, qui a dit préférer "ne pas mourir que de pouvoir faire un pourvoi".
L'agence qui doit restituer un million d'euros au RN est l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc).
Toutefois, selon une source judiciaire, la restitution des sommes n'est pas conditionnée au renoncement à des recours.
Le Parlement européen a pour sa part pris "acte du fait que la saisie a été confirmée en son principe", a déclaré Me Antoine Maisonneuve, l'un des avocats de l'institution, en ajoutant que la chambre de l'instruction a souhaité réduire la saisie pour tenir compte "de la situation du parti".
"Nous allons pouvoir survivre" mais le RN "reste sur une ligne de crête", a estimé Sébastien Chenu, membre du bureau exécutif du RN, évoquant un "désaveu incroyable" des juges.
Décidée par les juges d'instruction Claire Thépaut et Renaud Van Ruymbeke, cette mesure avait privé le RN d'une partie de l'avance qu'il devait percevoir début juillet sur l'aide publique calculée selon ses résultats aux législatives, soit 4,5 millions d'euros par an.
Depuis l'été, le parti a agité la menace d'un dépôt de bilan et lancé une cagnotte pour "payer les salaires", qui a permis de récolter plus de 600.000 euros. Mercredi, sa présidente a remercié "tous ceux qui ont permis au Rassemblement national de se maintenir durant ces longs mois".
- "Détournement de fonds" -
Pourquoi cette saisie ? Les magistrats avançaient "le risque" que le parti, "très endetté", s'en serve pour rembourser ses emprunts et ne soit plus en mesure de payer les amendes ainsi que les dommages et intérêts en cas de condamnation à un procès.
De son côté, le RN avait dénoncé une saisie "illégale" et "totalement injustifiée". "Depuis juillet, l'activité du RN a été considérablement gênée pour ne pas dire d'ailleurs quasiment supprimée, c'est donc un vrai sujet de libertés publiques", a fait valoir l'avocat de Marine Le Pen, Rodolphe Bosselut.
A huit mois des européennes, l'affaire empoisonne l'ex-Front national, déjà renvoyé devant le tribunal pour des soupçons d'escroquerie aux frais de l'État lors des législatives de 2012.
Mise en examen pour "complicité d'abus de confiance", tout comme le parti, Mme Le Pen doit être réentendue en octobre par les juges qui enquêtent sur l'affaire des assistants parlementaires.
Saisis en 2016, les magistrats soupçonnent le parti et sa présidente d'avoir "de manière concertée et délibérée" organisé un "système de détournement" des fonds européens réservés à l'emploi d'assistants parlementaires. Le Parlement européen évalue son préjudice à près de 7 millions d'euros entre 2009 et 2017.
L'information judiciaire cible 17 députés et les contrats d'une quarantaine d'assistants parlementaires. Le dossier cumule à ce stade une quinzaine de mises en examen.